Chapitre 8 : Et ma bite, tu l'aimes ma bite ?

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— Je vois, acquiesce Véronique. Vous m’en parliez déjà il y a deux semaines si ma mémoire est bonne. Qu’est-ce qui vous a fait sauter le pas ?

— J’ai réalisé que cette histoire n’a pas d’avenir pour moi. On parle quand même d’un mec avec qui ma dernière discussion a tourné autour de la taille de son sexe : mais tu trouves pas, ma chérie, qu’elle est plus grande ma bite depuis qu’on est ensemble hein, tu trouves pas ?

Véronique sourit malgré elle en écoutant la mauvaise imitation, volontairement exagérée, de celui qu’elle suppose être Konrad et se retient d’éclater de rire.

Le plus grotesque c’est qu’en reprenant les mots de son ex, Gwendoline en rajoute à peine. Telle une pâle copie de Brigitte Bardot dans le mépris, Konrad lui avait vraiment demandé si son sexe n’avait pas grandi et grossi depuis leur rencontre. Selon ses dires, il avait constaté une réelle différence concernant son membre viril, dont il s’était enorgueilli auprès de la jeune femme. Elle avait été dépitée de devoir feindre son approbation pour ne pas le vexer. Gwendoline savait que c’était un sujet sensible pour lui, car il avait été moqué par le passé, sans aucune raison valable qui plus est, et elle avait voulu le rassurer. Mais, bien évidemment, elle avait dû mentir car, de son côté, elle n’avait constaté aucun changement. Elle doutait réellement que cela puisse arriver.

Toujours exaspérée, Gwendoline continue :

— Non mais sérieusement ! Konrad n’a rien de celui que j’attendais lorsque j’ai demandé à l’Univers de m’envoyer la bonne personne. Soit l’Univers est con comme un pied de chaise, soit je me suis mal expliquée… allez savoir !

La thérapeute se fait l’avocat du diable :

— Vous disiez de lui qu’il était l’homme de votre vie…

— J’ai dit ça, moi ? demande alors la jeune femme, surprise et confuse.

— Oui Gwen, vous l’avez dit, confirme Véronique calmement.

Gwendoline ne se rappelle plus du tout avoir utilisé ces mots mais a toute confiance en sa psy qui ne s’est jamais trompée lorsqu’elle reprend ses propos. Gwendoline avait de toute évidence fantasmé au-delà du raisonnable. La chute n’en est que plus rude désormais.

— Eh bien, je dois me rendre à l’évidence : il ne l’était pas du tout ! reprend-elle déterminée.

— Peut-être que Konrad était la bonne personne d’un autre point de vue…

— Je suis d’accord avec vous, même si cela me fait mal au cul de l’avouer.

Véronique a l’habitude de son langage fleuri. Elle ne s’en formalise pas, acceptant que la jeune femme déverse sa verve libératrice.

— Vous avez raison, reprend-elle avec moins de véhémence. Cette histoire avec Konrad m’a vraiment ouvert les yeux. J’avais besoin de cela pour avancer et grandir. En étant tout à fait honnête avec moi-même, je reconnais que ces quelques mois avec lui m’ont permis de faire un bond quantique phénoménal et de réaliser ce que je ne voyais pas très bien jusqu’alors…

— A quoi pensez-vous en disant cela ?

— Que je suis une fille géniale, et je le dis avec humilité, sans arrogance ou prétention.

C’est d’ailleurs bien la première fois que Gwendoline se voit ainsi. Elle s’étonne elle-même de telles déclarations mais comprend néanmoins qu’une partie d’elle se perçoit différemment aujourd’hui. Là où autrefois elle ne voyait que ses défauts, elle semble avoir enfin ouvert les yeux sur ses qualités.

— Je crois vraiment que je mérite un mec bien mieux que lui, renchérit-elle, lancée. Je sais la personne bienveillante que je suis et ce que j’ai à offrir aux autres, à ma fille, à mes amis, aux autres… À un homme également. Il est préférable de tout arrêter maintenant pour laisser la place à une plus belle rencontre, à quelqu’un de plus digne de moi. Je dois vraiment apprendre à me montrer plus exigeante pour me protéger et préserver ma fille. Quelle déception d’y avoir mêlé Emma. Je regrette à présent, j’aurais dû être plus patiente avant de les présenter l’un à l’autre.

— À ce moment-là, cela vous faisait plaisir. Je me souviens, vous m’aviez parlé de ce repas pris tous les trois, la première fois qu’il est venu dormir chez vous, alors que votre fille était là. Vous étiez si heureuse de vivre à nouveau ce genre de choses.

— C’est vrai, c’était merveilleux. Un vrai moment en famille comme je l’espérais. Un de mes rêves… Encore raté ! conclut-elle amère.

La jeune femme plonge le visage dans ses mains, avant de joindre ses dernières l’une contre l’autre et de les poser devant sa bouche. Son regard perdu en dit long sur la détresse et la frustration qui l’habitent, tandis qu’elle lutte de toutes ses forces pour essayer d’être comme tout le monde, sans jamais y parvenir.

— Ne soyez pas trop dure avec vous-même, Gwen. Vous avez agi en pensant bien faire. Cela arrive à tout le monde de se tromper. C’est humain et vous êtes humaine…

— J’aurais dû écouter mon intuition… Elle a bien essayé plusieurs fois de me prévenir mais je n’ai pas voulu prêter attention aux indices que l’Univers m’envoyait, trop enthousiaste à l’idée d’avoir enfin fait la connaissance de quelqu’un avec qui s’opérait une alchimie presque magique. Nous étions si bien assortis ! J’ai vraiment cru avoir enfin trouvé celui avec qui je construirais une nouvelle famille. Je m’en veux d’avoir été si aveugle ! Malgré tous les signaux d’alerte, et ils ont été nombreux, croyez-moi, je n’ai pas voulu voir la réalité en face. J’ai mis trois mois et demi pour le comprendre. Si j’avais été plus intuitive et réceptive aux indices, cela aurait dû prendre trois jours. Mais j’avais tellement besoin d’y croire…

— Vous en aviez besoin… C’était important pour vous de vivre cette étape pour grandir encore… Vous dites qu’il y a eu de nombreux signaux d’alerte. A votre avis, pourquoi ne pas y avoir prêté attention ?

— J’avais peur.

— Peur de quoi ?

— J’avais peur d’être à nouveau célibataire et de revivre la même traversée du désert que celle que j’ai connue après mon divorce. L’idée d’être en couple me faisait du bien. Malgré tout, Konrad m’apportait de la tendresse et de l’affection. J’ai préféré faire comme si tout allait bien et fermer les yeux sur ce qui ne fonctionnait pas pour continuer à vivre un peu mon rêve. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je réagis comme cela.

— A quelle autre occasion avez-vous fermé les yeux sur ce qui vous déplaisait ?

— Oh… A de nombreuses reprises, j’imagine… Je savais que mon mariage ne fonctionnerait pas, et je savais que Stéphane n’était pas pour moi…

Le mariage avec le père de sa fille avait commencé à prendre à l’eau dès la première année, mais, comme tant d’autres avant elle, elle avait décidé sciemment de faire un enfant en pensant que les choses s’arrangeraient. Quant à Stéphane, elle se souvient comme si c’était hier de la première chose qu’elle avait pensé lors de leur premier rendez-vous : barre-toi, ce mec n’est pas fait pour toi, avant d’accepter de le suivre au premier.

Gwendoline réfléchit quelques instants avant de reprendre la parole :

— En dehors de ça, ce qui me vient là, tout de suite, c’est cet épisode lorsque j’étais petite.

— Que s’est-il passé ?

— J’avais six ans, j’étais en CP… Après la tentative de suicide de ma mère, on m’a envoyée vivre chez mes grands-parents, à la campagne. J’allais à l’école du village la journée et le soir, je rentrais en car chez les parents de ma mère. Comme il n’y avait pas de place pour moi, on m’a fait dormir dans la chambre de mon oncle. Il avait une vingtaine d’années à l’époque. Et il dormait nu à mes côtés.









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