Chapitre V (2/2)

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« - Mais, Père, pourquoi es-tu si contrarié ? Rotu est charmant, bien élevé, il régnera bientôt sur tout le pays… Puisqu’il faut me marier, pourquoi ce ne serait pas avec lui ?

- Eh bien… Tu as raison, bien sûr. Tu auras bientôt dix-huit ans, il est grand temps que tu te maries. Mais…

- Mais ?

- Je sais que c’est un honneur de te choisir comme future reine. C’est même une belle revanche, quand on sait ce que nous avons dû endurer pour que l’on accepte mon mariage avec ta mère ! Un prince qui épouse une jeune fille de sang mêlé, c’est sûrement une première dans l’Histoire de Champarfait.

- Tu vois ! Peut-être que les choses bougent enfin dans notre pays.

- Non, ma chérie. Pardon d’être brutal, mais ce n’est pas toi qui les intéresses. Ce qu’ils veulent, c’est récupérer les terres indépendantes du Nord pour les réunir au reste du royaume. Rien de plus.

- Je sais bien... Mais les mariages princiers sont ainsi, depuis des siècles. Cela ne nous empêchera pas de bien nous entendre !

- …

- Père, je vais épouser un prince jeune et élégant, comme dans les livres ! Je serai la reine d’un grand pays, il y aura une grande fête ici au palais, tout le monde devra me faire la révérence et un jour, j’aurai une belle couronne couverte de pierres précieuses. Et je pourrai changer toutes ces lois absurdes sur la pureté du lignage. Tu seras fier de moi !

- Je suis déjà fier de toi, ma chérie. Mais ne rêve pas ! En tant que reine, tu n’auras aucun pouvoir, à part celui de te taire et de sourire quand on te l’ordonnera… Et ta naissance, ou plutôt l’origine de ta mère, restera un secret absurde, mais absolu, dont il ne faudra jamais parler. Exactement comme aujourd’hui. Jamais ils n’admettront publiquement que ton lignage n’est pas parfait… Cependant, ce n’est pas cela qui m'inquiète.

- Qu’est-ce donc ?

- Tu le sais, mon père a été le précepteur du prince Lomu. Je ne l’ai pas connu, j’étais trop petit, mais le fils aîné de la reine était chaleureux, attentif, chevaleresque. Quelle tragédie que sa mort ! Bref, quand on m’a confié son petit frère, même s’ils avaient vingt ans d’écart, je m’attendais à ce qu’ils se ressemblent. Mais j’avais tort. Enfant, Rotu était colérique, menteur, et même cruel, parfois. Avec les animaux, avec les serviteurs… Bien sûr, il a grandi, aujourd’hui il se comporte autrement. Mais je ne sais pas quelle est sa vraie nature.

- Père, moi aussi j’ai fait des bêtises, lorsque j’étais enfant… C’était il y a longtemps ! Laissons-lui au moins le bénéfice du doute. »

Mon père sourit, d’un air un peu pincé, un peu contraint, mais il sourit. Il resta encore quelques minutes à me regarder d’un air mélancolique, comme s’il réalisait soudainement que sa petite fille était devenue grande et qu’il ne pourrait pas me protéger de tout. Puis il quitta la pièce, me laissant seule avec mes pensées, et mes rêves de midinette.

Peu à peu, au cours des mois qui suivirent, au fil des visites de courtoisie que le prince Rotu commença à nous rendre, mon père se rassura sur le sort qui m’attendait. Mon fiancé se montrait d’une politesse parfaite, d’une ponctualité irréprochable, d’une humeur égale. Une fois par semaine, il se joignait à nous pour le repas. Il parlait de livres avec mon père, de la noce avec moi. Il avait d’excellentes manières, il était toujours tiré à quatre épingles, tantôt en uniforme avec des épaulettes dorées, tantôt en civil avec des riches habits surbrodés de jade ou d’émeraudes. Il était distant, peu démonstratif, mais cependant aimable à mon égard. Et seule Suni, ma sauvageonne de sœur, campa sur ses positions en décidant qu’elle ne l’aimait pas.

Quant à moi, j’oubliai très vite les craintes paternelles et les aspects pécuniaires de cette histoire pour ne me souvenir que d’une chose : j’allais devenir princesse ! J’avais hâte d’y être et de commencer, enfin, à vivre ma vie.

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