Chapitre 5 : Samy "Larguer les amarres."

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Sept heures sonnent au carillon du salon, mon signal pour rompre les amarres. Je dépose un bisou sur la joue de ma sœur qui dort encore à mes côtés. Je n’ai pas pu me résigner à la porter dans son lit quand elle s’est endormie à minuit. J'ai retenu mes larmes toute la soirée et là, je ne peux pas les empêcher de glisser sur mes joues. Au fond de moi, j'aurais voulu l’emmener. Quand elle sera plus grande, nous voyagerons ensemble.

Je descends doucement les escaliers qui mènent à la cuisine pour ne pas réveiller mes parents. Sur la table, je trouve un sac dans lequel ma mère a glissé quelques provisions. Elle a ajouté un petit mot pour me souhaiter bonne chance. Je franchis la porte, deux bras m’attrapent. Je suis calé au chaud contre mon père. Ma mère dépose un dernier baiser sur mon front. Je suis prêt à partir.

Mon sac sur le dos et deux sacoches accrochées sur le porte bagage, je quitte les terres de mon enfance. J'y ai vécu des aventures palpitantes. Le soleil se fait encore timide à cette heure. Accrochés sur la montagne, les nuages dessinent des tableaux sympathiques. Avec ma sœur, nous aimons jouer à les transformer en des personnages fantastiques. Allongés dans l’herbe, nous les regardions passer tout en imaginant ce qu’ils représentaient. En cette heure matinale, seul, j’admire le plus gros. Le cumulus se transforme peu à peu en un bel oiseau, il déploie ses ailes dans le firmament.

J'enfourche mon vélo après avoir vérifié que tout est OK. Je ne souhaite pas faire demi-tour à quelques kilomètres à cause de mon étourderie. Mon père a pris la peine de me préparer un kit de survie, dans lequel je trouverai le matériel nécessaire pour les défaillances techniques. Nous nous sommes entraînés tous les deux, mille et une fois. Il m'a transmis sa passion pour les balades à bicyclette. Nous aimons parcourir la campagne alentour depuis bien longtemps.

Je quitte Saint-Etienne-de-Baïgorry, en jetant un dernier regard vers les Pyrénées qui me sont chères. Plusieurs fois esquissées dans mon carnet à dessins, ces citadelles représentent des lieux fabuleux où j'aime à me perdre et rêver. La première étape de mon voyage est aisée, il me suffit de suivre la pente et les courbes pour ne pas terminer dans le fossé. Je file tel un courant d’air sur la petite route, le vent balaye mon visage et m’offre le premier élan vers la liberté.

La circulation est fluide. Le premier véhicule qui croise ma route, me salue d’un coup de klaxon; le livreur de journaux. Dans le village, tout le monde apprécie mon entreprise. Les anciens de la maison de retraite à qui j’apprends le dessin, se sont cotisés pour me constituer une cagnotte afin de faciliter mon expédition. J'ai mis mon trésor dans la poche intérieure de mon blouson, tout près de mon cœur.

Quand je passe devant mon lycée, des tas de souvenirs remontent à la surface. Je laisse en route mes amis. Depuis qu'ils ont eu vent de mon projet, ils envient mon courage. Tous reconnaissent mon âme de saltimbanque. Quitter le confort de ma vie de jeune homme m'effraie. La future aventure me stimule. Derrière la façade austère, aux murs sombres se trouvent mes souvenirs d’étudiant. Lorsque j'ai compris ce qu’en moi je ressentais, je l’ai exprimé au travers de mes dessins. J'ai ouvert les yeux de certains de mes camarades. Par ce biais, je leur ai appris la tolérance et la joie de la différence. Je me retourne une dernière fois et accélère. Je ne fuis pas, je m’envole.

Je parcours les cinquante kilomètres qui me relient à Bayonne. Le paysage défile, le temps file, la ville est en approche. Il est onze heures, une pause s’impose. Mon ventre me joue la sérénade. Je longe la voie de chemin de fer, j'aurais pu me contenter de prendre un billet de train pour rejoindre la capitale; trop facile. J'ai besoin de sentir l’air glisser sur ma peau, le soleil chauffer mes joues ou même la pluie ruisseler sur mes cheveux. Le Pays Basque s’étale avec ses paysages verdoyants, ses maisons blanches encapuchonnées de leur toit rouge me font penser à la période de Noël. Un petit crochet par la plage de Labenne me tente. Je m’accorde un léger détour, je suis en avance sur mon programme.

Sur le parking, je descends de mon vélo pour aller sur le sable. Je réalise les difficultés pour me déplacer dans les petits grains dorés. J'enlève mes vêtements, mes chaussures et cours en direction des rouleaux qui me tendent les bras. Une fois les orteils en contact avec l’eau, une sensation de bien-être m’envahit. L’océan est calme, les goélands se montrent des compagnons agréables. Ils sont curieux et heureux de me voler les miettes de mon repas. Mon bonheur se résume à un plongeon dans l’eau aux reflets changeants. Après la baignade, je m’assois sur ma serviette, le soleil sèche ma peau. Je saisis mon carnet et tout à coup mes doigts se mettent à danser sur le papier. Sans m'en rendre compte, je remplis deux pages. L’oiseau plane sur la feuille et la mer se met à valser. On pourrait penser qu’ils vont sortir du papier.

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