Chapitre 7 : Samy "Emily"

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Le temps file. Pourtant, il n’a plus d’importance à cette heure. Je n’ai plus de timing à respecter. Assis sur la plage, je rêve de Paris. Au travers des informations glanées à droite et à gauche, une vague image de cette ville aux mille facettes s’esquisse peu à peu. La capitale reste un mystère. Je désire découvrir cette source d’inspiration, dans laquelle tant d’artistes ont puisé avant moi. Perdu, dans mes pensées, des cris d’enfants me ramènent à la réalité.

J’observe les deux têtes blondes courir sur le sable. Les garçons, âgés d’une dizaine d'années, retirent leurs vêtements, les éparpillent au sol et se précipitent vers la mer. Le père les surveille du coin de l'œil avec un sourire sur les lèvres. Puis, il organise leur camp pour la journée. Pendant ce temps, leur mère récupère leur tenue semée aux quatres vents. Entendre leurs rires me ramène à une année en arrière et notre virée au bord de l’eau avec Sarah. Je souris avec un pincement au cœur éclaboussé par mes souvenirs.

Je laisse les jeunes à leur jeu empli d’insouciance. Il est temps pour moi de reprendre la route. Ne pas me laisser aller et regretter, même une demi-seconde. Je prends une photo de la plage et envoie un message sur le téléphone de ma mère « tout est ok, je vous aime ». Je range mon portable dans le compartiment sur le guidon et grimpe sur mon vélo.

La circulation, plus dense à cette heure, déverse sa houle de vacanciers. Les juilletistes se sont donné rendez-vous au bord de la mer. Je reste attentif aux monstres de fer qui m’encadrent. Les véhicules m'esquivent sans tenir compte du danger qu’ils représentent. Je trouve enfin la piste cyclable et la pression retombe. La chaleur pèse sur mes épaules, hors de question de m’arrêter. J’ai vingt ans et je suis en forme. La seule chose qui m'importe : avaler les kilomètres. Une fois la ville traversée, j'apprécie de retrouver les bords de l’océan et ses parfums iodés.

La dune me cache la vue sur l'étendue salée. Les voitures garées le long se vident de leurs occupants. Des familles avec leur parasol, leur glacière et leurs jeux en tout genre partent à l’assaut du sommet pour ensuite dévaler vers la plage. Des groupes de jeunes, avec leur canette de bière, leur serviette jetée sur l’épaule, leurs claquettes-chaussettes, parlent forts et se chahutent. Une femme avec son chien, un panier et un livre à la main grimpe à son tour. Elle est prête à se prélasser en attendant qui sait celui ou celle qui fera battre son cœur. Je ralentis pour pouvoir m’imprégner de cette faune estivale. Tout à coup, mon regard est attiré par un couple. Le plus grand, blond avec des pectoraux à tomber par terre s’empresse d’attraper son partenaire par la taille pour l’embrasser. Distrait par la scène, je suis à deux doigts de finir dans les buissons. Je me ressaisis et accélère. Je suis à la fois heureux pour eux, et un brin jaloux.

Les grands yeux bleus de Fabrice et son sourire coquin me reviennent en mémoire. Nous avons découvert ensemble les émois d’un sentiment naissant. Nous avons partagé notre première expérience avec des gestes maladroits et tendres. Nous avons vécu un amour d’adolescence, puis Fabrice a déménagé. Avant de partir, il a été clair : ce fut sympa mais c'est fini. Je me demande encore, pourquoi a-t-il été aussi direct et cassant. J'ai le cœur gros en repensant à notre histoire sans lendemain. Je me tourne une dernière fois. Je scrute le couple main dans la main et souris.

La forêt de pins me protège du soleil qui tape de plus en plus fort au-dessus de ma tête. Pour ne plus penser à Fabrice, je pédale de toutes mes forces. Avoir une piste cyclable à disposition est un luxe fort agréable. Ne plus être un objet insignifiant pour les voitures devient une belle échappatoire. Les automobilistes me doublent sans prendre garde à moi. De temps à autre, je croise d’autres vélos. Les cyclistes me font un signe. J'aime leur rendre cette attention. Après trois heures à un rythme effréné, je dois songer à trouver un coin pour passer la nuit. Ce soir, ce sera le camping municipal: Les Sablières au Vieux-Boucau-les-Bains, je l’ai noté sur ma liste. Un jeune à l’accueil m'indique un emplacement où je pourrais me poser avec mon vélo pour une nuit. Sur place, je monte ma tente en deux temps trois mouvements. Je me suis entraîné avec ma sœur dans le jardin. Elle était heureuse de m’aider à sa façon. Je vérifie que tout est en ordre et file prendre une douche pour évacuer la fatigue de la journée. L’eau fraîche se déverse sur ma peau. Je me sèche sommairement et enfile mon maillot de bain. Je sors de la cabine et télescope une jeune femme. Surprise, elle termine les fesses par terre. Je m’empresse de la relever tout en me confondant en excuses.

  • Pardon, j’étais dans la lune.
  • Non pas de soucis, t’inquiète.
  • Si, si, je suis vraiment maladroit.
  • C’est moi qui suis stupide, je ne regarde pas où je mets les pieds.

Une fois debout, elle s’amuse à vérifier tous ses membres, elle bouge comme un automate sous mon regard amusé.

  • Tout est OK pour moi, tu vois, rien de cassé.
  • Tant mieux.
  • Maintenant que nous sommes sûrs que tout va bien. Je me présente Emily, et toi ?
  • Samy.
  • Tu es en vacances dans ce camping ?
  • Non, juste de passage.
  • Tu es tout seul ?
  • Non, avec mon vélo, dis-je en rigolant.
  • Chouette, du coup, ça te dit de venir avec moi. J’allais faire un tour.
  • Si je peux me faire pardonner ainsi, pourquoi pas.

Me voilà parti avec une parfaite inconnue à la découverte d’une plage mystérieuse. Je raconte à Emily mon projet. Elle me confie qu’elle est en troisième année de médecine. L’étudiante est venue se vider la tête au bord de l'eau. Je suis admiratif de son engagement. Elle n’en revient pas qu’on puisse se lancer ainsi dans le vide. Rapidement, nous nous découvrons des goûts communs et nous discutons sans barrières ni filtres.

  • Hé pas mal, le gars là-bas, me dit-elle sans retenue.
  • Oui il est bien foutu, et ses…

Je réalise que je risque de la choquer et laisse ma phrase en suspens.

  • Ses fesses, tu voulais dire ?

J'éclate de rire pour cacher le rouge qui inonde mes joues. Forcément un postérieur aussi bien galbé ne peut laisser indifférent. Une fois, ma gêne passée, je me sens en confiance et lui déballe un peu de moi. Emily se montre une oreille attentive, en retour elle me confie sa vie sentimentale et sa succession d’échecs. Les garçons ne voient en elle qu’une intello même si elle est particulièrement jolie comme je m'empresse de lui affirmer. Appréciant le compliment, elle ne peut s’empêcher de poser un bisou sur ma joue. Elle attrape ma main et nous courons en direction de l’eau pour nous baigner.

La soirée est sympa. Emily m’invite à manger un morceau. Nous dévorons leur hamburger de la mer avec vue sur l’océan. Une fois le repas englouti, nous partageons l’addition et retournons sur la plage. J' attrape mon carnet et dessine les contours de la jeune femme, elle admire l’astre de lumière que l’eau avale doucement. Une première rencontre que je ne suis pas près d’oublier. La nuit s’installe, la lune illumine le chemin nous ramenant au camping. Emily rejoint ses parents à quelques encablures de là. Elle me fait promettre de lui donner de mes nouvelles régulièrement et me propose de l’appeler quand je serai arrivé à Paris. Je me glisse dans mon sac de couchage et envoie une dernière photo agrémentée d’un message à mes parents et un petit mot pour Sarah « n’oublie pas que lorsque tu regarderas le soleil se coucher, je le regarderai à mon tour. Je lui ai confié une mission: t’envoyer un baiser ».

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