Sur la banquise

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La couche de neige est si haute qu'elle m'arrive jusqu'aux genoux. La progression est difficile dans ces conditions et j'ai déjà les jambes gelées. Je trébuche et m'étale de tout mon long sur l'épais matelas blanc et froid. Le roi de l'eau se retourne en entendant ma chute et s'approche de moi pour me demander :

- Est-ce que ça va ?

- J'ai froid et je suis fatiguée, mais à part cela, tout va bien, dis-je sur un ton mi-sérieux, mi-ironique.

- C'est pourtant le sentier le plus facile que j'ai choisi pour vous, dit-il en me relevant.

- Dois-je vous rappeler que je ne suis pas habituée à ce climat ? demandé-je en époussetant mes vêtements.

- Non, je l'ai parfaitement compris.

Sur ces mots, il me soulève et m'installe sur l'une de ses épaules. Je proteste, surprise :

- Qu'est-ce que vous faites ? Descendez-moi immédiatement !

- Je croyais que vous aviez froid et que vous étiez fatiguée. De cette façon, vous n'aurez pas à marcher dans la neige. Cette solution ne vous convient-elle pas ?

Je croise les bras et détourne le visage pour lui indiquer mon mécontentement. Il a un petit rire, mais il reprend sa marche. Ce doit être beaucoup plus facile pour lui d'avancer dans ces conditions car, non seulement il y est habitué, mais il est aussi plus grand donc la neige ne lui arrive qu'à mi-mollets.

Il continue à avancer sur le sentier enneigé qui se situe entre deux montagnes si hautes qu'on n'en voit pas le sommet. Je me demande ce que cela peut bien faire de contempler le monde d'en haut. On doit se sentir si grand !

Quelques minutes plus tard, il annonce :

- Nous sommes arrivés ! Voici la banquise.

Nous nous trouvons face à une grande étendue de glace. Je peux voir d'ici de drôles d'animaux bipèdes dotés de petites ailes qui avancent en se dandinant curieusement. Kaï me fait descendre de son épaule et je lui demande :

- Quelles sont ces drôles de créatures ?

- Ce sont des manchots.

- Es-ce qu'ils peuvent voler ?

- Non, en revanche ils nagent aussi bien qu'Otter.

- Vraiment ? Voilà qui est étrange pour des oiseaux.

- Ils sont uniques en leur genre.

J'avance sur l'épaisse couche de glace, suivie de près par mon époux. Je peux voir l'océan à l'horizon. C'est vers lui que je me dirige. Je suis curieuse de voir comment ces manchots nagent car c'est bien la première fois que j'entends parler d'oiseaux nageurs.

Je vois alors ces bipèdes monter en se dandinant en haut d'une colline pour glisser à plat ventre et plonger dans l'eau ! Ils s'éloignent ensuite en nageant dans les profondeurs de l'océan. Je les regarde faire avec des yeux ronds, surprise. Je ne m'attendais pas du tout à cette façon de faire. J'entends le roi de l'eau me dire en riant :

- J'ai oublié de vous préciser qu'ils sont aussi les rois du plongeon.

- Je vois cela . . .

- Voulez-vous glisser, vous aussi ?

- Pardon ?

- Voulez-vous descendre une colline en glissant ? Vous verrez, c'est très amusant. En revanche, nous allons en choisir une autre car plonger dans l'eau à une température pareille serait du suicide.

Il regarde autour de lui, puis me pointe une colline un peu plus éloignée du doigt en déclarant :

- Celle-là sera parfaite !

Il s'en approche, puis se sert de sa maitrise de l'eau pour récupérer une partie de celle de l'océan et la modeler puis la solidifier. Il prend ensuite l'objet qu'il vient de créer dans ses mains en m'informant :

- Voici notre luge.

- Une luge ?

- C'est indispensable à notre activité.

- Et vous pouvez créer tout et n'importe quoi avec votre maitrise de l'eau ?

- Évidemment ! Comment croyez-vous que notre palais de glace a été bâti ?

Il se dirige ensuite vers la colline et entreprend de monter jusqu'à son sommet. Je le suis et une fois que nous sommes tous deux en haut, il pose sa luge sur le sol et m'invite à m'y intaller :

- Les femmes d'abord.

Je m'y assieds. Il me demande :

- Vous êtes prête ?

- Je crois . . .

- Allons-y !

Il pousse la luge avant d'y monter à son tour. Elle descend la colline à une vitesse impressionnante et je serais sûrement tombée si le roi de l'eau n'avait pas passé ses bras autour de ma taille. L'objet finit tout de même par se renverser en bas de la colline en percutant une petite bosse causée par l'irrégularité de la glace.

Nous tombons au sol, sur la surface dure et froide. Je fais remarquer à mon époux :

- Votre activité n'est pas sans danger.

- Il y a toujours des risques à prendre dans tout ce que l'on fait.

Je pousse un soupir et me relève. C'est alors que je vois une autre créature qui m'est étrangère sortir de l'eau. Je demande à mon compagnon :

- Qu'est-ce que c'est ?

Il jette un coup d'oeil dans la direction que je lui indique et répond :

- Oh, ce sont des phoques.

- Quels drôles de poissons !

- Ce ne sont pas des poissons, mais des mammifères marins.

- Allons les voir de plus près . . .

- Non, nous ferions mieux de rentrer.

- Pardon ? Nous venons tout juste d'arriver !

- Je sais, mais nous ne pouvons pas rester plus longtemps.

- Et pourquoi cela ?

- Tout d'abord, le seul but de notre sortie était de vous faire voir la banquise et c'est fait. Ensuite, les phoques attirent d'autres mammifères dangereux. Voilà pourquoi nous devons partir avant que ces derniers n'arrivent.

- Je ne crains rien, ni personne. La première créature qui me menace aura droit à une petite démonstration de ma maitrise du feu.

- Je suis sérieux, Oriane. Partons !

- Non, rétorqué-je en secouant la tête. Je refuse d'avoir fait tout ce chemin pour si peu !

- Oriane !

- Vous ne pouvez pas me faire marcher toute une matinée pour me demander de rebrousser chemin cinq minutes après !

- Oriane !

- Et combien de fois devrais-je vous dire de ne pas m'appeler par mon prénom ? !

- Cessez donc vos enfantillages ! Je vous dis que nous serons en danger si nous ne partons pas maintenant !

Je m'apprête à ouvrir la bouche pour protester encore lorsqu'il plaque sa main dessus et nous allonge au sol. Je me débâts, puis me fige lorsque je l'entends murmurer :

- Ils sont là . . .

Je regarde dans la même direction que lui et vois des ours au pelage blanc approcher. Kaï me murmure à l'oreille :

- Pour l'instant, ils sont occupés par les phoques. Nous devons en profiter pour partir d'ici.

Il enlève sa main de ma bouche et me fait signe de le suivre. Nous nous relevons et prenons silencieusement la direction du sentier par lequel nous sommes venus. Nous avons à peine le temps de faire quelques pas que nous entendons les bêlements des phoques. Nous nous retournons et constatons que ces derniers s'enfuient en plongeant dans l'océan. Les ours ont raté leur attaque et grognent furieusement.

L'un d'eux hume l'air et se tourne vers nous. Mes yeux noirs croisent les siens et il pousse un puissant grognement avant de fondre sur nous, suivi de tous ses congénères !

Je pousse un cri de panique et le roi de l'eau m'attrape par la main pour m'entrainer derrière lui. Il court en direction du sentier, mais les ours sont rapides et gagnent du terrain. Ils vont bientôt nous rattraper !

Il me pousse alors en avant et m'ordonne :

- Courez !

- Attendez . . .

- Je vous ai dit de courir !

Mon corps lui obéit sans même réfléchir. Je jette cependant un coup d'oeil en arrière et vois qu'il fait face aux ours qui ne sont plus qu'à quelques mètres de lui ! Il se sert de sa maitrise de l'eau pour leur envoyer une vague de neige, ce qui a pour effet de les ralentir un instant. Il en profite pour prendre la fuite, mais les bêtes sauvages ne tardent pas à reprendre leur poursuite. Le roi de l'eau arrive à ma hauteur et se jette avec moi sur le sentier. Il se relève aussitôt et se sert de sa maitrise de l'eau pour déclencher une avalanche artificielle, bloquant avec la neige qui recouvre les montagnes l'entrée du chemin. Il se tourne ensuite vers moi et me dit, sur un ton froid :

- Rentrons, maintenant.

Il passe devant moi sans même me proposer son aide pour me relever et je comprends alors que je viens de le mettre en colère. Je me relève sans rien dire et le suis. Nous effectuons le chemin du retour vers le château dans un silence pesant.

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