Chapitre 21 : Samy "Juste une nuit."

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Je m’assois face à l'océan et attrape mon carnet. Le ciel se pare de belles couleurs orangées qui tombent en cascade sur l'étendue salée. Au loin, le continent est un petit point dans l'horizon. Le soleil tisse de ses derniers rayons une toile somptueuse. Mon crayon à la main, je commence à rêver comme à chaque fois que mes doigts s'égarent sur le papier. Mon seul lien avec le présent est ce bout de mine qui esquisse les prémisses de mon imaginaire.

Après un quart d'heure, le dessin prend vie. J’y ajoute des papillons, ils dansent sur la page blanche. Dans les vapeurs céruléennes, le dragon jaillit avec tant de grâce qu'il en devient majestueux. Perdu dans mes pensées, je ne perçois pas PO qui se tient juste à genoux derrière moi. Le serveur m'observe sans dire un mot. Puis, il m’avoue être subjugué par la qualité de l'œuvre qui se crée sous ses yeux.

Doucement, l'astre solaire s'évapore dans l'azur laissant place à la voûte céleste qui s'éclaire de petites étincelles. Elles trouvent à leur tour une place sur le tableau. Je saisis mon sac à dos, range soigneusement mes affaires. Pourquoi est-ce que je n’entend rien d'autre que les goélands qui errent sur l'étendue de sable ? Une main se pose sur mon épaule, un frisson parcourt mon dos, surpris de sentir cette présence. Je me retourne et me trouve si près de PO que je peux sentir les effluves de houblon. Nos lèvres s'effleurent, un doute s'installe. Est-ce que je souhaite vraiment aller plus loin ? Le laisser espérer quoi que ce soit ? Je ne veux pas faire vivre à un autre ce que j’ai vécu.

Dans les yeux de PO brille la flamme du feu de camp à moins que ce ne soit le désir qui le consume. Je recule pour mettre une distance raisonnable entre nos corps. Ce garçon ne me laisse pas indifférent, je voudrais découvrir toutes les subtilités de ses courbes avec mes mains. Mais je me suis fait une promesse depuis le départ de Fabrice. Je ne me ferais plus avoir. Le prochain gars qui me volera un sourire et fera vibrer mon âme sera sûrement le seul et l'unique à qui je donnerai une chance. Mon coeur est en miettes, il me faut encore un peu de temps pour recoller les morceaux. Sur cette île paradisiaque, loin de tout, je suis perdu.

PO s'approche à nouveau, avec délicatesse, glisse ses mains dans les miennes. Elles sont tellement chaudes dans mes paumes glacées. Je n'ose plus bouger, autant surpris que touché par tant de tendresse. Je voudrais résister, mon corps montre des signaux tout autres. Dès que nos bouches se touchent, je perds le contrôle, mon désir remporte le match. Après tout, j’ai le droit de me sentir bien dans les bras d'un autre homme. Mon histoire est rangée dans un placard fermé à double clé, et je l'ai jetée aux tréfonds du passé. À présent, je me sens bien, alors pourquoi refuser de vivre ma vie tout simplement.

PO s'approche du lobe de mon oreille et me murmure :
- Juste une fois, juste toi et moi. Rien de plus.
- Je ne peux rien te promettre de plus, dis-je d'une voix tremblotante.
- Je n'attends rien d'autre, juste partager cette nuit avec toi. Avant, j’ai faim. Suis-moi.

Le serveur me dépose un baiser plein de fougue puis m’attrape par la main pour que je l'accompagne près du foyer d'où s'élève une bonne odeur de viande grillée. Nous nous installons près du feu. Les garçons ont commencé leur repas et ne font pas attention à notre arrivée. La chaleur de l'âtre dissimule le rouge qui s'étale sur mes joues. La main de PO poseé sur ma cuisse n'arrange rien. Heureusement, j'ai gardé mon maillot de bain parce que bientôt je ne pourrai plus cacher l'effet que le beau brun me fait.

Les discussions alimentent le repas, chacun raconte un rêve qu'il voudrait réaliser. Paul parle de son futur départ pour la Thaïlande, où il espère rester une année en réalisant des petits boulots. Ce pays le fascine, il veut découvrir ce territoire insensé. Son copain Julien avoue qu'il hésite à le suivre dans cette folle entreprise. Mais le savoir si loin pendant plus d'un an l'inquiète tout autant. S'il accepte de partir avec lui, il devra mettre en pause son année de médecine. Marc, le troisième larron de la bande, ne sait pas ce qu'il fera à la rentrée. Peut-être trouver un patron pour finir enfin son BTS d'électricien. Je le surprend à regarder dans notre direction, s'attardant sur le bras de PO autours de mes épaules. Sentant le léger malaise qui s'installe, je m'écarte mais PO resserre alors l'étreinte.

À mon tour de leur confier mes rêves et la tristesse que j’ai éprouvé en partant de chez mes parents, ayant le sentiment d'abandonner les êtres chers que j’aime tant. Je leur raconte que depuis que je suis sur la route à plusieurs reprises, j’ai voulu faire demi-tour. Encore ce soir, je m'interroge. Les garçons m'écoutent sans me couper la parole et à chaque fois que l'émotion éraille ma voix, le grand brun caresse ma main avant de la serrer pour m'encourager.

Alors que c'est au tour de PO, il décide qu'il est temps de passer à autre chose et propose d'aller prendre un bain. Il prétexte qu’il souhaite profiter de la douceur de la soirée. De nouveau, il me saisit la main et m'entraîne avec lui. Les copains n'ont pas suivi. Une fois tous les deux au bord de l'eau, PO descend doucement mon maillot qui se retrouve coincé à mes chevilles. Je ne le quitte pas des yeux et envoie le bout de tissu au loin. Alors que nous sommes face à face, nos mains ne résistent plus, elles partent à la découverte du corps de l'autre. Je me sens en confiance et pourtant dans d'autres circonstances j’aurais pris la fuite. Quand nos bouches se retrouvent et que nos langues se mêlent, mes craintes s’effacent.

Sous la grande Ourse, nos corps s'unissent dans un élan voluptueux. Chacun cherche en l'autre, du réconfort. Chacun de nos gestes est doux, PO ne me brusque pas. Il se montre attentif. Quand je lâche un premier soupir de plaisir, je m'attend à que tout s'arrête en un battement de cil. Allongés sur le dos, nos yeux se perdent dans la Voie Lactée, nos souffles apaisés, nous guettons l'étoile filante qui nous permettra de déposer un rêve pour qu'un jour il soit exaucé. PO pose sa tête sur mon torse, écoutant les battements de mon coeur et il me dit avec tendresse :
- Juste une nuit.

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