Chapitre 36 : Victor "En bord de Loire"

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Comment ne pas être sous le charme du paysage qui se transforme sous nos yeux en cette fin de soirée, la palette des couleurs se décline au soleil couchant. Arthur me rend la lettre de Mamie. Je la range soigneusement dans mon cahier d'écriture.À présent, nous longeons les berges du fleuve droit et majestueux. Ce cours d'eau, subtile scène de fabuleuses histoires, a accueilli des seigneurs qui y ont bâti leur château. Les hérons cendrés s'envolent dès que nous nous approchons pour les observer. Nous nous arrêtons sur les marches d'un escalier improvisé qui dévale vers un banc de sable où des canards se dandinent paisiblement. Assis, côte à côte, nous observons la nature. Elle nous invite à partager la quiétude d'une soirée d'été. À cette heure, nous sommes deux promeneurs solitaires rêvant d'un ailleurs bien meilleur. Chacun dans nos pensées, nous ouvrons une parenthèse qu'aucun ne veut fermer. Peut-être que je n'ai tout simplement pas envie de partir. Mon hésitation est-elle légitime ou pourrait-elle être l'écho d'un caprice ? Difficile tout à coup de me projeter. Si je ne savais plus où j'en suis.

Je vois dans son regard un voile que je veux déchirer, Arthur me raconte ce qu'a été sa vie avec ce sombre idiot. Il s'en veut de ne pas avoir réagi et d'avoir accepté tant de choses. Il culpabilise de penser que ce qu'ils ont partagé, était de l'amour. Après ce qu'il s'est passé la veille où son ex a commis le pire en déversant sa jalousie froide sur moi, il espère qu'il ne croisera plus sa route. Je l'écoute, je ne juge pas son ex petit ami, ni ne le descend en flèche, cela ne changerait rien. Arthur n'a pas besoin de ma pitié, l'un comme l'autre cherchons une épaule sur laquelle verser nos peines. Quand je réalise que nous sommes dans la même position depuis plus de deux heures, tête contre tête, nous lâchons ce que notre cœur garde dans son coffre fermé à double tour. Avec patience, nous trouvons le code qui déverrouille la boîte à secrets. Pas de doute, se confier est notre plus belle chance.

Tout à coup, Arthur se redresse.

  • Victor, c'est peut-être un peu tard pour reprendre la route et te trouver un coin pour dormir ce soir. Non, t'en penses quoi ?
  • Rouler de nuit, c'est pas génial. Mais il faudra bien que je parte à un moment ou un autre.
  • ça peut attendre demain matin. Puis, je sais pas toi, mais moi j'ai faim.
  • Tu me proposes quoi alors ?
  • On prend un truc au passage, j'ai repéré un Food Truck et on rentre à l'appart. T'as tout le temps du chemin pour te décider.
  • Pas besoin, je reste ce soir. Allez, viens, c'est moi qui régale.

En réponse, Arthur dépose le même baiser sur ma joue qui fut la source de tant de sentiments divers depuis deux jours. Je ne sais pas ce que j'ai envie d'en penser, un simple geste de tendresse ou quelque chose de plus profond. Pas le temps de réfléchir à quoi que ce soit de plus, il est parti en courant en direction du restaurant éphémère, au bout du quai. Devant la carte des formules, nous hésitons, sous le regard amusé des deux propriétaires d'un bus aménagé. Le couple d'une soixantaine d'années dénote avec le concept et pourtant ils ont l'air si sympathiques. Un grand sourire égaye leur visage, nous sommes les derniers clients de leur soirée, ils sont en train de nettoyer et de ranger.

  • Alors les amoureux, on vous sert quoi ? demande le propriétaire.

Avec Arthur, nous nous regardons et éclatons de rire. Mais aucun de nous n'ose les contredire. Qu'est-ce qui peut bien lui faire penser que nous puissions être ensemble ?

  • Moi, je veux bien votre formule hot dog et frites de patates douces, commencé-je. Si c'est possible.
  • Avec plaisir. Vas-y Éliane, rallume la friteuse.
  • Non, ne vous embêtez pas, dis-je tout de suite, gêné.
  • Tu plaisantes, on vous prépare ça. Et ton ami, il veut quoi ?
  • Arrête de les taquiner Edgar, regarde ils rougissent.

Le cuisinier bavard et plein d'humour œuvre à notre commande. Il nous raconte comment avec sa femme, ils se sont projetés dans cette aventure folle à deux ans de la retraite. Tous les deux s'occupaient d'une boulangerie, lui en fabrication et elle à l'accueil de la clientèle. Puis, ils ont décidé de vendre leur boutique à un petit jeune qui se lançait -son profil avait tout pour plaire- se revoyant au même âge franchir le pas. Le temps de la relève avait sonné. Eux ont acheté ce bus dont ils ont aménagé une partie en cuisine et la seconde en un résidence secondaire de luxe comme Edgar aime à le souligner. Ils sillonnent la France tout en partageant leur amour du pain qu'ils confectionnent selon l'humeur du jour. Finalement, nous acceptons de rester pour prendre notre repas sur la petite terrasse qu'ils ont improvisée sur l'esplanade face à la Loire. Les amoureux que nous ne sommes pas apprécient cette soirée romantique au son de leur radio avec des airs de guinguette. Le souvenir des dimanches après-midi en bord de Seine avec Mamie se mêlent à ceux qui se tissent en cette nuit. Eliane nous gâte en nous offrant en dessert des chaussons fourrés à la pâte à tartiner maison.

Estimant avoir assez abusé de leur gentillesse, nous prenons congé. Au moment où je dépose les sous sur le comptoir, Edgar m'interpelle :

  • Victor, ton aventure vit là, tout simplement.

Il a raison, ne pas se poser de questions sans raison, ne pas regretter ses pulsions, ne pas culpabiliser, vivre ses émotions. Alors que nous avançons dans les rues de Tours, nous croisons une femme et son mari promenant leur chien et un jeune couple rejoignant une fête improvisée dans la cité U. Et il y a nous deux que la chaleur accompagne. Tout naturellement la main d'Arthur vient prendre la mienne qui ne résiste pas, nos doigts s'emmêlent, sa paume glacée se cale dans la mienne qui brûle de l'intérieur. Je peux sentir son souffle se blottir dans mon cou quand nous arrivons devant la porte de son appart. Je n'ai qu'une envie de poser mes lèvres sur les siennes, il me devance, alors qu'il cherche à mettre la clé dans la serrure. Nos bouches s'entrouvrent légèrement, je sens le poids de son corps sur mon torse, mon dos plaqué sur l'embrasure. Ma langue découvre avec gourmandise la sienne. Il me pousse délicatement à l'intérieur sans briser le contact et claque la porte avec son pied. J'essaye de réfléchir mais c'est impossible, les sensations qui courent sur mon corps comme ses doigts le long de mon cou me font perdre le contrôle.

Le canapé est au milieu du passage où plutôt devrais-je dire à l'endroit idéal. Je pousse Arthur avec douceur pour qu'il s'assoie et vient à mon tour à califourchon sur ses cuisses. Nos baisers s'enchaînent, moins timides et moins maladroits. Nous savons où notre fougue nous emmène et malgré tout ni l'un ni l'autre ne souhaite faire marche arrière. Mes mains caressent son visage, mon index glissent le long de sa joue avant de poursuivre son chemin le long de son cou. Chacun des boutons de sa chemise cède, dévoilant son torse. Ma bouche se perd sur sa peau. De légers frissons hérissent les poils de ses bras quand mes lèvres saisissent ses tétons. Une vague de désir m'avale quand sa main se faufile entre le seul morceau de tissu que j'ai encore sur moi et les poils de mon sexe tendu. Nos gestes se mêlent, nos respirations se répondent, nos corps s'animent, nos battements de cœur résonnent de plus en plus fort. Nos caresses stimulent l'appétit qui grandit et une onde de plaisir se déverse par intermittence. L'un, puis l'autre, acceptons l'un et l'autre dans l'exploration de nos intimités avec douceur et sans heurts. Nos râles sont plus intenses, nos va-et-vient plus denses, les mouvements s'accélèrent jusqu'à ce que nous ne puissions plus contenir ce qui fait de nous des hommes.

Arthur me prend la main et m'attire sous la douche, l'eau tiède enveloppe nos deux corps. Il me serre contre lui, ses bras l'entourent, sa tête est enfouie dans mon cou et ses doigts dessinent le galbe de mes fesses. Je n'ose plus bouger. Faire durer l'étreinte le plus longtemps possible pour garder la chaleur de sa peau dans ma mémoire. Je m'écarte légèrement pour prendre son visage dans le creux de mes mains, je veux goûter à nouveau à ses lèvres, tatouer ma bouche de la sienne. Je relève la mèche de cheveux collée sur sa joue, et plonge mes yeux dans son regard qui pétille. Un sourire illumine son visage. Dans quelques heures, je partirai et je sais qu’il n'essaiera pas de me retenir. Certains penseront qu'il ne s'agit que d'un coup d'un soir, que ce n'est qu'un plan cul entre deux mecs qui cherchent un peu de réconfort, pour moi la parenthèse restera ouverte parce que je ne pourrai la fermer. Alors que je me cale dans ces bras, il masse délicatement mes cheveux. Je m'en fiche si on ne nous comprend pas. C'est notre vie et ce que nous venons de partager nous appartiendra pour toujours et à nul autre.

Nos routes se sont croisées

Nos doutes se sont envolés

Tes mots tendres m'ont apaisé

Tes gestes m'ont transporté.

Nous avons tant partagé

Nous nous sommes laissés aller

Nos regards, des rêves éveillés

Nos sourires se sont dessinés.

Ce ne sera pas un adieu

Une parenthèse, c'est mieux

Ce mot doux, je te le dépose

Comme un baiser sur ta joue rose.

Je vais poursuivre mon chemin

Lâcher délicatement ta main

Je me retournerai, c'est certain

Pour t'envoyer un baiser de loin.

Nous nous en doutions tous les deux

Pas de promesse, un simple vœu

De garder ce contact fabuleux

Une amitié, trésor précieux.

Je penserai à toi où que je sois.

Ton ami Victor.

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