Chapitre 46 : Samy "Surprise."

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Assis à côté de Sophia endormie, j'esquisse un croquis. Je décide de reproduire la chouette sur la proue d’un bateau et dessine son dragon tout en haut. Les deux animaux totems observent dans la même direction. La pleine lune, astre lumineux, se dévoile et devient le témoin de leur expédition. Je m'assure de garder les tonalités de gris, celles que l’enfant a su si bien représenter. J'en profite pour estomper le noir et accrocher un bouquet d’étoiles dans le soir. Sur l’océan paisible, le voilier file vers un nouvel horizon. Je laisse dans son sillage, l’écume, comme seule trace de son passage. Naturellement se dévoile un nuage, le cumulus vaporeux peu à peu prend la forme d'un papillon aux ailes ajourées de fines dentelles argentées.

Au dos de la feuille, j'écris un mot : « Sophia, il te faudra trouver un nom à ta chouette pour qu'elle puisse voyager dans mon univers. Si tu me le permets, elle deviendra à son tour un personnage de mon conte. Je repasserai te voir avant de m'envoler pour poursuivre mon chemin. Je te laisse mon numéro. Si tu as besoin de parler, même de rien, le dragon te répondra sans hésiter ». Je pose mon croquis sur la table et je regarde Sophia. La fillette a retrouvé son calme et sourit en dormant, encore un point commun avec ma sœur. Je tire délicatement la porte, file dans le couloir et attrape mes affaires dans ma chambre.

Arrivé dans le hall d'accueil, je remplis toutes les formalités d'usage. Je remercie tout le personnel soignant que je croise. Avant de franchir le seuil, une main m'attrape, surpris je me retourne et découvre la mére de Sophia :

  • Je voulais te remercier avant que tu ne partes, me dit la jeune femme tout en me tendant un porte clé en bois gravé d’une tour.
  • Pourquoi ?
  • Sophia me l’a demandé.
  • Mais, il ne fallait pas, dis-je gêné.
  • Oh, tu ne te rends pas compte, c’est symbolique plus que tu ne pourrais le penser.

J'observe les larmes qui ourlent ses paupières, saisis ses mains et lui murmure :

  • Alors, j’en prendrai le plus grand soin.

Je joins le geste à la parole et l’accroche à mon sac à dos puis descend les marches et longe le trottoir. Au loin, j'aperçois Maël sur le parking. Le jeune homme gesticule pour signaler sa présence. Alexandre adossé à la voiture se montre moins expansif.

  • Ça y est. Ils ont bien voulu te lâcher ? me dit Maël. Franchement, je suis sûr qu'ils t'auraient gardé plus longtemps. Un patient comme toi, c'est du pur bonheur.
  • Dis pas des bêtises, ils ont bien assez d'urgences à traiter. Je n'étais qu'une simple égratignure, dis-je en songeant à Sophia.
  • Oui, enfin tu nous as fait une belle frayeur, ajoute Alexandre en me serrant la main.
  • Bon allez, finis les bavardages. Les festivités nous attendent. On ne va pas faire patienter plus longtemps le reste de la bande, entonne Maël.
  • Oula doucement, réponds-je, je te rappelle que je suis encore en convalescence.
  • T'inquiète, on va prendre soin de toi. En premier, nous repassons par la maison Joséphine.

Aussitôt dit aussitôt fait, la voiture démarre, je me tourne une dernière fois et mon regard cherche la chambre de Sophia. Ma surprise est totale, je vois une petite main me saluer. J'ouvre ma fenêtre, passe son bras et fait un dernier coucou. Mon cœur s'allège, l'enfant a accepté de se lever de son lit. Un espoir pour cette fillette et sa maman se dessine. Là où le psy s'était cassé le nez, en quelques heures nos échanges ont fait des miracles et apaisé les souffrances de Sophia et de sa mère. Les dessins ont parlé et libéré les angoisses. Une nouvelle histoire vient de voir le jour. Au même moment une notification apparaît accompagnée d'une photo : « La chouette s'appellera Victorine, c’était le nom de ma grand-mère. Elle offre un bisou à son chevalier de la Tour de la Lanterne et son dragon. Le porte clé était à mon père, je te le confie, lui aussi adorait voyager comme toi. Moi, je garde précieusement ton numéro. Je te remercie, tu es le seul à avoir calqué un sourire sur les lèvres de ma maman depuis bien longtemps. Peut-être que tu es un dragon-ange ».

Ce message me remplit de bonheur. Alors je décide d’observer mon portable et fait défiler les dernières photos prises depuis deux jours. Je m'arrête à nouveau sur celle du papillon et la suivante. Comment expliquer une telle coïncidence ? Je ne peux quitter des yeux le cliché ni le regard du jeune homme coincé entre Maël et un autre gars tout aussi charmant. Pourtant, les yeux de celui assis m'attirent ainsi que son sourire. Je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi jusqu'au moment où Maël m'interpelle et me ramène à la réalité :

  • Samy, eh oh on est arrivé. Terminus tout le monde descend.
  • Oh pardon, je regardais mes photos et mes messages. D'ailleurs j’y pense. Si tu veux, j'ai obtenu le numéro de l'infirmière. Quand je lui ai montré ta bouille et vanté tes qualités, elle m'a dit qu'elle passerait volontiers boire un coup à la Guinguette.
  • Tu es un sacré mec, il te faut un gars aussi bien que toi dans la vie. Au fait, tu as vu notre photo barbecue ? finit par ajouter Maël avec un clin d'œil.
  • Oui vaguement, dis-je sentant à nouveau un frisson parcourir mes bras. Vous aviez l'air de prendre du bon temps.
  • Ouais c'est clair, dommage que tu n'étais pas avec nous. Mon cousin est génial. Nous n'avons pas beaucoup dormi, nous avions vingt ans à rattraper. Allez suis-moi, je vais te le présenter. Quand on est parti, il barbotait dans la piscine avec son ami.

À cette dernière remarque, je tilte. Sur la photo, il y avait deux mecs avec Maël. Qui était son cousin ? Je serais incapable de le dire. Pour l'heure, je n'en ai pas la moindre idée. Par contre, je me souviens très bien et ça ne m'a pas échappé. Le garçon debout derrière lui, le tenait par les bras et l'embrassait sur la joue. Arrête de fantasmer, tu viens d'avoir un coup de cœur pour une paire d'yeux et un sourire. Je laisse échapper un soupir qui surprend Maël.

  • Quand tu verras Victor, il va te plaire. Vous avez plein de points communs. Le vélo est le premier.
  • Sur la photo, c’est...
  • Celui assis et debout derrière c'est son pote Arthur.

La bombe lâchée, je ne réagis pas, ça fuse dans ma tête. Il y a quelque chose que je n'arrive pas à m’expliquer. Une excitation mêlée d'appréhension. Tempête à tous les étages. Comment peut-on se retrouver dans cet état juste à partir d'une image ? Mes pensées me ballottent de bâbord à tribord. Je réfléchis puis c’est le trou noir. Peut-être qu'il s'agit de l'onde de choc d'un tsunami, en premier la vague déferle, la même que cette sensation qui parcourt mon corps. Puis, vient la réplique, le tremblement de terre. Là, mes jambes se dérobent. Ressaisis-toi Samy. La fatigue submerge mon inconscient.

  • Samy, tu es avec nous ? me demande Maël inquiet tout en scrutant Alexandre. Doc, tu penses qu'il n'a pas encore des séquelles de son accident
  • Non pas de raison. Samy, tu me confirmes que tout est ok pour toi ?
  • Oh oui encore désolé, je me souviens que j'ai dit à ma mère que je l’appellerai à ma sortie pour la rassurer, ajouté-je tout en baissant le regard.
  • Oui, je comprends mieux, me répond Maël soulagé.
  • Je vais monter prendre une douche et me changer si ça ne vous dérange pas.
  • Non, fais comme chez toi. Mais avant, viens, je vais te présenter Vic...

Maël n'a pas le temps de finir sa phrase. Je fonce et grimpe les marches en courant. Il se retourne vers Alexandre qui hausse les épaules en guise de réponse. C’est à ce moment-là que Victor et Arthur arrivent accompagnés de Sophie. La jeune femme vêtue de son bikini rose est rayonnante au bras de ses deux cavaliers. Le maillot de bain met en avant ses jolies courbes. Alexandre ne résiste pas, la prend dans ses bras et lui offre un doux baiser sous le regard amusé de ses chevaliers servants. Quand un coup de klaxon retentit. La petite bande se retourne :

  • Surprise.

Quelle n'est pas la joie de Maël de découvrir que son invité de dernière minute a accepté de venir les rejoindre.

  • Vince, enfin te voilà.

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