Chapitre 14 : Victor "Comment te remercier ?"

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Je n'ai jamais autant apprécié de sentir les perles de sueur couler sur mon visage. Je jette un œil à ma montre et constate que midi est largement passé. J'avale avec frénésie les kilomètres. Quand un camion me double manquant de me mettre dans le fossé, j'accélère. Pourquoi ? Essayer de le rattraper ? Et surtout, comment ? À moins d'avoir des fusées à l'arrière de mon bolide à deux roues. Finalement avec l'argent que j'avais, j'aurais pu investir dans un joujou à assistance électrique. Pouf, bêtise, je veux ressentir l'effort, la douleur transpercer mes muscles. Si j'avais pu le doubler à mon tour, qu’aurai-je fait ? Le défier en duel. Bien plus costaud, il m’aurait donné une bonne correction. Je ressemble à une brindille qu'il briserait en mille morceaux.

La chaleur du goudron remonte le long de mes jambes. L’asphalte fond par endroits, et ajoute des pièges au fil de ma progression. J'essaie d'éviter les nids de poule semés de-ci de-là, je reste en alerte, éveillé. Pas le temps de rêvasser. Finalement, cet effort physique me demande plus de concentration que je ne l'aurais imaginé. Depuis que je suis parti, je suis sous haute tension. Des décharges se diffusent dans mon corps, elles sont de plus en plus insupportables. Encore un coup de pédale, une première crampe m’alerte et la seconde amplifie la douleur. Jusqu'au moment où je me sens partir, je ne contrôle plus rien.

Mon corps vient de déclencher le plan alerte rouge, je prends conscience du danger de maintenir l’effort. J'ai très faim et soif. Je scrute l'horizon, des champs de céréales à perte de vue. Aucun abri pour me protéger du soleil qui me malmène. Mes yeux me brûlent, ça tape dans ma tête. L'insolation me guette. Je suis entré dans une zone désertique, aucune habitation. Un terrible sentiment de solitude s'incruste en moi. Pourtant, j'ai l'habitude de vivre ainsi, cela ne devrait pas avoir d'importance.

Je me sens seul, épuisé et las. Je voudrais un câlin, sentir le contact d'un corps, d'une peau, un peu de chaleur humaine. Au loin se dessine une bâtisse aux volets bleus, à moins que ce soit mon imagination qui me joue des tours, un mirage. J'appuie plus fort pour me donner un peu de courage. Je ripe sur les pédales, ce qui provoque un léger déséquilibre.

Le doute à nouveau m'envahit, je perds les quelques repères qu'il me reste encore. J'ai la tête qui tourne, mes yeux me brûlent. J'ai des frissons. Mes mains tremblent. Puis plus rien, le trou noir. Quand je reprends mes esprits, je suis allongé dans un lit, sous un drap blanc. Sur mon visage, une poche de glace. Une faible lumière éclaire la pièce. Tout mon corps est douloureux. Ça cogne dans mon crâne, j'ai très soif. Comment suis-je arrivé là ? Pourquoi ne suis-je vêtu seulement d'un caleçon. Cela ne ressemble en rien à une chambre d'hôpital, ni au couloir des urgences. Dans un ultime effort, je découvre qu'on m'a badigeonné de crème sur les écorchures que j'ai sur mes bras et mes jambes.

Je tente de me redresser, c’est tout simplement impossible. Je sens deux mains fermes sur mes épaules et une voix grave me dire :

- Bouge pas petit, tu m'as fait une belle frayeur.

Face à moi, un homme avec de magnifiques yeux bleus. Je ne me souviens de rien. Si, je ne me sentais pas bien à cause de la chaleur. Maintenant des images me reviennent, j'étais au milieu de nulle part, encadré par des champs qui me narguaient. Ils n’avaient pas meilleure mine. La route était déserte, aucune âme qui vive. Alors comment était-il possible que je sois allongé dans un lit à côté d'un inconnu qui semble avoir pris soin de moi ?

- Tu as dû prendre un coup de chaud. Quelle imprudence de faire du vélo en pleine canicule et surtout quand le soleil ne pense qu'à mordre ton corps, me dit-il.

Je le regarde incrédule et pourtant il a tout à fait raison. Je suis inconscient de me mettre ainsi en danger. Je suis en colère, en aucun cas suicidaire. Je me redresse légèrement me calant sur les oreillers qu'il place derrière mon dos et lui répond :

- Vraiment merci à toi, je pense que je te dois la vie.
- Disons que tu as de la chance, je devais aller au village pour récupérer un colis. À cette heure, cette route est peu empruntée.
- Alors sans aucun doute, je te suis redevable. Comment faire pour m'acquitter ? J'ai une dette envers toi.
- Rien, je t'offre l'hospitalité le temps de te remettre sur pied. Un peu de compagnie sera ma récompense.

Je laisse une pause avant de répondre quoi que ce soit. Suis-je en train de rêver ? Tout ça ne peut pas être réel ? Je ne le connais pas, quelles sont ses vraies intentions ? Oh et puis mince, il est temps d'arrêter de t'inquiéter pour un rien.

- Moi, c'est Victor. Titi parisien, je suis parti à l'aventure pour échapper à ma vie ouatée dans laquelle j'étais enfermé.
- Ravi de te connaître. Appelle-moi Willy, je suis pompier. Et musicien pendant mes temps libres. J'ai aussi fui la capitale dans laquelle j'étouffais.

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