Chapitre 45 : Victor "Mémoire vive."

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Je n’en reviens pas, tout dans cette demeure est différent. Il règne un calme apaisant. Le lieu est baigné de lumière et la végétation apporte des touches de couleurs agréables. Cette maison est vivante, tellement aux antipodes du grand appartement dans lequel je vivais à Paris. Oui « je vivais » , l'imparfait s’impose, la capitale est synonyme de mon passé. La Rochelle est mon présent, une réalité à laquelle je veux m’attacher. Quelle sera la ville de mon futur ? Existe-t-elle ailleurs que dans mes rêves ou dans mes histoires ? Sera-t-elle celle où je poserai mes bagages, celle où mon aventure se terminera ? Mais est-ce que je souhaite que cette entreprise s’arrête un jour. Et si j’étais un chevalier des temps modernes, un troubadour errant de cité en cité en quête d’un monde meilleur et bienveillant. Qu’est-ce que je recherche vraiment ? Ça fuse dans ma tête, un feu d’artifice où la grande bleue dessine mes espoirs, la belle rouge teinte mon âme de liberté et la multi couleurs tapisse mon cœur d’amour.

Nous entrons dans la maison avec Joseph et Maël. Arthur est allé appeler sa mère pour la prévenir qu’il restait à la Rochelle pour quelques jours chez des amis. J’ai conscience qu’il a trouvé ce prétexte pour me permettre de partager cette rencontre pleinement. Il est vraiment génial, je suis heureux qu’il reste plus longtemps. Dans le hall, je découvre les mêmes photos que dans la maison de Marius. Il est accompagné de Joséphine sur la première et la seconde est celle de son mariage avec la grand-mère de Maël. Sur son visage on perçoit un sourire radieux. Cette famille me touche par sa sincérité et sa simplicité. Mon oncle me surprend, il a accepté tant de choses. Il a tout pardonné à son père. Je me demande si à un seul instant, il lui en a voulu pour tout ça. À la façon dont il m’en parle, j’en doute. Il me répète que l’amour ne s’explique pas, il se vit. Dans sa bouche, ce sentiment prend une nouvelle dimension. Je vois les gestes affectueux adressés à sa femme depuis que je suis arrivé et la complicité qu’il partage avec son fils.

Et sa sœur Maria dans tout ça ou devrais-je dire ma mère Julia. Il en pense quoi ? Pour le moment, nous n’avons pas encore abordé le sujet. Par pudeur, par respect, je ne veux pas abîmer la bulle qui m’enveloppe depuis que j’ai franchi les grilles du jardin. Je me sens bien. Est-ce qu’il aurait encore une rustine pour réparer les crevaisons ? Les griffes de ma génitrice ont laissé leur empreinte à chacun de leurs passages dans ma vie ou dans la leur récemment. Elle n’a jamais levé la main sur moi, mamie ne l’aurait pas laissé faire. Ses mots étaient de véritables gifles, ses absences ont agrandi les plaies ouvertes. Ma mère est si froide, si dure là où son frère est chaleureux et souriant. Avec quelques mots, Joseph a passé un baume sur mes cicatrices. Je peux comprendre qu’elle ait souffert de la vérité ; la trahison d’une mère. Pourquoi ne lui a-t-elle pas tout simplement pardonné ? La date de prescription est passée. Est-ce qu’il est encore possible de recoller les morceaux ? Pourra-t-elle un jour briser sa carapace et vivre d’amour ? Est-ce que c’est pour ça que mes parents ont vécu ainsi ? Aucun des deux n'a pu ouvrir son cœur et maintenant ils se contentent de ce semblant de cohabitation. Ils vivent ensemble et si éloignés à la fois. Se sont-ils un jour aimés. Toujours mariés, cela tient du miracle. Quelque part, pourquoi n’ont-ils pas brisé le fil si menu qui les lie encore ? À cette heure, trop de questions sans réponses.

  • Victor, tout va bien ? me demande Maël.
  • Je pense que maintenant, je peux te répondre sans souci un grand OUI.
  • Alors tant mieux, j’en suis heureux.
  • Tu veux que je t’aide à préparer quelque chose ? Je te rappelle que je suis un expert en barbecue, dis-je en plaisantant.
  • Non à midi, c’est ratatouille et tiramisu glacé, répond la maman de Maël, les mains chargées d’une panière de fruits qu’elle dépose sur la table basse.
  • Victor, je veux bien que tu me rendes un service pendant que je nettoie la piscine, demande Maël. Tu te souviens où est ma chambre ?
  • Oui.
  • Dans la salle de bain, récupère des serviettes, enfile ton maillot et on piquera une tête avant de passer à table.

Quelle idée, j’ai eu de dire oui. Je monte à l’étage et me retrouve dans le grand couloir encadré d’une dizaine de portes. Nous avons fait le tour du propriétaire ce matin, mais j’étais tellement absorbé par les discussions avec Joseph et mon cousin que je n’ai pas prêté attention au lieu. Que je me souvienne, ce n’est pas la première. Nous avons un peu avancé avant d’entrer dans une pièce en particulier. Fais ton malin, c’était à droite ou à gauche ? Réfléchis, imagine que tu entres dans une de celle réservée aux clients, tu aurais l’air fin. Pas le moindre indice, je pourrais descendre demander directement à Maël, ce serait quand même plus simple. Bon allez, je tente ma chance. Si je tombe sur un beau gosse, je lui ferai mon plus beau sourire pour m’excuser. Si je me retrouve nez à nez avec une fille, je baisserai les yeux pour ne pas la gêner. De toute façon, je le serais bien plus qu’elle. Après je me dis que les portes doivent être fermées à clé pour l’intimité c’est mieux. Cela se vérifie pour les cinq premières, pour la sixième avant que je n’ouvre, c’est un petit gars qui tire la poignée et fonce dans le couloir avec un masque de piscine. Son père le poursuit tout en s’excusant. La furie m’a écrasé les pieds sans s’en rendre compte mais m’a aussi permis d’avoir l’air moins couillon.

J’arrive enfin au bout du couloir, il reste deux portes, je tente celle de gauche. Elle n’est pas verrouillée. Je pousse et découvre sur le lit des sacoches de vélos et une carte de France étalée sur le drap. Je jette un coup d’œil. Mon cousin ne m’a pas dit qu’il préparait des expéditions. Plus surprenant encore, je distingue les pistes cyclables et un itinéraire tracé en rouge jusqu’à Paris avec toutes les étapes réalisées et à venir. Je n’aurais pas laissé mon plan chez Marius, je pourrais penser que cette carte m’appartient. Enfin, il faudrait que je la visionne à l’envers. J’ai dû me tromper de chambre, heureusement elle est vide. La fenêtre est grande ouverte et un courant d’air fait voler les papiers aux quatre coins. Je m’empresse de les ramasser un peu comme ils viennent et de les reposer sur le lit.

Je serais bien incapable de dire dans quel ordre les feuilles pouvaient être classées. Je réalise qu’il s’agit avant tout de dessins et reconnaît la Tour de la Lanterne. Ce croquis me rappelle quelque chose. C’est surprenant comme si je l’avais vu dans un autre format. Mais oui, il est la copie conforme de la photo de l’ami de Maël, celui qui se trouve à l’hôpital. Il faut le faire, je me souviens de ce simple cliché que j'ai vu vite fait. À côté de ça, je suis entré dans la mauvaise chambre. Notre cerveau reste un grand mystère, sa carte mémoire n’imprime que ce qui l’intéresse. Le reste, il le stocke dans des casiers avant de le jeter à la poubelle. Je regarde plus attentivement l’esquisse. Même s’il ne s’agit que d’une ébauche au crayon à papier, les détails sont vraiment stupéfiants, jusqu’à ce papillon posé… Je marque une pause et j’ouvre un peu plus grands mes yeux. L’éphémère est posé sur un hoodie lui-même abandonné sur un banc. Pourquoi ce vêtement m’interpelle, mon disque dur interne est en ébullition. Fais fonctionner tes neurones, observe plus attentivement. Un indice me saute au visage, le motif sur la capuche et le coude gauche rapiécé.

Grand nigaud, c’est le tien. En laissant traîner mes yeux, je reste figé sur l’animal posé en haut de la tour : un dragon.

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