Chapitre 47 : Victor "Et si…"

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Maël semble particulièrement heureux de revoir son ami. Hier, il a envoyé un message et craignait d’avoir comme seule réponse un refus. Il a attendu un bon moment et finalement s’est endormi avec l’espoir qu’au matin il aurait un accord favorable. Au réveil, la déception s’est lue sur son visage, mais elle fut passagère, il n'avait pas voulu s'arrêter à ça. Mon cousin m’a alors raconté leur histoire et le passif du gars campé devant nous. De ce que j’ai pu comprendre, ils sont en froid et ne se sont pas vus depuis quelque temps. Vince avait coupé les ponts après un incident entre eux au cours d’une soirée des plus mouvementées. Son meilleur pote l’avait envoyé sur les roses, il lui en voulait de ne pas l’avoir laissé pour mort. Comment pouvait-on en arriver à de telles extrémités ? Comment avait-t-il pu refuser l’aide de Maël ? Je le côtoie depuis peu mais j’ai vite compris qu’on pouvait compter sur lui les yeux fermés.

Les hasards de la vie sont parfois inexplicables. Je m’en aperçois à chaque étape de mon voyage. Le plus incroyable, ils se sont retrouvés grâce à ce fameux Samy, le jeune accidenté. Maël vient de le ramener et j’ai juste vu son ombre disparaître dans la maison. Je vais finir par penser qu’il doit être un fantôme, à chaque fois que mon cousin veut me le présenter il s’évapore. Tout à coup, un souvenir me revient en mémoire. Surtout lié à son prénom, Samy. C’est loin d’être un prénom commun. Mais oui, les informations à la ferme, un incendie, un camping vers Bordeaux. Il poussait son vélo, j’avais trouvé qu’il contrastait avec la foule qui s’agitait autour de lui. Le cameraman avait dû le remarquer aussi et s’était attardé sur lui et la fille qui l’accompagnait et criait « Samy ». Non sûrement rien à voir, juste une coïncidence, concentre-toi sur ton cousin.

J’observe les deux gars, ils sont des boxeurs dans leur coin et ils attendent le signal de l’arbitre. J’espère que je ne devrais pas compter les points, je pourrais me montrer assez peu partial. Et si je devais les séparer ? Arrête de te faire des films. Si Vince est venu, son tee-shirt blanc cintré, va-t-il l’agiter pour une trêve avant de conclure un traité de paix ? Sinon au mieux, la cavalerie arrive pour les séparer. À ma grande surprise, mon cousin se jette en premier dans l’arène avec un grand sourire, commence par lui serrer la main avant de le prendre dans ses bras. Nous sommes tellement différents tous les deux. Il est maître en câlins moi j'en ai eu si peu que je me demande si je serais capable d’en faire avec autant de naturel. Vince ne relâche pas l’étreinte, à leur façon ils viennent d’ouvrir la porte et le lien distendu se noue à nouveau autour d’eux. Un ouf de soulagement m’envahit, c’est tellement mieux ainsi.

De leur côté Alexandre et Sophie ont disparu en direction de la piscine. Je les suspecte de vouloir un peu d'intimité. J'ai eu l'occasion de faire plus ample connaissance avec la jeune femme pétillante et souriante. La bataille improvisée avec les frites fut une vraie partie de rigolade. J'avais envie de me changer les idées et elle n'a pas lésiné sur les grandes gerbes d'eau. Je me suis fait avoir plusieurs fois et j'ai fini la tête sous l'eau, suite à sa coalition avec Arthur. Il ne perd rien pour attendre.

D'ailleurs, où est-il ? Il a disparu depuis un petit moment déjà. C'est surprenant, la maison est grande mais tout de même. À moins qu'il ait décidé de jouer à cache-cache. Ça pourrait être drôle ou pas. J'accompagne Maël et Vince sur la terrasse et nous nous installons pour siroter une boisson. Les retrouvailles des deux amis sont plaisantes à partager. Un peu comme notre nuit de bavardages entre cousins, tous les deux ont du temps à rattraper. Alors que je m'amuse à faire tourner ma paille dans mon verre Vince m'interpelle :

  • Alors comme ça t’est le cousin de mon meilleur pote ? Et tu vis à Paris ?
  • Plus ou moins, enfin bien moins maintenant.
  • Tu veux t'installer à la Rochelle ? me demande Vince.
  • À voir, cela n'était pas mon point de chute au départ mais ...
  • Ça te dirait ? s'empresse de demander Maël.
  • J'y réfléchis, c'est peut-être envisageable...
  • Tu sais que tu es chez toi à la maison Joséphine et même chez notre grand-père.
  • J’ai besoin de temps avant de dire pourquoi pas...
  • Tu veux dire que ce serait génial, renchérit Maël de plus en plus excité à l'idée que cette solution soit envisageable.
  • Du calme, ajoute Vince pour tempérer l'enthousiasme de son ami.
  • Bon pour l'heure, il faut préparer le pique-nique.

Nous nous dirigeons vers la cuisine où ma tante nous a déjà bien maché le travail. Deux belles boules de pain de campagne sont posées sur la table. Une bonne odeur se diffuse dans la pièce. Les miches sortent juste du four, il nous faut patienter et les sandwichs attendront. Maël arrive avec une panière de fruits.

  • Vince tu épluches, Victor tu les découpe. Moi, je vais préparer un petit cocktail, vous m'en direz des nouvelles.
  • Bien chef, répond Vince avec un clin d'œil.

Alors que nous nous affairons à nos tâches respectives, nos amoureux se présentent à leur tour. À leur mine radieuse, le baiser a dû être intense.

  • Vous n'auriez pas vu Arthur ? leur dis-je soucieux.
  • Si, il est au téléphone avec une amie me répond Alexandre. Il nous a dit qu'il en aurait pour un moment.

C'est sûrement Chloé, curieuse, elle doit lui demander un compte rendu détaillé de son escapade à La Rochelle. J'espère surtout que ce n'est pas pour lui parler de son ex.

  • Ça vous embête si je vais le voir ?
  • Non, répondent-ils en chœur. Il est installé sur un transat.

Je m'éclipse et emprunte le couloir intérieur. Je m'inquiète, je ne voudrais pas que le fantôme de cet abruti qui lui a clairement gâché la vie apparaisse à nouveau. J'ai encore des douleurs pour me rappeler la douceur dont il peut être capable. Je me souviendrai de cette soirée à Tours. Je revis le film au ralenti et la colère monte. Elle est tapie en moi, et ne demande qu'à être expulsée de mon corps. La contenir m'épuise, le volcan endormi est prêt à entrer en éruption. Cette fureur est semblable à celle que j'ai ressentie après avoir discuté avec mon oncle tout à l’heure. Il m'a raconté sa rencontre avec sa sœur et la façon dont elle l'a traitée le jour où ils ont signé le compromis de vente de la maison. Les mots méprisants adressés à son père et des paroles froides balancées sans un regard à son géniteur. J'ai essayé de l'appeler pour lui demander des comptes, encore une fois ce répondeur impersonnel.

Mes poings serrés dans les poches de mon short, j'avance tête baissée et heurte quelque chose ou plutôt quelqu'un. Toujours perdu dans mes pensées orageuses, je ne réalise pas où je suis et balance de façon incontrôlée :

  • Tu peux pas regarder où tu vas avec toute la place qu'il y a ?

J'ai dû parler un peu trop fort ou peut-être même crier parce que j'entends la voix de Maël derrière moi :

  • Victor tout va bien ?
  • Ouais pas sûr , je vais prendre l'air.
  • Et toi Samy ?

Je n'entends pas la suite des mots échangés, j'avance droit devant et claque la porte donnant accès au jardin sans prendre la peine de m'excuser. L'éruption est proche et les poussières éjectées pourraient être empoisonnées. Mon corps tremble, j'ai peur de ne plus pouvoir me contrôler. Et si je ne valais pas mieux que l'ex d'Arthur, ou que ma mère ? Et si finalement je n'étais pas un gars bien ? Et si j'étais un cœur de pierre, un mec meurtri ? Et si j'étais malheureux tout simplement ? Et s’il était temps qu’enfin je pense avant tout à moi. J'ai besoin de voir mon ami Arthur. Il saura m'apaiser.

Je fais quelques pas. Quand je sens une présence derrière moi, une main ferme attrape la mienne. Je réalise tout à coup qu’Arthur est toujours allongé sur son transat et je l'entends rire. Les doigts me serrent ma main délicatement et une voix que je ne reconnais pas me dit posément :

  • Victor, excuse-moi.

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