Chapitre 3 : Samy "Un peu de vous en moi"

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Six heures clignotent sur mon réveil. Dans un mois, mon aventure débutera. Je songe à tous ces explorateurs prêts à affronter les océans déchaînés, les monstres cachés dans leurs profondeurs. J’imagine leur plaisir avant d’embarquer sur le pont du Santa Maria ou de la Pinta. Tel Christophe Colomb, je prépare mon carnet de bord. J'ai bien réfléchi, pas de marche arrière possible. Je file au vent.

Je descends rejoindre mon père et le trouve assis à son bureau. Architecte doué, il réalise de nombreux projets originaux. Ses derniers travaux lui ont valu la reconnaissance de ses pairs. Cette notoriété lui permet de s'accorder une matinée récréative comme il aime à la nommer. Installé face à la baie vitrée, ses lunettes sur ses yeux bleu gris, des reflets poivre et sel dans ses boucles brunes, il est concentré, le nez sur sa tablette. Je l’observe.

  • Entre Samy, tu es bien matinal pour des vacances.

Mon père me sourit. Mes battements de cœur s'emballent, mes mains tremblent légèrement. Je n'ai rien à craindre, notre relation est forte et sincère. Je peux venir lui parler de tout et de rien. Pourtant j'ai conscience que mon annonce va lui causer du chagrin. Il me regarde avec tendresse. En le voyant, je comprends tout à coup qu’il me manquera. J'avale une grande bouffée d’air et me lance. Pourquoi hésiter ? Je n’ai plus aucun doute.

  • Je voulais te parler, dis-je du bout des lèvres.

Je lui explique de façon précise le voyage que je souhaite entreprendre. Il m’écoute, me laisse exposer mon projet et mon ressenti. Sur son visage, ses traits se tirent légèrement, il a conscience que je suis déterminé et qu’il ne me fera pas changer d’avis. Il se lève, pour me prendre dans ses bras, des larmes commencent à glisser sur mes joues. Il me serre si fort. J’en ai le souffle coupé.

Nous restons figés, le temps prend une pause. Le carillon sonne: sept heures, il nous reconnecte au moment présent. Mon père me dit :

  • Mon fils fonce découvrir le monde. Si un jour, tu as besoin de revenir te ressourcer, la porte sera ouverte.

Cette affirmation me décoche une flèche en plein cœur. Ma tête enfouie sur son torse, je l’entends renifler. Il ne montrera pas ses craintes, ses angoisses à l'idée de me laisser plonger dans l’inconnu. Avant tout, il veut que je sois heureux. Il ne faut pas que je flanche, je dois être fort. Je lui tourne le dos, j'ai peur de percevoir son sourire plein de larmes, comme une giboulée d'avril s’amusant avec le soleil sur les sommets enneigés. Je m'assois et l’observe pousser les papiers pour me faire de la place. J’étale mon plan. Depuis plusieurs jours, je travaille à élaborer le meilleur parcours. Son visage se détend. Devant son enthousiasme, je m’emballe et déballe tous mes projets aussi fous soient-ils. Curieux de connaître tous les détails, il me questionne pour s’assurer que je n’ai rien négligé. Il trace du bout de son index le chemin que je suivrai pour me rendre à la capitale. Mon objectif devient réel. Nous discutons jusqu’à ce que maman vienne nous rejoindre à midi avec un plateau garni de sandwichs. Nous n’avons pas vu le temps passer. Cet encas nous donnera la force de poursuivre. Maman n’a pas besoin de dire quoi que ce soit, elle a compris que son second fils va quitter le nid

Sarah arrive à son tour dans le bureau, elle saute dans les bras de papa. Ma petite sœur nous connaît trop bien, rien ne lui échappe. Aussitôt, elle relâche son étreinte avec notre père, se précipite dans ma direction, me prend par la main et m’entraîne hors de la pièce.

  • Samy, suis-moi. Je te veux que pour moi.

Je m’abandonne à cette course folle. La rivière est notre coin secret, celui où je lui ai appris à faire des ricochets, à pêcher, à observer la nature se transformer au cours des saisons. Elle s’assoit sur un rocher, au beau milieu de l’eau, notre île, celle où nous jouions à Robinson et Vendredi. Elle me sonde avec ses yeux bleus, deux perles dans mon firmament. Elles resteront gravées en moi où que je sois. Sarah se blottit dans mes bras et me demande :

  • Promets-moi que tu ne m’oublieras pas.
  • Tu sais, je ne pars pas à l’autre bout de la planète, dis-je pour la rassurer.
  • Sasha l’a bien fait. Maintenant, c'est toi.
  • Je serai toujours là dans ton cœur, j'ajoute en pointant mon index sur sa poitrine.
  • Comment pourrai-je te parler ?
  • Je ne me coupe pas du monde, je vais le découvrir. J'aurai mon portable, tu pourras demander à maman de te prêter le sien pour m’envoyer un message.
  • Et si tu n’as plus de batterie ?
  • Je m’arrangerai pour te répondre, je te le promets.

Sarah me serre fort, son petit corps tremble. La quitter est tout aussi dur pour moi. Je ne peux pas faire autrement, mes dessins ont besoin de liberté pour vivre et exister. Nous rebroussons chemin jusqu'à la maison, main dans la main. Depuis son entrée en primaire, je l’aide à faire ses devoirs, ce soir maman décide que pour une fois nous en serions exemptés. Nous rions de concert. Notre mère est la maîtresse de Sarah. Elle ne lui en tiendra pas rigueur.

Le reste de la soirée est magique, aucune nostalgie, aucune tristesse, ni mélancolie, juste ma famille aimante et attentive qui accepte mes choix et mes différences. Il y a tant d’eux en moi.

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