Chapitre 4 : Victor "Il est temps."

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Depuis une heure, je tourne en rond, un vrai tigre en cage qui attend le bon moment pour s'enfuir. J'ai tout prévu de A à Z dans les moindres détails, mes potes ne me surnomment pas pour rien "Le prof". D'ailleurs, le seul qui soit au courant de mon projet, c'est William. Nous sommes des copains de bac à sable. Je sais que je peux compter sur lui pour ne pas cafter auprès de mes parents. Ils l’aiment bien, alors pas de risques. Il fera un alibi parfait si nécessaire.

Je suis assis sur la terrasse qui jouxte ma chambre. Elle donne directement sur la tour Eiffel avec sa cape de lumière. Je regarde une dernière fois la vue sur les toits de Paris. Ils ont été mon point de repère dans l’obscurité. Demain, ce ne sera plus qu'un souvenir, que je laisserai dans un coin de ma tête. Des bribes semées de-ci, de-là, des poussières emportées au loin. Mon père est passé dans la soirée pour prendre son repas. Assis face à face, lui sur son ordi et moi matant la télé, nous avons avalé notre festin du traiteur chinois. J’ai voulu engager la conversation, après mûre réflexion j’ai préféré me taire. Arrivé au dessert, il a prétexté un rendez-vous urgent avec son expert-comptable. Je ne suis pas idiot. Je me suis contenté de le prévenir que je partais quelques jours en voyage chez un ami dans le sud de la France. Il a vaguement levé les yeux et m'a dit « pas de soucis, éclate-toi ». Quel inconscient ! Il ne comprend décidément rien du tout. Tant pis pour lui.

Ma mère est à cette heure en Australie, elle m’a envoyé un message me signalant qu’elle rentrerait en fin de semaine prochaine. Elle est complètement à côté de ses talons aiguilles. Quand elle arrivera, l’appartement sera une coquille vide. Elle appréciera peut-être cet espace dans lequel elle n’aura à se soucier de rien. Elle a dû lire mon mail en diagonale, n’a pas dû comprendre son contenu et le passage où je lui annonçais mon départ. Ce n'est plus le moment de se prendre la tête. Elle fera comme souvent, elle rentrera, se servira un verre de vin, s’écroulera dans le sofa, et allumera le grand écran pour écouter les nouvelles du monde entier. Oui, elle remplit la cave et s’assure qu’elle soit toujours bien fournie pour ses repas d'affaires. Je me demande si elle est naïve, elle, la cheffe d’une grande entreprise ou si elle ferme les yeux sur le fait que son fils distribue ses grands crus au cours de soirées avec ses copains. À cette heure, je m’en fiche. Au mieux, je lui laisserai un post-it sur la porte du frigo.

Je retourne dans ma chambre avec le paquet de madeleines au chocolat, mes préférées. Josephine me les achetait pour mon goûter. Ma mère, elle, continue à remplir les placards de pins à l’orange que je déteste. Je ne peux pas la blâmer, à la vitesse où ils disparaissent, elle doit penser que je ne me nourrit que de ces gâteaux. Les SDF du quartier en sont friands, aussi je ne me gêne pas de leur en fournir chaque semaine. Il ne vaudrait mieux pas qu’elle le sache, sinon elle me demanderait de les rembourser avec des intérêts.

J’ai investi dans un sac à dos dans lequel j’ai mis quelques vêtements confortables. Tout le superflu restera dans ma suite royale. J’attrape le cadre photo de mes parents posé sur le buffet. Elle a été prise pour mes dix ans. Nous avons l’air heureux. Encore une façade. J’hésite et finalement le repose là où il était. Par contre, je glisse dans mon portefeuille celle prise avec ma grand-mère Joséphine pour mes dix-huit ans. Elle m’avait emmené en balade à la Rochelle. Ces vacances resteront pour moi les plus belles. Je me souviendrai toujours de cette sortie en mer, Mamie voulait voir de ses propres yeux Fort Boyard, forteresse au cœur de l’océan. Elle aimait tant cette émission, nous la regardions tous les samedis soir avec un verre de lait et une madeleine confectionnait par nos mains.

Je m'allonge sur mon lit et apprécie son confort. J'ouvre les volets pour laisser l’air circuler, la journée a été étouffante, le thermomètre ne descend pas. Un doute m'envahit, est-ce raisonnable de partir ? N'est-ce pas une pure folie ? Je commence à cogiter, le sommeil s'échappe. Je regarde le plafond, l'heure sur mon réveil, et les lumières de la ville. Je balaie l'horizon que je connais dans les moindres détails, pour me rassurer. Mon téléphone bipe et me signale une notification, je reconnais aussitôt la tonalité de William. " bonne chance mon pote, et n'oublie pas si tu as le blues ou des emmerdes, tu m'appelles à la rescousse".

Au moins un pour qui j'existe. Le portable posé sur mon ventre, je rêve de lendemains heureux qui m’attendent dés le prochain lever de soleil.

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