Chapitre 54 : Le dragon ❤️ Le papillon

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Aujourd'hui, j'écris notre histoire comme tu me l'as demandé il y a un an au pied de la Tour de la Lanterne à la Rochelle. Tu étais bien là, tu m'attendais assis sur notre banc. On peut le nommer ainsi, il a été le témoin de nos différentes rencontres. Ce bout de bois, où des morceaux de vie ont été gravés, connaît tant de nous. Je me souviendrai toujours quand je t'ai vu , tout mon être s'est mis à vibrer d'un coup.

J'hésitais entre le sprint final ou l'ascension lente d'un col. Je venais de parcourir les quelques kilomètres qui nous séparaient à la vitesse de l'éclair. J'étais essoufflé. Je tremblais de peur et d'excitation. Mes sentiments s'emmêlaient. Un vrai bazar dans ma tête, il m'a fallu quelques secondes pour reprendre mes esprits et remettre les cases en place. La ligne d'arrivée était à portée de main, juste un ultime effort pour rattraper mon rêve. Tu étais dos à moi et ne bougeais pas, perdu dans tes pensées.

Nous avons choisi ensemble le titre de ce bouquin et tu en as dessiné la couverture et les encarts au fil des pages avec un talent fascinant. Je pose mes mots ici dans ce dernier chapitre, mon coeur se serre. Je ne suis plus triste depuis que tu me tiens la main. Je voudrais poursuivre encore un peu et laisser la suite de notre escapade s'étaler sur le papier. Comment oublier l'électricité produite au moment où j'ai déposé ma main sur ton épaule ? Tu as sursauté. Ton visage était lumineux, ta bouche s'arrondissait, tes joues rougissaient. Était-ce le soleil où moi qui te faisait de l'effet ?

Nous sommes restés un long moment silencieux, on ne se quittait plus des yeux. Je n'avais qu'une envie: te sauter au cou, te prendre dans mes bras. Je n'espérais qu'une chose, ne pas te voir t'evanouir. Depuis le baiser échangé sur le pont du bateau, mes nuits avaient été agitées. L'instant mirifique s'était transformé en cauchemar : après une balade main dans la main, marchant pieds nus dans le sable, l'océan prenait les traits de ma mère et elle m'arrachait à ton étreinte. Trois nuits consécutives où je me suis réveillé en sueur, seul dans mon lit, cherchant l'air qui me manquait. J'étais devenu tel un plongeur dont la bouteille se vidait de son oxygène. Au pied de la tour, tu étais là, toi, ma bouée. J'ai toujours su qu'à tes côtés plus jamais je ne me noierai.

Je désirais raconter la suite de nos aventures. Tu m'as demandé d'attendre, de voir ce que donnerait ce premier roman. Tu souris à mes bêtises et j'aime tellement voir tes yeux pétiller, tu es le feu d'artifice de mes journées, ma pleine lune protectrice lorsque j'ai dû affronter l'obscurité, mon arc-en-ciel au pied duquel j'ai découvert le plus grand des trésors : Ton amour.

Une année s'est écoulée, insensé tu vas me dire. Assis à côté de moi, tu scrutes l'horizon. Pas besoin d'entendre ta voix pour savoir à quoi tu penses. Nous avons fait du chemin depuis. Qui pourrait nous croire si nous ne livrions pas le fil de notre expédition. Nous, deux jeunes de vingt ans, étions prêts à rompre les amarres de notre quotidien pour partir à la recherche de nous-même. Nous avons rencontré tant de personnes formidables, elles ont su à leur façon nous remettre sur les rails. Le plus sympa fut de les revoir et découvrir le plaisir de nos retrouvailles.

Nous avons suivi mon circuit aller simple pour La Rochelle, respectant le trajet dans les moindres détails. Nous aurions pu débuter par le tien, mais mon seul désir était de combler ton envie de découvrir Paris. Tu as rapidement compris tous les efforts que je consentais et ma douleur s'intensifiait plus on s'approchait du but. Pas de montagnes à escalader, seulement des plaines à traverser et mes peurs grandissaient. Tu as su avec le temps et beaucoup de patience faire taire mes angoisses. Je suis toujours surpris par ta capacité à mettre du bleu là où le noir devient insupportable. Si tu t'amuses à ajouter des pointes de rose alors toutes mes barrières explosent.

Le chapitre à Paris ne fut pas le plus aisé à écrire, quelque part il a été libérateur. Arrivés à la capitale, nous avons squatés chez mes parents, une idée folle. Je les avais fuis, nous sommes venus nous jeter dans la gueule du loup. À peine avions-nous franchi le seuil, qu'un déluge de reproches s'abattait. Les éclats de voix de ma mère ne t'ont jamais effrayé et quand elle a déversé sa méchanceté, tu t'es mis en bouclier. Chaque piqûre venimeuse lancée sur toi rebondissait et elle a fini par se lasser. Tu as su te mettre mon père dans la poche, as-tu des pouvoirs magiques ? Ma marâtre est repartie après une semaine pour son boulot, en claquant la porte. Ses dernières paroles furent pour toi. Elles furent glaciales et sans appel. Elle exigea avec froideur que tu sois partis à son retour début septembre. Tu auras tout tenté pour l'amadouer et je t'en serai à jamais reconnaissant, mais le mal est profond. Je ne suis pas convaincu que qui que ce soit puisse la faire changer.

Nous sommes restés jusqu'à la fin de l'été, je t'ai fait découvrir les lieux que j'appréciais, nous les avons arpentés au travers de tes yeux. Sublime romance dans la ville des amoureux, nous avons appris à nous connaître et à nous apprivoiser. À mes gestes maladroits, tu répondais à de délicats baisers. À mes paroles excessives, tu déposais des mots brodés de gentillesse. Nous étions seuls au monde. Nous avons visité tous les jardins. Assis dans l'herbe, dos à dos, tu dessinais, j'écrivais. Tu me racontais ce que tu voyais et je transformais tes visions en poésie. Je te décrivais mes impressions et tu donnais vie au papillon. Tu envisageais de rentrer à l'école d'art, je t'encourageais à franchir le pas. Tu as refusé net, tu ne voulais pas m'infliger de rester plus longtemps et rester impuissant face à mon mal être.

Nous avons fait nos sacs, préparé nos vélos et choisi un nouvel itinéraire pour retourner à la Rochelle. Le contraste fut saisissant, on nous attendait les bras ouverts. Tous eurent des mots doux et sincères, nous étions chez nous. Nous avons posé nos valises jusqu'à la fin de l'hiver, chacun à notre façon, nous donnions des coup de main et réalisions des tâches pour faciliter la vie de tous. Grand-père nous avait offert le gîte. Il était si heureux de nous avoir à ses côtés. Avec lui, j'ai appris à aimer ma Grand-mère avec plus de force. Nous avons passé des heures à nous raconter des anecdotes et dans ses yeux, je voyais briller les miens. Samy, tu lui as offert un magnifique cadeau de Noël. Nous avions trouvé une photo jaunie dans le grenier. Tu as dessiné le portrait des deux tourtereaux sur les marches de Notre Dame, tu as fait fondre mon cœur.

Nous avons fait l'amour pour la première fois à l'aube de la nouvelle année, mon impatience tu l'avais canalisée de tes caresses subtiles. Je ne voulais pas te bousculer, ne pas précipiter les évènements alors j'ai attendu. Ce chapitre-ci, nous ne vous le partagerons pas, il est à nous uniquement. La seule chose que je peux vous avouer : la première nuit fut féerique. Tout s'est fait en douceur et naturellement. J'ai trouvé dans tes bras tant de volupté, tu m'as transporté dans un monde de sensualité savoureuse. Mais chut, ici je m'arrêterai.

Au début du mois d'avril, nous avons repris la route, je voulais à mon tour te combler. Nous avons emprunté la voie verte. Cette belle vague ondulée au bord de l'océan, tu me l'avais décrite avec tant de ferveur. Je voulais parcourir le chemin qui t'avait mené jusqu'à mon cœur. Nous avons fait escale dans chaque port où tu t'étais posé. À mon tour, j'ai rencontré les êtres attachants dont tu m'avais conté les histoires. Ils nous ont ouvert leur porte avec joie. Nous avons partagé tous nos secrets, des plus intimes aux simples détails infimes parsemés sur les voies de nos envies. Nous ne désirions aucune cachotterie entre nous, une fabuleuse complicité s'est tissée.

Le temps suivait notre rythme. Il s'écoulait lentement si nous le désirions. Nous nous accordions des pauses méditatives face au soleil couchant. Nous nous baignions dans les rayons de soleil, tes mains suivaient leurs courses sur mon visage, mes doigts saisissaient les ombres fuyant dans l'horizon. Les heures s'accéléraient à chaque bourrasque de vent, j'adorais me mettre à l'abri dans ton sillage. Le dragon ouvrait ses ailes et moi le papillon savourait la brise, elle effleurait ma joue. Nous profitions d'un printemps agréable pour planter notre tente dans les campings désertés par les estivants. Nous programmions deux ou trois jours sur le même site pour nous imprégner des lieux.

Ce soir, nous sommes arrivés sur tes terres, j'avais hâte de rencontrer le foyer baigné d'amour et de lumière dont tu ne cesses de me parler. Ce petit coin de paradis te manquait, il était essentiel pour moi de t'emmener près des tiens. Tu es venu dans mon antre tapi d'ombres et de poussières. Tu l'as décoré à ta manière, la rendant bien moins singulière. Même mon père a adoré cette pointe de couleur dans notre monde asseptisé. Il m'a assuré qu'au retour de ma mère, il l'empêcherait de tout défaire. J'ai adoré ta réponse, tu lui as pris la main et tu lui as dit droit dans les yeux : " ne vous inquiétez pas, le papillon s'est envolé, elle ne pourra plus le maintenir prisonnier". En entendant tes paroles, j'ai aperçu des larmes dans le regard de mon paternel.

Les Pyrénées se dressent devant nous, derrière se cache notre future destination. Nous avons décidé de poursuivre notre périple en suivant l'océan Atlantique pour ensuite dessiner la boucle au bord de la Méditerranée. Quand nous en avons parlé à tes parents, j'ai eu peur de leur réaction. Il n'y avait pas de raison au vu de leur accueil. En poussant la porte de ton univers, je me suis enfin senti libre de rêver. Ton père m'a fait découvrir son métier et sa passion pour les montagnes. Ta mère à ta douceur dans ses yeux. Quand je vous observe, je serais presque jaloux. Elle a dû le ressentir, tout naturellement elle a pris de son temps pour m'apporter des petits riens plein de saveurs. Que dire de ton frère et de ta sœur, ils m'ont adopté. Sarah est attachante et toujours soucieuse de mon bonheur.

Samy, je te dédicace ce premier roman, il est tout comme toi, rempli de joie, d'émotions, de partage, de rencontres et de doux sentiments. Quand Arthur et Maël m'ont dit fonce il y a un an, ils m'ont juste poussé à prendre mon envol. Tu es mon dragon majestueux, sur tes ailes je veux voyager à travers le monde.

Ton Victor, papillon amoureux.

FIN

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