Chapitre 1 : Samy

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Par un bel après-midi de juin, les oiseaux jouent à saute moineau sur la margelle du vieux puits. Les volatiles taquins narguent le chat Pompon. Tapi dans l'herbe, la boule de poil attend le moment opportun où il pourra saisir sa proie. Le matou guette, silencieux. Adossé, à l'ombre du figuier, j’observe leur petit jeu. Connaissant mon minou, il ne se lassera pas. Sa patience est sans limite. Ces moustaches frétillent, il se tient prêt à bondir sur le passereau.

J’apprécie la quiétude de ce lieu. Les années passent, le plaisir reste. Ce jardin ne me rappelle que de doux souvenirs. Je m'enivre du parfum du cerisier en fleurs au printemps, de l'arôme des figues l'automne venu. Je les cueille dans l'arbre et les déguste avec gourmandise. J'admire les couleurs de la nature qui métamorphose au fil des saisons. Dans cet espace où le temps semble ne plus avoir d’emprise, j’ai grandi au pied des Pyrénées. Face à moi, la Rhune, du haut de ses neuf cent cinq mètres, se dresse avec majesté depuis la préhistoire. Les tumulus, cromlechs et dolmens parsemés aux quatres vents, témoins d'une civilisation maintenant disparue, sont des repères sur lesquels, je me suis ancré. L’'impératrice Eugénie adorait les bains de Biarritz et fut la première à lancer la mode des excursions sur ces versant. À mon tour, je parcours les Landes avec curiosité à pied ou à bord du train à crémaillière. Ce sommet est un lieu d’asile où j'ai découvert les contes et les légendes des anciens. La première fois, je fus subjugué par le panorama à trois cent soixante degrés, je me suis senti si minuscule devant l'immensité du monde. Le Pays Basque et l'Océan Atlantique esquissent les prémices de mon imagination, ils sont depuis à portée de mon crayon.

Mes premiers pas ont foulé les herbes folles. J'adore courir pieds nus dans ce coin de nature. Je suis tellement heureux de pouvoir partager ce havre de paix avec celle qui m’a tout donné depuis que je suis né : ma mère. Sur le banc en pierre, sous le pommier, elle m’a raconté des histoires. À l'adolescence, j’y lisais des poèmes. À chaque fois que la tristesse me submerge, je viens me réfugier derrière le puits. Ma mère sèche mes larmes de ses baisers. Il y a deux ans, je lui ai avoué ce que mon cœur me criait et n’osait révéler à tous. Elle m’a écouté avec bienveillance, m’a souri et j'ai su dès ce jour-là que je n’aurais plus à me cacher. Je n'étais pas différent, j'étais moi tout simplement.

Aujourd’hui, mon cahier de croquis est déposé sur mes genoux, j’ébauche les traits grossiers de la scène qui se joue entre un chat et un oiseau. Tout me fascine. Pour garder l'image présente en moi et rendre l'éphémère immortel, rien de mieux qu’un dessin. Celui-ci, je vais l’offrir à mes parents avant de partir à l’aventure. Il sera une carte postale, une de celles conservées dans des albums. Un papillon bleu se pose sur la jardinière fleurie, il se perd dans les myosotis. Le matou hésite entre les moineaux ou l'argus avec ses délicates ailes bordées de dentelle noire. Avec lequel trouvera-t-il le plus de plaisir ? Pour moi, un nouveau personnage s'ajoute sur ma toile. Finalement, mon chat se rabat sur le lézard qui file sur les pierres chaudes. À ce moment-là, une voix m'interpelle.

  • Samy, tu m'avais promis que nous irions à la rivière.

Ma petite sœur du haut de ses dix ans se plante devant moi et me sourit. Sarah ressemble à une poupée de porcelaine. Ses cheveux ondulent tel un champ de blé et ses yeux bleus sont un océan où nous aimons nous perdre. Elle a son caractère, la coquine. Elle sait ce qu'elle veut et n'abandonnera jamais quand elle a une idée en tête. Après tout, c'est la petite dernière. Elle pose son panier près de l’arbre. Il est garni de nos gâteaux préférés; des cookies moelleux et encore chauds. Dans un bol, elle a déposé des cerises juteuses et dans une bouteille, de la citronnade fraîche. La chipie attrape Pompon dans les bras et s'empresse de libérer le reptile. Tout en grondant le chat, elle lui adresse des caresses pour lui faire oublier son goûter qui vient de lui filer sous le nez.

  • Oui allons-y si tu veux.

Sarah ne me quitte pas du regard, elle cherche à sonder mes pensées les plus profondes. Depuis son arrivée dans ma vie, elle embellit mes journées. Sacha, notre frère aîné, a quitté la maison en janvier dernier pour entrer dans la marine. J'ai toujours su qu'il voyagerait sur les mers. Il suit les traces de notre grand-père. À mon tour, je vais annoncer mon départ à mes parents et les abandonner. Suis-je égoïste ? Ils m'ont appris à être fier, à ne pas renoncer à mes rêves et je sais qu'ils seront là si j'ai besoin d’eux.

Sarah saisit mon carnet, le regarde avec attention et me dit :

  • Comme c'est beau, tout semble si réel dans ton monde féerique.

Je dessine ce que je vois avec mes yeux et le métamorphose sur la toile avec mon cœur. Je m'appelle Samy, je fêterai mes vingt ans en juillet et je rêve de artiste peintre.

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