Songe d'un Ete Torride

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L’été est enfin là, il s’était fait attendre. Sans vraiment crier gare en moins d’une semaine on était passé d’un temps maussade avec maximum une petite quinzaine de degrés, à des journées caniculaires à plus de trente-cinq. Ce soir l’immeuble du 13 rue Saint-Lazare semble endormi, la plupart des fenêtres de l’immeuble sont soit occultées soit plongées dans le noir. Les deux seuls appartements où il semble y avoir un semblant de vie sont la loge de la gardienne et celui du quatrième étage, les fenêtres de celui-ci sont entrouvertes, afin de laisser s’infiltrer la brise nocturne.

Là-haut sous les combles, plongée dans la pénombre, Delphine est assise à son bureau, seule la luminosité blafarde de l’écran de son ordinateur déchire la noirceur de la pièce, soulignant maladroitement les contours de son visage. Un visage légèrement arrondi, aux grands yeux de biche sertis d’iris vert émeraude . Delphine est loin d’être d’une beauté que l’on croise dans les pages des magazines de mode, elle a quelques rondeurs que certains qualifieraient de disgracieuses. Cependant tout son être transpire la sensualité qui anime les femmes qui aiment croquer la vie à pleines dents. Delphine est vêtue d’une simple nuisette de couleur blanche en satin, l’étoffe délicate et ajourée laisse apparaître sa gorge et ses bras nus, elle s’arrête sur le haut des cuisses.

Delphine aime travailler au cœur de la nuit, car celle-ci favorise sa concentration, lové dans ce cocon de calme, son esprit est alors vif et réactif, c’est dans ces heures quelque peu incongrues qu’elle peut tirer toute la force de son esprit créatif, les mots alors coulent de sa plume sans discontinuer, seuls quelques bruits émanant de la vie nocturne de la ville pourraient la distraire. Elle sait bien que son travail est bien loin de ses espérances d’adolescente, où elle rêvait alors de révolutionner la littérature par la rédaction d’une saga qui serait une sorte d’analyse sociologique romancée de son époque, tel que Germinal.

Delphine aime rappeler à qui veut l’entendre qu’elle a la chance de vivre de sa passion, la plume, ce qui est quand même rare de nos jours. Elle est responsable d’une rubrique cœurs brisés et conseils sexo dans un magazine féminin francophone renommé. Lors du dernier sondage auprès du lectorat du magazine, il en est sorti que près de deux tiers de celui-ci attendait avec une forte avidité de découvrir la chronique de Delphine chaque semaine. Ce lectorat si spécifique soulignait aussi son professionnalisme, mais surtout l’humour avec lequel elle pouvait traiter le sujet, voire même la plume acérée qu’elle pratiquait dans ses articles. En deux mots elle avait révolutionné sa chronique et rajeuni son lectorat.

Les heures de nuit s’écoulent inexorablement, de son côté la température du petit appartement augmente irrémédiablement, l’air est moite, lourd, à la limite insupportable. Malgré la légère brise qui se faufile par les velux, le sang de Delphine commence à bouillir dans ses veines, elle transpire à en être toute collante. En quête d’un instant de frais, elle délaisse son travail, gagne la cuisine sans allumer, se jouant de tous les obstacles que son désordre organisé pourrait mettre sur son chemin. Elle ouvre le frigidaire, y plonge la tête, la lumière froide, presque clinique, du frigo accentue la transparence de sa nuisette, dévoilant succinctement ses cuisses voluptueuses, son fessier rebondi et sa lourde poitrine.

Mais dès qu’elle émerge du frigo, elle est à nouveau happée par la chaleur. Elle saisit une bouteille d’eau et regagne son bureau. Elle se cale confortablement dans son fauteuil, pose les pieds sur son bureau, elle porte la bouteille à ses lèvres charnues et avale une belle gorgée d’eau.

Tout en buvant, Delphine passe sa main humide de la condensation sur sa nuque, puis effleure nonchalamment sa gorge dénudée. Le contact de sa peau avec la fraîcheur inattendue est le signal qu’attendait son esprit pour divaguer. Ses yeux alors cherchent au-dehors un point où se fixer et l’aider à se concentrer, mais le paysage est entièrement enveloppé par la noirceur de la nuit, aucun détail n’accroche son regard et ses pensées partent vers d’autres horizons.

Delphine se perd dans le tumulte de ses idées qui fusent dans tous les sens. Dans un bref instant de cohérence, elle jette un rapide coup d’œil vers son ordinateur, elle constate qu’elle est en avance sur son planning de travail. Elle essaye tant bien que mal de rassembler ses idées, mais rien n’y fait, elles vont toujours de droite et de gauche. Elle le sait, lorsque son esprit entre dans ce genre de déchaînement, il n’y pas grand chose à faire, juste laisser passer l’orage et attendre sagement que son cerveau se discipline par lui-même.

Delphine n’a toujours pas sommeil, elle décide donc de tuer le temps en se connectant sur “Fruits Défendus”, un site de rencontres qu’elle fréquente depuis quelques mois. Elle a découvert ce site lors d’une enquête sur le milieu des sites et des agences de rencontres, il s’est rapidement avéré que celui-ci était principalement utilisé comme interface de rencontres par les libertins de tous poils.

Elle avait toujours prétendu que dès que son article serait terminé elle n’y retournerait plus. Mais tout le monde connaît la valeur de ce genre de résolutions, ce genre de promesses qui ressemblent à s’y méprendre aux résolutions de l’an neuf, on les tient quelques jours voire quelques semaines, mais finalement on finit par succomber à la tentation.

Au début, elle éprouvait épisodiquement le besoin de venir voir ce qui se passe dans cet univers virtuel. Mais ces dernières semaines cette pulsion est revenue plus forte et plus fréquemment qu’auparavant, Delphine pense que cette envie tire ses racines du désert de sa vie sentimentale.

Pour le commun des mortels, elle passe pour la spécialiste des relations amoureuses, elle doit donc mener une vie amoureuse sereine et épanouie. Eh bien ceux-là se trompent lourdement, la vie sentimentale de Delphine n’a rien d’un long fleuve tranquille, mais ressemble plutôt un océan tempétueux où elle vogue entre déception et revers sentimentaux.

Dans un premier temps, lorsqu’elle arriva sur le site, elle fut assez déconcertée, elle qui est si romantique, rêvant encore au prince charmant alors qu’elle a la trentaine naissante, se vit propulsée par le biais de ce site sur le terrain bestial de l’amour et du sexe, dans cet étrange endroit où bon nombre de joueurs jouent sans retenue, explosant bien souvent les règles de bienséance.

Delphine avait commencé timidement, un petit clic par ci puis un autre par là, puis au fil de ses connexions elle avait pris de l’assurance, mais pas suffisamment pour oser ouvrir une conversation franche avec les autres utilisateurs.

Ce soir, elle pianote sur le site, passant en revue différents profils d’hommes, papillonnant de gauche à droite sans vraiment chercher, juste pour passer le temps, comme à chaque fois. Les profils défilent sans discontinuer, puis à un moment elle s’arrête sur l’un ou l’autre, appréciant le physique de l’utilisateur ou bien l’originalité de la présentation, mais repart rapidement voguer dans les rayonnages de ce supermarché de l’amour.

Au fil des minutes qui passent le cliquetis de la souris s’enraye, elle se surprend alors à scruter soigneusement, de détailler çà et là les photos d’un homme exposé, mais comme à son habitude, elle se refuse de discuter avec ces représentants de la gent masculine et repart fureter ailleurs.

Tout en observant ces différents visages, elle se masse le cou de sa main gauche et s’amuse à tortiller une mèche de cheveux rebelle qui s’est échappée du nœud qui maintient normalement sa chevelure.

Au bout d’une trentaine de minutes elle rencontre le profil d’Yvan, sa description est originale, la photo de l’homme l’attire. Yvan est un brun, la quarantaine bien sonnée. Sur sa photo, son air est strict et parfaitement maîtrisé, son regard sombre et inquisiteur semble plonger au plus profond de la personne qui le regarde et sonder son âme, percer son cœur, la mettre à nu.

Ce regard aimante Delphine, elle a l’impression qu’il ne s’adresse qu’à elle et qu’ Yvan n’attendait que sa venue. Quelque peu subjuguée, elle commence à se laisser aller à rêver devant ce visage inconnu. Mais elle est très vite tirée de sa rêverie par cet inconnu qui s’est probablement rendu compte qu’une personne de la gent féminine s’intéresse à lui.

Yvan ouvre directement la conversation. L’audace de son correspondant déstabilise quelque peu Delphine, mais c’est surtout sa promptitude avec laquelle elle accepte de converser avec lui qui l’émeut le plus (sa promptitude à accepter… ou la promptitude avec laquelle elle accepte…). Elle sent qu’elle perd pied et risque d’être débordée par ses vieux démons.

Yvan se présente succinctement, ne laissant aucune ambiguïté sur ses intentions, après sa rapide présentation d’usage et les formes de politesse usuelles, il ouvre les hostilités sans autre préambule. Il n’a qu’ une seule idée en tête, la découvrir, mais de manière imagée.

Elle découvre un plaisir inattendu à être une proie, à être prise dans la toile qu’Yvan à tissé autour d’elle. C’est vrai que c’est un contact virtuel mais il est suffisamment direct, clair, et sans aucun sous entendu, pour réveiller en elle des envies qu’elle croyait depuis longtemps mortes.

Elle se sent bizarre, comme à l’époque de ses premières fois, un subtil mélange d’appréhension et d’excitation, son corps lui crie de s’ abandonner aux jeux de cet Adonis.

Les phrases d’Yvan sont courtes, cinglantes, ne laissant aucune possibilité pour ergoter. Le rythme endiablé avec lequel elles s’affichent sur l’ écran ainsi que le ton et le champ lexical utilisés par son interlocuteur augmentent encore la tension qui naît en Delphine.

"J’ai envie de te faire l’amour

Doucement, tout doucement.

Que tu ne sentes sur ta peau

Que mon souffle, rien de plus,

Mon souffle chaud.

Et que tu le devines

De plus en plus pesant.

J’ai envie de dessiner les contours de ton corps

Avec ma langue, légèrement, finement

Comme je pourrais le faire

À l’aide d’un bas de soie.

Aimerais-tu ?

Que je te frôle de ma langue ?"

Yvan écrit sans laisser la moindre possibilité à Delphine de répondre. En lui imposant le silence, il accroît la pression sur elle. Le fait qu’ un inconnu la tutoie directement crée chez elle un trouble qui ne fait qu’ amplifier son état émotionnel.

Maintenant elle n’a plus qu’ une seule idée en tête: sentir sa langue courir sur son corps. Elle en brûle d’envie, la petite voix dans sa tête hurle déjà : - Oh mon Dieu ! Oui …Oui lèche-moi

Mais sa timidité reprend rapidement le haut du pavé, la poussant à répondre d’un oui plus timorée, son corps tremble déjà de délectation en vue de la tempête sensorielle qui s’annonce.

Yvan reprend la conversation:

“De ma tête, Je veux entrouvrir tes cuisses

L’Y placer mon visage, te sentir,

Sentir ton sexe s’humidifier,

Le contempler.

Entrouvrir délicatement

Tes petites lèvres de ma langue

Aller à la découverte de ta chatte.

Aspirer ton clito.

Tu aimerais que je te la suce,

Ta petite chatte ?”

Chaque mot qui apparait sur le tchat ne fait qu’amplifier sa soif de jouissance, elle sent sous sa nuisette, le long de ses cuisses, ruisseler sa cyprine s’échappant de son sexe

Yvan reprend ses assauts :

“Tu veux que je te la bouffe,

Ta petite chatte ?”

Delphine est au comble de l’excitation, perdant tout sens des prévenances, elle lui répond d’un simple:

- Oui

Elle ne peut refouler les soupirs d’excitation qui remontent de sa gorge, instinctivement sa main remonte sa nuisette, mettant à nu ses cuisses et son bas-ventre, elle écarte clairement les jambes, révélant son sexe sans aucune pudeur, elle se caresse légèrement de son index. Celui-ci va et vient entre ses lèvres humides, les prémices de ses caresses sont hésitantes, mais au fur et à mesure que les secondes s’égrainent, et qu’elle s’abandonne aux sensations naissante, le rythme de sa main s’accélère et la pression de ses doigts est de plus en plus soutenue.

L’excitation est puissante, bien trop forte pour qu’elle résiste, son corps n’appelle qu’à soulager cette tension bien trop longtemps réprimée. Delphine bout, éructant un râle d’envie impudique et tonitruant.

Cet inconnu l’avait bien jaugée, il avait visé juste. Yvan appuie sur ses failles érotiques, révélant son appétit sexuel endormi. Son sexe convoite ardemment la langue de ce ténébreux inconnu.

De sa main gauche elle lui envoie :

- C’est trop bon, je me caresse.

Sur l’écran, les mots d’Yvan deviennent doux et langoureux, le rythme est caressant, il l’encourage, la guide. Le cerveau de Delphine est inondé par un flot d’endorphine qui bloque ses capacités cartésiennes, et réveille son instinct primaire. Celui-ci modifie sa perception de son environnement au point qu’elle a l’impression que son Éros est là, à ses côtés, Delphine perçoit un souffle, une main forte et chaude sur sa peau, une voix basse et langoureuse résonne dans ses oreilles, l’exhortant à continuer.

“Je suis sûr que tu es magnifique

Tu dois être très sensuelle

Je suis sûre que tu es généreuse dans ta jouissance.”

Le contraste est étonnant entre la douceur qu’il lui prodigue par ses paroles, invitant à une masturbation raffinée, et ses gestes, rapides, nerveux. Ses caresses sont plus un acte libératoire. Sans doute une envie tellement retenue qu’elle ne pouvait que jaillir, d’une manière si forte.

Delphine a maintenant calé ses pieds sur son bureau, pliant les jambes, les fesses bien enfoncées dans son fauteuil, elle est au mieux pour se toucher, offrant sa chatte au regard sombre de l’inconnu derrière l’écran de l’ordinateur.

D’une main, elle caresse vigoureusement son sein gauche, à travers l’étoffe de sa nuisette, de l’autre, elle titille son sexe en émoi. Son majeur rejoint l’index dans sa danse suave, Mais ces caresses ne suffisent pas à rassasier son appétit sexuel. C’est la main entière qui vient alors caresser son entrejambe, tandis que son autre main découvre son sein, l’empoigne vigoureusement, sa langue lape son téton turgescent.

Elle est telle une proie prise dans les phares d’un braconnier, obnubilée par les mots qui continuent à défiler sur l’écran.

“Fais-toi du bien

Mouille ton doigt

Et enfonce-le dans ta petite chatte.

Fais-toi plaisir.”

Elle le sait que trop bien, dans cet état d’excitation avancé, elle n’a plus aucune limite, docilement, elle suit les indications de son correspondant à la lettre. Elle porte son majeur à la bouche, le suce sensuellement, l’enfile dans le sexe déjà bien ruisselant de cyprine, y faisant de timides va-et-vient.

“Plus vite !

Encore !

Et encore !

À ces mots elle accélère son manège, elle sent son sexe s’ouvrir complètement, elle perd toute notion de timidité et rajoute un deuxième doigt. Le cœur de

Delphine s’emballe de plus belle, sa respiration devient courte et très saccadée, elle émet de plus en plus de sons signifiant son plaisir. Elle est tellement excitée qu’elle commence à s’adresser à l’inconnu à haute voix, il devient de plus en plus réel dans son esprit !

- Lèche-moi, oh lèche-moi la chatte, oui, bouffe-la ! Oh ! Oui, bouffe-moi la chatte, j’adore ça !

Elle est toute mouillée. Sa voix est plus rauque, ses pupilles plus dilatées, un sourire provocateur aux lèvres. Elle dénoue ses cheveux, agite la tête, écarte davantage encore ses jambes et, d’un mouvement brusque, fait tomber du bureau quelques livres et papiers. Elle prend ses aises.

- Je suis une salope qui aime… qu’on lui bouffe la chatte, une salope Oh ! Oh ! Oh ! Une salope Oh ! Oh ! Ta Salope !

Son plaisir monte, par vagues successives de plus en plus fortes, ralentissant son phrasé, rendant difficile la prononciation des mots qui participent à sa jouissance. Elle se lèche une nouvelle fois le téton tout en laissant échapper quelques soupirs plus denses. Dans une folle cadence, elle laisse sa main s’engouffrer dans son sexe détrempé, le fouiller.

Sur l’écran, l’inconnu continue :

“J’aimerais être là pour te voir

Pour t’entendre

J’aimerais sentir

Ton sexe se gonfler

Être en toi pour sentir tes contractions

Tu jouis ma belle ?”

Dans un geste fébrile, elle interrompt sa masturbation pour frapper sur le clavier :

- Je vais jouir.

D’écrire cet aveu décuple son plaisir. Sur l’écran, l’homme lui commande alors :

- Appelle-moi, je veux t’entendre.

Il inscrit son numéro de portable, ce qui provoque en elle un râle plus fort encore.

Sans hésiter, elle compose le numéro.

- Yvan ?

- Oui, ma chérie…

Et sans plus rien dire, elle laisse gronder son souffle :

- Oh ! Hum ! Oh… Oui !

À l’autre bout du fil, elle entend sa respiration, il est calme, il est seulement à l’écoute de la jouissance de cet inconnu, désirant juste partager ce moment. De sa voix qui se révèle d’une douceur infinie, il lui dit :

- Viens ma chérie !

Il exhorte Delphine à laisser sa jouissance éclater, elle pousse alors un long gémissement, une plainte qui la déchire de bonheur à plusieurs reprises, des secousses de plaisir qu’elle accompagne de la cambrure de ses reins. Elle hurle à l’oreille de cet inconnu.

Juste avant de raccrocher, il lui dit :

- Viens me voir, ma chérie.

Harassée, vidée par les événements, Delphine plonge dans un état second, un espace sensoriel, ou plus rien n’a de valeur que ces sensations bien trop longtemps ignorées.

Sur l’écran apparaît :

Demain vingt heures !

18 Clos Churchill troisième étage

Digicode est 1515

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