Chapitre 93 : Le bracelet

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Durant tout le trajet du retour, ils se touchent, se cherchent, se câlinent. Pour deux êtres qui ont passé trois nuits ensemble sans jamais avoir fait l’amour, ils sont très tactiles et remplis de désir. Le taxi les dépose à la navette fluviale et Erwann se charge de leurs sacs et de leurs tickets. Il aide la jeune femme à grimper à bord et lui propose de monter à l’étage pour profiter d’un paysage totalement différent de celui de leur arrivée.

Les embruns rafraîchissants leur fouettent le visage lorsqu’ils refont en bateau la traversée entre la rade de Brest et le port du Fret. Elle met ses lunettes de soleil et porte ses cheveux lâchés, qui s’emmêlent en un tourbillon argenté autour de son visage. Profitant de cette image sauvage de la jeune femme, Erwann immortalise la scène avec son appareil photo, celui-là même avec lequel il a joué avec elle et son intimité, la veille. En regardant en arrière dans l’écran numérique, il constate la beauté des images qu’il a déjà en stock. Cela lui rappelle ce moment si fort où il était entre ses cuisses. Elle, son modèle, sa muse, s’abandonnant à ses assauts langoureux, divinement sienne…

— Tu veux voir ? demande-t-il en lui indiquant le cadran.

Elle s’approche et met une main en coupe au-dessus de l’appareil pour abaisser la luminosité du soleil. Concentrée, elle observe les clichés défiler sous ses yeux.

— Wow, c’est sexy. C’est hot, dis donc, chuchote-t-elle, pour ne pas éveiller les soupçons des autres passagers.

— Tu es tellement belle quand… quand tu es à moi…

Son instinct de propriétaire ressurgit malgré lui. Il ne peut s’empêcher de la vouloir pour lui seul. A ses mots, Gwendoline est parcourue d’un courant électrique. Son corps se met toujours à frissonner lorsqu’il lui partage ses pensées intimes, réveillant l’ensemble de ses sens en une fraction de seconde.

Elle continue à faire défiler les images, le regard de son partenaire toujours braqué sur elle, observant ses réactions du coin de l’œil.

— J’aime beaucoup la perspective que tu as utilisé ici, ajoute-t-elle en montrant son sexe en gros plan, une vulve brillante, offerte et épanouie, prête à être cajolée et honorée. C’est très sensuel… tout comme le moment d’ailleurs, si mes souvenirs sont bons.

Elle lui sourit, émoustillée. Il n’y a pas que les rayons du soleil qui la réchauffent.

— Tu es très sensuelle, murmure-t-il à son oreille. Divinement sensuelle, belle et désirable.

Sa bouche s’empare de son lobe charnu, laissant son souffle se perdre sur sa peau. Sa langue s’aventure furtivement le long du pavillon, avant qu’il ne termine sa tentative d’excitation par un tendre baiser dans son cou. Il lève les yeux et observe les regards gênés des autres voyageurs qui les dévisagent. Erwann se retient de nouveaux élans osés, mais la frustration est grande de se tenir à côté d’elle et de ne pas pouvoir laisser libre cours à son imagination débordante. Il est fier d’avoir réussi à tenir la promesse qu’il s’était faite, malgré le supplice que cela a été ! Un rapide calcul mental lui donne de l’espoir : s’il revient sur Nantes dans le courant de la semaine pour son travail, il aura peut-être la chance de s’adonner à de nouveaux moments intimes avec elle. Il sait qu’elle a sa fille en garde principale mais il espère pouvoir la kidnapper quelques heures en journée. Ou peut-être se faufiler sous ses draps la nuit, lorsque la petite sera couchée. Leurs rencontres resteront secrètes jusqu’à ce qu’elle le décide. De son côté, Manon-Tiphaine est à présent au courant et déjà sous le charme de la jeune femme. Recevra-t-il le même accueil avec Emma ?

Son travail, sa fille, ses séances photos, et toutes ces choses qu’elle porte à bout de bras et qu’elle doit honorer… quelle place va-t-elle lui réserver ?

Trois jours avec elle et déjà tant de questions sur leur avenir…

Lorsque le bateau accoste et décharge ses passagers. Les deux tourtereaux se séparent à regret et quittent leur bulle de bonheur pour se mêler à la foule des badauds et rejoindre la voiture d’Erwann, garée sur le parking du port. Il lui ouvre la portière et la referme derrière elle, lui prodiguant au passage un nouveau baiser. Leurs gestes sont plus tendres, plus démonstratifs qu’à l’aller. Certaines barrières sont tombées ces jours-ci, leur offrant une plus grande proximité, pleine de complicité et de sensualité.

En arrivant à la villa, le cœur de Gwendoline se serre dans sa poitrine. Elle sent son ventre se nouer malgré l’attention qu’elle porte à la respiration qui s’écoule à travers elle. Elle a peur. Elle regrette. Ils auraient dû faire l’amour, elle aurait dû donner plus, lui rendre la pareille. Elle a peur d’avoir abusé de sa gentillesse. Elle n’a jamais été respectée et honorée de la sorte. C’est tellement inhabituel que cela la déroute, la culpabilise.

Elle s’arrête un instant, s’écoutant parler. Elle reconnait ce dialogue interne, ce bla-bla quotidien, celui qui lui fait penser qu’elle n’est jamais assez. Pas assez bien pour un homme aussi fantastique que lui.

Elle s’écoute penser depuis des semaines et essaie de faire tout son possible pour ne pas s’y attarder. Comme le répète Véronique : « ce ne sont que des mots, une succession de lettres, qui forment des mots, qui forment des phrases, et c’est tout. Les pensées ne sont que des pensées. Ce n’est pas forcément la vérité. Ce n’est que rarement la vérité. »

Son juge intérieur est tenace et sournois. Inlassablement, il lui envoie ses missives : « tu aurais dû, tu aurais pu, cela aurait été mieux si, tu n’es pas assez, tu es trop. » Il ne se fatigue jamais de ses reproches, de ses injonctions, de ses jugements négatifs. La jeune femme apprend chaque jour à se détacher de cette petite voix qui la harcèle, à l’écouter sans lui donner foi, puis à l’ignorer. Elle sait que tout le monde est aux prises avec ce discours interne, exigeant, qui rabâche sans cesse la même rengaine. En prendre conscience et ne plus se laisser guider par lui est la seule façon de dépasser les doutes et les craintes.

Confiante, elle sait qu’elle peut y arriver, et la présence bienveillante d’Erwann dans sa vie ne peut qu’y contribuer.

Elle marche jusqu’au jardin et découvre pour la première fois la piscine qu’elle n’avait pas remarquée jusqu’alors. La terrasse adjacente offre une vue resplendissante sur la mer. Sous ce soleil éblouissant, elle scintille telle une étendue de diamants dans leur écrin bleu. Le décor est superbe, la villa est splendide et elle a eu la chance de pouvoir profiter d’un cadre idyllique pendant trois jours. Voilà les faits. S’en tenir aux faits pour ne pas se laisser embarquer par les tourments de son esprit.

Il est midi et Erwann lui propose une collation avant de partir. Elle refuse poliment, sentant que son ventre noué n’acceptera rien de plus qu’un peu d’eau fraîche. Pendant qu’elle s’attarde sur le panorama devant elle, il part à la cuisine et lui ramène une carafe d’eau avec des rondelles de citron dedans, qu’il dépose sur la grande table de réception.

Puis, il se rapproche d’elle et lui prend délicatement le poignet, autour duquel il attache un bracelet, dont il noue les deux bouts en faisant deux boucles. Le bracelet est un lien de cuir noir autour duquel sont accrochés une dizaine de petits coquillages, de différentes formes et couleurs. Il lui explique la provenance de cette création :

— Pendant les deux semaines où on a été séparés, je me suis baladé chaque jour sur cette plage, là-bas, indique-t-il de la main, et j’ai ramassé ce que je trouvais de plus joli. Au début, je n’ai pas fait ça dans un but précis, c’était juste plaisant, puis cette idée de lien personnalisé m’a traversé l’esprit. J’ai choisi les plus petits et les plus beaux spécimens pour les réunir dans une sorte de bracelet porte-bonheur… tu sais, un gri-gri.

Erwann paraît gêné. Il sait qu’elle a du mal à recevoir les déclarations, les présents, et tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à une marque d’affection.

— Tu ne me croiras jamais si je te dis qu’on ne m’a jamais offert quelque chose d’aussi… romantique. C’est… précieux, ajoute-t-elle en le caressant délicatement de la pulpe de ses doigts. Je n’ai rien à t’offrir…

— Tu plaisantes ? Hier, tu m’as invité à réaliser un de mes fantasmes, sans le savoir.

— Lequel ? interroge-t-elle, curieuse.

— Photographier une femme en train de se donner. J’ai toujours eu envie de faire ce genre de photos mais je n’ai jamais osé le proposer de peur de passer pour un pervers ou pire. Et tu arrives dans ma vie, avec ta beauté et ta douceur, et tu me permets de réaliser ce rêve inassouvi, sans même avoir besoin de te le demander. Quand tu me l’as proposé, j’ai vraiment été bluffé. J’avais l’impression que tu lisais dans mes pensées.

— Ce n’était pourtant pas le cas !

— C’est d’autant plus impressionnant alors. Et ce n’est que le début, susurre-t-il, juste avant de l’embrasser tendrement et de la serrer fort dans ses bras.

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