La prophétie de l'Isorropia

5 minutes de lecture

Je marche sur l'herbe humide pour atteindre le bord du lac. Les feuilles mortes craquent sous mes pas. Le ciel est couvert de nuages gris, ce qui rend l'atmosphère triste et froide, et le vent souffle, agitant mes longs cheveux roux.

J'atteins enfin le bord de l'eau et m'accroupis, puis pose doucement Otter, que je tenais serré contre mon manteau bleu orné de fourrure blanche, sur le sol. La loutre hume l'air et fait quelques pas sur l'herbe avant de plonger dans le lac. Je la vois s'éloigner en nageant, mais remarque qu'elle ne dépasse pas l'embouchure du fleuve. Je souris, ravie de savoir qu'elle n'a pas l'intention de me quitter. Il est vrai que je n'avais pas d'affection particulière pour cet animal au début, mais depuis un mois qu'il est à mes côtés, j'ai fini par m'attacher à ce petit être.

Je l'observe se déplacer avec agilité dans l'eau. Cela fait quelques jours que sa patte est guérie et le voilà maintenant complètement rétabli.

J'entends soudainement une voix masculine dire :

- Quel joli spectacle !

Je me tourne en sursaut vers l'origine du son, à ma gauche, et vois le roi de l'eau Kaï. Il est lui aussi accroupi au bord du lac, tout près de moi. Je lui demande :

- Depuis combien de temps êtes-vous là ?

- Oh, je viens tout juste d'arriver.

- Et que me voulez-vous ?

- Je voulais vous parler, mais vous n'étiez pas dans vos appartements. J'ai dû vous chercher dans tout le château !

- De quoi voulez-vous me parler ?

- Je tiens juste à vous annoncer en personne que nous quitterons bientôt cette demeure.

- Vraiment ? Où irons-nous ?

- Dans le nord du pays. C'est là-bas que notre Cour passe tous ses hivers. Nous quitterons ce château avec l'arrivée des premières neiges.

- Oh, il neigera bientôt ?

- Oui, dans un mois tout au plus. C'est vrai que vous n'avez jamais connu la neige.

- Oui, il ne neige jamais dans l'empire du feu. Les hivers y sont doux.

- Vous verrez, ce sera une superbe expérience !

- Je n'en suis pas sûre . . . Je ne suis pas habituée au froid. La température actuelle est déjà un peu trop basse à mon gout.

- Oh, vous vous rendrez compte par vous-même que cela vaut le coup d'avoir froid pour profiter des magnifiques paysages et des diverses activités amusantes qu'offre la neige.

- Si vous le dites . . .

Nos regards se reportent sur Otter qui continue de nager dans le lac. Quelques secondes s'écoulent, avant que Kaï ne reprenne la parole :

- Je ne vous l'ai jamais dit, mais je vous suis reconnaissant de tous les efforts que vous faites pour vous adapter.

Je le regarde avec étonnement. Il poursuit :

- C'est vrai qu'il vous arrive d'avoir des accès de colère, mais la plupart du temps, vous prenez sur vous pour garder votre calme et faire bonne impression. Je sais qu'il est dur pour vous de vous adapter. Notre pays est très différent de celui où vous avez grandi. Ce ne doit pas être du tout facile pour vous de vous retrouver dans un endroit dont vous ne savez rien, entourée de personnes toutes plus étrangères les unes que les autres et, pourtant, vous faites de votre mieux pour vous acclimater à votre nouvel environnement. Je vous en remercie.

- Si vous savez à quel point il est difficile pour moi de quitter mon pays pour le vôtre, pourquoi teniez-vous tant à m'épouser ?

- Je l'ai fait pour le bien de nos deux pays et du monde entier.

- Je sais qu'un mariage est un bon moyen d'assurer une paix plus durable entre deux nations, mais vous pouviez tout de même conclure un accord de paix avec mon pays sans m'épouser. Ce n'est pas une condition nécessaire.

- Je sais bien, mais il n'y a pas que cela.

- Que voulez-vous dire ?

- Mon père est mort lors de la dernière bataille qui opposait votre armée à la nôtre. Il a été tué par l'empereur du feu Apollon. En apprenant cette triste nouvelle, ma mère est tombée dans une grave dépression. Elle était si triste qu'elle n'avait plus aucune envie de vivre et elle s'est laissée mourir à petit feu. Ce n'est qu'alors que j'ai pleinement réalisé l'horreur de la guerre et je me suis juré de la faire cesser à tout prix. J'en ai parlé à mon ami, le roi de la terre Adam, qui était venu assister aux funérailles de mes parents. Il m'a révélé l'existence d'une très ancienne prophétie : "De l'union de deux nations en conflit naitra, sous les premiers rayons du jour, un être qui se servira de la maitrise des quatre éléments pour instaurer l'équilibre en ce monde, lui apportant paix et harmonie". Il est surnommé l'Isorropia. Selon mon ami, les guerres reprendront encore et toujours, jusqu'à ce que cet individu vienne y mettre un terme définitif. J'ai compris que le seul moyen que j'ai d'épargner aux générations futures l'horreur que nous avons vécue est de ramener cet être parmi nous. C'est pourquoi je tenais à vous épouser. Si vous le voulez bien, nous ferons naitre cet Isorropia ensemble.

Je le fixe, bouche bée, pendant plusieurs secondes, choquée par sa décaration, avant de m'exclamer :

- Attendez, vous êtes en train de me dire que vous m'avez épousée uniquement pour que je vous engendre ce sauveur ? !

- Et bien . . .

- Je ne suis bonne qu'à procréer, pour vous, c'est cela ? !

- Non, pas du tout . . .

- Arrêtez de vous ficher de moi ! Vous venez de me dire que vous ne m'avez épousée que pour mettre au monde cet Isorropia !

- Cela ne veut pas dire que je ne vous vois que comme un moyen de procréation . . .

- Ah, vraiment ? ! Et qu'est-ce que cela veut dire alors ? !

- Je vous aime sincèrement, Oriane . . .

- Taisez-vous ! crié-je en lui lançant une flamme.

Il la pare avec un mur d'eau. Ne supportant plus sa présence, je m'éloigne à grands pas. Mes sourcils sont plus froncés que jamais et ma respiration est si agitée que j'en ai la tête qui tourne.

Je retourne à l'intérieur du château, gravit les escaliers et ouvre les portes de mes appartements à la volée, en hurlant à toutes les servantes qui s'y trouvent :

- Dehors ! Sortez toutes immédiatement !

Elles s'éxécutent, surprises et terrifiées par ma vive colère. D'ordinaire, j'aurai demandé à Ondine Delaigue de me jouer sa musique apaisante, mais je suis si énervée que même cela ne serait pas efficace. De toute façon, je ne veux voir personne. Je veux être seule.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ystorienne Histoire ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0