Chapitre 50 :  Samy & Victor

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C'est étrange, nous sommes assis sur cette plage depuis vingt minutes et j'ai le sentiment que le temps s'est mis en pause. Hier, nous étions deux parfaits inconnus, ce soir deux êtres enlacés sur le sable. Je suis tombé sous le charme de ses yeux, ils m'ont hypnotisé. Comment expliquer que je me sente aussi heureux ? « Vlan » je suis rentré dans Victor et depuis je ne peux plus m'en détacher. Je maintiens l'étreinte de peur qu’il s’envole. Son dos calé sur mon torse, il ne bouge pas. J'entends sa respiration, enfin apaisée. Je ne sais pas ce qui a pu le mettre dans cet état. J'ai bien aperçu ce voile de tristesse dans son regard. Je voudrais discrètement le soulever pour l'aider. Je sens qu'il me lance un appel de détresse en silence. Au fond de moi, je ne veux rien lui imposer, ne pas le bousculer et ne pas le bouleverser. S'il veut se confier, je l'écouterai sans hésiter.

Mon téléphone se met à vibrer, j'essaie de le récupérer dans ma poche sans trop bouger. Je viens de réaliser que Victor s'est endormi. Je comprends mieux son mutisme et le poids de sa tête sur ma poitrine. Je regarde l'écran de mon portable et découvre la notification laissée par Maël : " Nous nous sommes installés derrière les rochers à une centaine de mètres de vous. Nous n'avons pas voulu vous déranger. Quand vous voulez, suivez les signaux de fumée et rejoignez-nous." Je souris à cette dernière phrase, Maël a l'art et la manière d'ajouter une pointe d'humour et de tendresse dans tous ses messages. Doucement, je caresse la joue du beau au bois dormant, un bisou papillon dans son cou pourrait faire l'affaire. Je l'entends râler et tout à coup, sa main essaye de chasser ce qui semble l'agacer. Je me retiens d'éclater de rire trop content de mon effet de surprise.

  • Tu te réveilles enfin.
  • J'ai dormi combien de temps ? me demande-t-il en s'étirant.
  • Je dirais un quart d'heure à peine. Apparemment, tu en avais besoin.
  • Merci d'avoir veillé sur mon sommeil, me dit-il, en se tournant pour me voir.

L'obscurité s'installe et à son tour nous prend dans ses bras.

  • Victor, je peux te demander quelque chose ? murmuré-je.

J'hésite, mes mains sont moites, je me sens tout à coup nerveux. Je rate une respiration, mes paupières tressautent. Si je me lève, je sens que mes jambes vont se dérober. Un contre coup de mon accident ? Je n'y crois pas. Non, c'est bien plus fort et bien plus intense. Des papillons se baladent dans chaque parcelle de mon corps. À son tour, Victor m'attrape les mains et les cale dans les siennes. Sa peau est douce et ce contact subtil fait tomber en un battement de cil toutes les barrières.

  • Je t'écoute, qu'est-ce que tu veux savoir ?
  • Je... bafouillé-je.
  • Lance-toi, me répond-il en caressant mon pouce.

Soudain un fantôme surgit de mon passé, le souvenir de Fabrice me retient d'aller plus loin. Ce gars m'a fait souffrir. Un premier amour, peut-être pas. Il m'a brisé le cœur. Depuis, un terrible sentiment de culpabilité me poursuit et m’habite. Victor a dû ressentir que je m’égare dans mes pensées, il me prend alors dans ses bras. Je ne résiste pas à ce rapprochement entre nous. Je peux sentir l’odeur de son corps. Son parfum me transporte dans un univers de lâcher prise. Comme si en un geste, il effaçait toutes mes peurs et mes craintes en l’avenir. Comment fait-il ? Je n’arrive pas à me l’expliquer. Tous mes sens sont aiguisés, tout mon être s’éveille. Le temps s’arrête, le passé s’efface et le futur s’esquisse. Si la magie existe, si le coup foudre en est un signe alors je crois bien que sur cette plage, la féerie n’est pas seulement dans mon esprit.

Nous nous installons l’un à côté de l’autre, nos doigts jouent dans le sable. Ils dessinent de petits cercles. Je suis nerveux et excité à la fois. J’ai envie de me jeter à son cou, de l'embrasser et d’un autre côté je ne veux pas précipiter quoi que ce soit. Je voudrais lui poser mille et une questions, tout savoir sur sa vie. Je me réfrène pour ne pas aller trop vite. Pourquoi tout me semble si simple et à la fois compliqué ? C’est un vrai bazar dans ma tête et dans mon cœur le chantier est d’envergure.

Nos regards fixent l’horizon. Les étoiles dans le ciel s’éclairent les unes après les autres et nous nous amusons à les pointer.

  • La Grande Ourse est la préférée de ma petite sœur Sarah, dis-je tout en esquissant sa forme.
  • C’était aussi celle de ma grand-mère, ajoute Victor avec tendresse. Joséphine s’amusait à me raconter qu’un jour elle cuisinerait à ses côtés. Je me dis que c’est pour cela qu’elle brille bien plus depuis le mois de janvier.
  • Joséphine, comme la maison de Maël, demandé-je surpris.
  • Oui, elle a grandi dans cette demeure. Tu ne me croiras peut-être pas mais depuis que j’ai mis les pieds à la Rochelle, je découvre des morceaux de sa vie, le puzzle se forme peu à peu. Tu réalises que j’ai attendu vingt ans pour comprendre que mon passé n’était fait que de mensonges. Depuis tout ce temps, j’ai été privé de mon grand-père, mon oncle et mon cousin. D’une famille aimante tout simplement.

Je ne sais pas si c'est cette confidence, la plage ou tout autre chose mais Victor m’ouvre son cœur avec simplicité. J’en suis à mon tour bouleversé. Il me parle avec pudeur de son enfance, de ce qu’il éprouve, de la souffrance qui l’habite. Les phrases s’échappent du bord de ses lèvres. Il étale son album de souvenirs. Certains passages douloureux restent coincés dans sa gorge, il reprend son souffle et avale sa salive avant de poursuivre. Il vide son sac sur le sable, le sablier de son passé s’égrène lentement, et j’en récolte les grains un par un délicatement. La pleine lune éclaire ses yeux, ils sont si profonds que je pourrais m’y noyer sans aucune crainte. Je perçois les perles, elles veulent s’enfuir pour le libérer de ses angoisses. Nous sommes assis sur cette plage à mille lieues de nos domiciles respectifs et pourtant quelque part je me sens bien. Est-ce qu’être bien dans les bras de quelqu’un n’est pas le meilleur domicile que l’on puisse trouver ? Le point de chute où je pourrais être libre de rêver. Je ne me suis jamais senti aussi apaisé. Pourquoi me fait-il cet effet ? Il a vraiment un truc à part, je ne comprends pas ce qui m’arrive pourtant à cette heure une seule chose est réelle, il est là et je n’ai pas envie de m’éloigner de lui.

  • Nous devrions rejoindre Maël et sa bande, me propose Victor.
  • Oui et puis je meurs de faim, pas toi ?

Nous nous relevons, ramassons nos sacs. Je commence à avancer en direction des fameux signaux de fumée quand je sens ses doigts venir se glisser dans les miens. Victor les resserre délicatement et me murmure à l’oreille :

  • S’il te plait, reste encore un moment à la Rochelle.

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