Chapitre 41 : Victor "Salut cousin."

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J’allais sortir quand je reçois un message d’Arthur pour me prévenir « changement de programme pour la soirée. Je serai là dans cinq minutes avec Maël. D’ailleurs, je crois que j’ai gaffé, j’espère que je n'ai pas mis le bazar ».

Ma colère est toujours bien présente, j’aurais envie d’aller prendre l’air pour remettre mes idées dans les bonnes cases. Mes poings me démangent, prêts à taper sur un truc, sur n’importe quoi. Si je pouvais laisser ce sentiment qui m’envahit, sortir de mon crâne. Putain, c’est contre moi que je suis en train de me battre. Ma fierté mal placée, mon égo surdimensionné. J’en veux à mes parents d’avoir fait de moi ce que je suis encore à cette heure. Un homme révolté et blessé qui n’arrive pas à voir le bon côté des choses. Pourtant depuis que j’ai quitté Paris, ce sentiment s’était plus ou moins atténué et à cette heure, j’ai envie de tout casser.

Joséphine m’a vu plus d’une fois dans cette position de chien fou, montrant les dents pour assouvir son besoin d’exister. Elle me prenait dans ses bras quand elle découvrait la rage dans mes yeux. En grandissant, ce poids devenait un fardeau que j’ai essayé de noyer dans l’alcool plus d’une fois. Comment expliquer la honte que je ressentais quand elle me retrouvait la tête dans les WC parce que je m’étais mis minable plus bas que terre et qu’avec un sourire et beaucoup de patience elle me remettait sur pied. Elle n’a jamais rien dit à mes parents. Elle s’arrangeait pour cacher les moindres traces de mes errances. À chaque fois, elle m’emmenait prendre l’air, loin de ce qui m’écorchait le cœur, de cette indicible douleur qui me consumait de l’intérieur.

Encore aujourd’hui, je sens le feu renaître dans mon estomac, ces brûlures me rappellent sans cesse à l’ordre. Si je me regarde dans le miroir, je vais découvrir mon teint livide, mes yeux ternes. Comment ma mère a-t-elle pu se montrer si cruelle envers la sienne ? Pourquoi n’a-t-elle pas pu lui pardonner avec les années passées ? Pourquoi a-t-elle refusé à cet homme qui se tient ce soir devant moi de lui donner une chance ? Après tout, il souffrait tout autant. Je me retiens de balancer le verre d’eau que j’ai dans les mains, pourtant ça me démange. Entendre le verre se briser et permettre au liquide de s’évaporer et emporter avec lui, la détresse qui à nouveau s’immisce dans mes veines. Je ne sais pas ce qui me retient de ne pas claquer la porte à ma famille, je voudrais à cet instant être un orphelin. Mes mains tremblent et mes battements de cœur tapent de plus en plus fort . Mamie où es-tu ? J’ai besoin de toi là maintenant avant que je me noie dans l’océan de mes larmes.

Je ne sais pas si je viens de dire ma dernière phrase dans ma tête ou si elle a glissé au bord de mes lèvres, mais la main posée sur mon épaule me ramène doucement à la réalité. La chaleur qu’elle diffuse sur ma peau est semblable au baiser de Joséphine sur ma joue. Marius se tient à côté de moi, ou je devrais plutôt dire qu’il me soutient. Sa poigne est encore forte pour son âge et je m’abandonne, en posant ma tête sur son torse. Je redeviens cet enfant à la recherche de repaire. Pourquoi mon père ne m’a jamais offert ce réconfort. Tu seras un homme mon fils, et les câlins c’est pour les fillettes. Putain quel con il peut être parfois avec ses remarques à dix balles. Il n’a pas compris que la seule chose que je voulais juste entendre, c’est qu’il était fier de moi et m’aimait. Parce que malgré son attitude, sa négligence, son absence, je l’ai toujours considéré comme un père. Je peux les détester de tout mon être, ils peuvent m’horripiler, ils restent et resteront ceux qui m’ont mis au monde et pour ça je les en remercie.

  • Victor, je pense savoir ce que tu ressens ? J’ai vécu longtemps en pensant à ce que la vie m’avait enlevé. J’en voulais au monde entier. Je ne pouvais pas me regarder dans un miroir sans me détester de ne pas l’avoir retenue. Ma femme a été courageuse de retrouver toutes les pièces. Elle m’a remis sur les rails et petit à petit je me suis reconstruit. Joseph est le plus beau cadeau qu’elle m’ait offert. Pas un lot de consolation, non le fruit de l’amour que nous partagions même si je pense qu’elle a toujours su qu’une part de mon cœur était ailleurs.

Je vois dans son regard des étincelles quand il parle des deux femmes de sa vie et je comprends le message qu’il essaie de me transmettre. Je ne sais pas si je dois considérer ma venue à La Rochelle comme un hasard, une coïncidence ou une évidence. Je me demande si quelque part Joséphine n’avait pas tout prévu. Si elle n’est pas cet ange qui guide mes pas dans ce voyage. Je pourrais penser à de la magie et j’ai envie d’y croire. Pourquoi ai-je le sentiment au fond de moi, que cela ne va pas s’arrêter là et que cette ville va m’apporter de belles surprises ? Et la première vient de faire son apparition dans le salon. Maël se tient dans l’embrasure de la porte avec un sourire aux lèvres.

  • Alors comme ça j’ai un cousin, Papi, petit cachotier. Attends que je vois Papa et que je lui dise ça. Il va être heureux de savoir qu’il a une sœur et un neveu.
  • Il le sait déjà, dit Marius avec un air désolé.
  • Ah ben bravo, alors je le gronderai dès que je l’aurai sous la main, dit Maël d’un ton léger. Bon en attendant Victor, viens là que je te prenne dans mes bras, il n’y a pas de raison que je ne profite pas du câlin.

Je n’en reviens pas, je ne suis plus seul au monde. En l’espace de quelques heures, j’ai découvert que j’avais un grand-père, un oncle et un cousin et en quelques secondes je ressens un bonheur absolu.

  • Maël, comment va Samy ? demande Marius.

Tout à coup son visage se ferme.

  • Je ne sais pas, il était au scanner quand Sophie nous a appelé. D’ailleurs Alexandre est parti la chercher. Je leur ai dit de venir manger avec nous, si ça ne te dérange pas.
  • Non tu as bien fait. Comment est-ce arrivé ?
  • Un accident, un jeune en scooter ne l’a pas vu quand il s’engageait sur le passage piéton.
  • Bon en attendant d’avoir des nouvelles rassurantes, je suis sûr que vous mourez de faim. J’ai de quoi faire un barbecue si ça vous dit, propose notre grand-père.
  • Victor, suis moi, on se charge de mettre le feu en route. Arthur, si tu es d’accord, tu peux aider mon papi en cuisine.

Arthur comprend que Maël veut profiter d’un moment pour discuter avec ce nouveau membre de la famille arrivé de Paris. Il accepte avec plaisir la mission qu’on lui confie. De notre côté, nous filons en direction de la cabane, derrière laquelle le bois est stocké.

  • Je sais pas toi, mais moi je suis heureux de savoir que j’ai un cousin de mon âge. Bon maintenant que tu es là, tu vas rester un peu plus longtemps j’espère. Nous devons faire un peu connaissance. T’en penses quoi ?
  • Je ne sais pas, je ne veux pas déranger ou m’imposer.
  • Alors là mon vieux, ce n’est pas une bonne excuse. Je suis persuadé que mon père sera aussi ravi de rencontrer son neveu. D’ailleurs, je lui ai envoyé un message pour lui dire que demain tu venais manger à la maison.
  • Peut-être qu’il ne sera pas du même avis que toi, dis-je me souvenant de ce que m’a confié Marius au sujet de sa rencontre avec sa sœur.
  • Eh bien tu te trompes, regarde ce qu’il vient de me répondre : « avec joie, je n’attendais que ça ».

Mon cœur se gonfle, je me sens tout à coup léger, prêt à m’envoler. Avec ses quelques mots, il vient de faire taire la colère qui grondait dans ma tête. J’ai bien l’intention de profiter de chaque instant.

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