Bonne nuit

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Allongé dans le jardin, face au portail, j'attends patiemment son retour. Le crépuscule teinte déjà le ciel d'un beau doré-orangé lorsqu'il revient enfin. Je redresse la tête et tente de me lever pour aller l'accuellir, mais mes jambes ne sont plus suffisamment fortes pour me porter et je tombe. Il se précipite à mes côtés en s'exclamant :

- Aka !

Il s'agenouille pour me prendre dans ses bras. Je lui lance un regard désolé accompagné de gémissements attristés. Je vois son regard bleu s'embuer de larmes, mais c'est avec une voix calme qu'il me dit :

- Ne t'excuse pas. Je sais bien que si tu le pouvais, tu resterais toujours à mes côtés.

Je frotte affectueusement ma tête contre son torse. Il caresse tendrement mon pelage roux. Je sais que le moment est venu pour moi : je sens mes forces m'abandonner, mais je suis inquiet de le laisser. Nous avons grandi ensemble. Je veille sur lui depuis toujours. Qui pourrait me remplacer à ses côtés ? Ses parents ignorent que sa volonté de vivre ne tient qu'à un fil et parmi les deux seules autres personnes au courant, l'une d'entre elles vit maintenant loin d'ici. Je ne peux donc plus compter que sur Imaé pour le maintenir en vie jusqu'à ce que Yoko rentre. Pourvu qu'elle ne tarde pas. Il est de plus en plus mal en point depuis qu'elle est partie.

Le ciel s'assombrit. Il ne reste plus du soleil qu'un mince trait. Je sens ma respiration ralentir, comme si elle voulait suivre l'astre dans sa disparition, à la différence qu'elle ne reviendrait pas le lendemain. Je pose ma tête sur les genoux du jeune homme. Je suis heureux d'au moins pouvoir passer mes derniers instants avec lui, même si l'idée de notre séparation me serre le coeur.

C'est alors que je sens une goutte tomber sur mon crâne. Je redresse la tête pour constater qu'il pleure. On dit que les bâillements sont contagieux, mais les larmes le sont aussi lorsque l'on l'aime la personne dont elles proviennent. Je lutte contre mes pleurs : mon devoir est de le réconforter jusqu'à la fin. Je passe ma langue sur sa joue. Il me serre dans ses bras en murmurant, d'une voix brisée par les sanglots :

- Ne t'en fais pas. Ne sois pas triste. Nous nous retrouverons bientôt, je te le promets.

Comprenant ce qu'il insinue par ces dires, je tente de lui adresser un aboiement de protestation pour l'en dissuader, mais tout ce que je parviens à sortir est un long soupir, pendant lequel je remarque que le dernier point de luminosité commence à se dissiper lentement. Le dernier son que j'entends est sa voix :

- Merci pour tout, mon ami. Repose-toi bien, maintenant. Bonne nuit, jusqu'à ce que la mort nous réunisse.

Je plonge dans l'obscurité en même temps que notre ville.

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