Chapitre 28 : Un artiste doué

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Le serveur arrive avec leurs consommations, qu’il dépose précautionneusement sur la table basse devant eux. Une assiette de chamallows grillés accompagne leurs chocolats chauds fumants, d’une belle couleur pralinée.

Erwann le remercie et échange quelques mots avec lui, ce qui fait à penser à Gwendoline qu’ils se connaissent déjà. Apparemment, Erwann est déjà venu ici à plusieurs reprises, puisqu’on le traite comme un habitué.

Se tournant vers Gwendoline, ce dernier commence les présentations.

— Cette jeune femme que tu vois est mon nouveau modèle, annonce-t-il avec un clin d’œil. Nous avons fait une séance sur le pont de la Jonelière au coucher du soleil. Elle a failli mourir de froid pour la beauté de l’art. Gwen, voici Fred, le patron de ce gourbi, ajoute-t-il pour plaisanter.

— Enchantée Fred. Votre canapé est merveilleusement confortable et votre déco est superbe, le complimente-t-elle, sincèrement.

— Merci beaucoup Mademoiselle, répond-il avec un sourire enjôleur, dévoilant des dents légèrement espacées. Dis-moi l’artiste, est-ce que tu comptes exposer à nouveau ici, prochainement ?

— C’est en projet. Je fais d’ailleurs des recherches en ce sens et je pense que la séance avec Gwen sera propice à ce type de thème.

— Super, tu nous donneras tes dispos pour qu’on imprime des flyers. La dernière fois, ton expo a fait salle comble et Jonathan — c'est mon associé, précise-t-il à l’intention de la modèle — était ravi du chiffre d’affaires. Tu es doué, mec, il faut dire ce qui est ! renchérit Fred, élogieux.

Erwann, qui commence à se sentir mal à l’aise face à ces compliments, fait tourner ses anneaux autour de ses doigts. Une habitude qui n’a pas échappé à la jeune femme.

— Eh bien, quand je suis très inspiré, le résultat ne peut être que bon, argumente le photographe en regardant attentivement Gwendoline.

A présent, c’est elle qui se sent gênée, quoique néanmoins flattée par ses sous-entendus.

Comme durant le repas, elle sent ses joues s’empourprer mais apprécie l’attrait évident qu’il semble éprouver pour elle.

— Profitez bien de vos boissons les jeunes, et tiens-moi au courant, mec. Gwen, ravi d’avoir fait votre charmante connaissance.

— Tout le plaisir était pour moi, répond-elle.

— A votre service, conclut le serveur en se penchant légèrement en avant comme pour lui faire une révérence.

Fred, dont l’attitude paraît exagérément maniérée à la modèle, se retire vers le bar, tenant son plateau rempli de verres en l’air, à bout de bras. Elle le dévisage et remarque sa démarche chaloupée et son style vestimentaire très près du corps. Son intérêt pour Erwann n’est peut-être pas dirigé que vers ses talents d’artiste… Soudain, elle s’interroge sur l’homme qui est assis à côté d’elle. Qu’il plaise à la gent masculine avec son style craquant et branché de hipster, c’est évident, mais son allure soignée n’en fait pas un gay pour autant. Beaucoup d’hommes font attention à eux et portent des bijoux sans que cela enlève quoi que ce soit à leur virilité, bien au contraire. D’ailleurs, elle les adore ses bijoux et trouve que cela lui donne un charme fou et beaucoup de personnalité. Pour quelqu’un comme elle qui n’aime pas les gens transparents, un homme qui affiche ses goûts et aime s’exprimer à travers son image, c’est du pain béni dont elle se régale.

Quant à Fred, qu’importe son orientation sexuelle, elle n’a pas la moindre crainte à avoir vu la façon dont Erwann la dévore des yeux depuis leur rencontre. Elle repense à son clin d’œil et aux mots qu’il vient de prononcer et se demande ce qu’elle doit en conclure.

Est-il lui aussi sous le charme ? Comme en écho à ses propres questionnements, une légère tension s’installe entre eux.

Ils se dévisagent quelque peu gênés, comme lisant dans les pensées l’un de l’autre.

De son côté, Erwann cherche de quoi se donner une contenance en lui tendant la grande tasse avec sa soucoupe. Elle se redresse pour la saisir et y porter les lèvres. Le crémeux et la douceur du mélange de lait et de vrai chocolat en morceaux la comblent. Elle pousse un soupir d’extase.

— Hum, c’est délicieux, vraiment…

— Content que cela te plaise. Ils sont très cools ici et le personnel est aux petits soins… et pas le moins du monde avare en compliments, comme tu as pu le constater. Je viens souvent depuis que… Enfin souvent.

Il était sur le point d’ajouter : depuis que je me suis séparé, mais il préfère tenir éloigner de lui le souvenir de cette période difficile. Il n’a pas envie de replonger dans ce qu’il a traversé et préfère passer sous silence l’épisode de son divorce. Il fixe sa tasse des yeux, silencieux.

Gwendoline le sent touché, déstabilisé. Voyant qu’il se perd dans ses pensées, elle prend le relais en continuant la discussion, impatiente d’en apprendre davantage sur lui.

— Si je comprends bien, tu es déjà venu exposer ici ? Dommage d’avoir manqué cela…

— Il y aura d’autres occasions. Comme les photos que l’on a faites ce soir seront destinées à une exposition, j’aimerais que tu me donnes ton avis sur celles que tu voudrais montrer au public. C’est ton image après tout. Je peux en sélectionner quelques-unes, les retoucher et te les montrer de visu pour que tu me fasses part de tes impressions. C’est un travail d’équipe et ton opinion m’importe.

— C’est très gentil de ta part, merci. Vu ton talent, je suis sûre que certaines vaudront le coup d’œil. J’ai souvent été voir ton travail sur ton profil Instagram et j’avais hâte de te rencontrer et de collaborer avec toi. Dommage qu’il nous ait fallu autant de temps pour organiser ça, dit-elle en reprenant une gorgée de son chocolat chaud.

— C’est vrai que cela n’a pas été simple. Tu as ta fille en garde principale, c’est bien ça ?

— Oui, je récupère Emma dimanche soir. Son père la prend un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires. On devait faire une garde alternée, comme toi, mais cela n’a pas été possible, car on ne vit plus à côté. Il a quitté Nantes quand il s’est remarié.

— Ta fille a donc une belle-mère ?

— Oui et tout se passe très bien. Je ne dis pas que les débuts n’ont pas été difficiles mais, pour le bien d’Emma, on a réussi à accorder nos violons, même s’il y a eu quelques fausses notes au départ, explique-t-elle en grimaçant comme pour s’excuser.

Il sourit à l’évocation de ce genre de complications qu’il connaît bien.

— La vie de parents séparés et de famille recomposée n’est pas un long fleuve tranquille, soupire-t-il, quelque peu résigné.

— La vie est faite de hauts et de bas. Il faut apprendre à surfer sur la vague et s’adapter, termine-t-elle en le regardant droit dans les yeux, un sourire aux lèvres.

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