Si près de toi

Auguste dépose son chapeau melon sur sa tête et enfile sa veste de laine grise. Celle que sa douce Émily lui avait tricotée. Ce rituel matinal revêt une importance capitale pour lui, surtout depuis le décès de sa femme.
Un dernier regard dans le miroir. La voix de sa douce flotte dans sa tête pour lui dire de replacer ses lunettes qui penchent légèrement du côté droit. Un petit ajustement et le voilà prêt à quitter la maison.
Canne en main, Émily l’aurait sûrement taquiné.
— Allez, viens, mon pépère…
Il aurait fait une moue, feignant d’être insulté. Rapidement, il lui aurait souri tout en déposant un petit baiser sur ses douces lèvres, au goût de miel.
En rêvassant, Auguste se dirige vers le parc en empruntant leur trajet habituel. Il salue les mêmes gens et quelques passants irréguliers. Il s’arrête à la boulangerie où il se procure deux brioches au chocolat. Les effluves qui chatouillent son nez ravivent un bonheur passé.
Le long du chemin, il caresse la tête de Fido, le chien du marchand de légumes. En échange de sa patte, il lui offre un petit bout de brioche — comme l’aurait fait Émily.
Beau temps, mauvais temps, il s’installe à la même heure sur la banquette usée du gazebo du parc.
Il imagine Émily…
Il la voit dans le regard d’un oiseau,
Il admire sa grâce dans le vol d’un papillon,
Il la reconnaît à l’odeur d’une fleur.
Sans se presser, il savoure sa brioche et celle d’Émily. Lorsqu’il retourne à la maison, il a le cœur apaisé par cette incursion dans son passé.
À la cuisine, sa fille Jannick, un ange dans sa vie, cuisine des petits plats aux odeurs du passé. La seule ombre au tableau, il voudrait qu’elle sorte plus, qu’elle se trouve un amoureux. Casanière, elle préfère rester à la maison et lui tenir compagnie jusqu’à ce qu’il aille au lit.
— Bonne nuit papa, dit-elle en le bordant. Je t’aime.
— Bonne nuit ma fille. Je t’aime aussi.
Dans la chambre d’amis, elle s’étend, seule, dans un lit qui n’est pas le sien. Sur la table de chevet, une photo de sa fille, souriante et pleine de vie lui redonne espoir malgré le chagrin qui l’habite. Elle redevient elle-même.
— Jannick ma chérie… tu me manques tellement.
Heureusement, ton souvenir vit en moi par les yeux de ton père.
Depuis le décès de Jannick, Auguste confond Émily avec leur fille disparue. Par amour pour lui, Émily accepte de jouer ce rôle que lui a attribué la mémoire défaillante de son mari. Une seconde peau qu’elle enfile avec tendresse pour ne pas le contrarier. La vie est beaucoup plus douce depuis qu’elle a cessé de se battre contre cette maladie incurable.
Le soir venu, lorsqu’elle quitte la chambre où elle voudrait dormir, le masque tombe. Apparait alors la mère éplorée et l’amoureuse oubliée.
Son plus grand regret : leur marche quotidienne. Auguste refuse maintenant qu’elle l’accompagne. Il veut préserver ce temps précieux pour se remémorer une femme qu’il croit avoir perdue.
Pourtant, chaque jour, Émily le suit, à distance, pour s’assurer qu’il ne s’égare pas. Les larmes aux yeux, elle constate qu’il l’aime encore profondément.
— Mon cher amour. Je suis là…
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