Chapitre X (2/2)

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Orcinus me mena aux cuisines, où cette fois-ci, plusieurs personnes étaient attablées autour d’un plat étrange qui sentait l’iode à plein nez. Il s’assit, m’invita à en faire de même, et la conversation s’engagea. Conversation dont j’étais l’objet, évidemment, et qu’il interrompit à plusieurs reprises pour me présenter des gens qui allaient et venaient autour de nous. Ainsi qu’une dame élégante, vêtue d’un jaune vif qui mettait en valeur sa peau couleur de châtaigne mûre et ses yeux éblouissants comme de l’onyx, et qu’il me présenta comme étant sa grand-mère, Muraena.

Elle m’enveloppa d’un long regard profond comme les abysses, bordé de cils noirs interminables et qui semblait lire en moi comme sur un parchemin. Je la saluai dans ma langue, ne pouvant pas faire mieux, elle me répondit dans un murmure : « Bonjour, Lomu... Rassure-toi, personne ne s’en prend aux étrangers, ici. » Je rougis, sentant mon cœur battre comme un ouragan dans ma poitrine, mais demeurai silencieuse.

Je finis ma part de bouillie en me forçant un peu, n’étant guère habituée aux saveurs marines, mais j’avais faim et manger me fit du bien. Puis je suivis Orcinus, fidèle à sa mission de guide, jusqu’à une cabine située à l’arrière du navire, en-dessous du gaillard d’arrière* où nous avions précédemment rejoint le capitaine : c’était là que demeurait Milos, le vieux médecin du bord. Il avait les yeux gris comme ceux de ma mère, les cheveux frisés comme le soleil et même s’il ne parlait pas deux mots de ma langue et moi pas deux mots de la sienne, il me soigna gentiment tout en discutant avec Orcinus d’un sujet certainement passionnant, mais dont je ne compris rien.

Puis nous rejoignîmes l’avant du bateau, qui tanguait bravement sous ses voiles. Là, Orcinus me confia aux bons soins d’un drôle d’individu dont je ne compris que le nom, Perkinsus, et la fonction : guetteur, puisque je passai tout le reste de la journée avec lui, à regarder la mer de tous les côtés. J’en conclus donc, soit qu’il était fou, poète ou les deux, soit que son rôle à bord était d’être les yeux et les oreilles de son officier, ce qui me semblait plus probable.

Au bout de huit heures, à peine interrompues par une très brève pause déjeuner, j’étais épuisée par les efforts incessants que j’avais fournis afin de regarder de tous mes yeux, mais aussi de me faire comprendre à grands renforts de gestes et de sons indéterminés. J’étais également transie par le froid et par l’humidité ! Même si le temps était clément et doux, la vitesse du bateau créait un vent constant qui traversait sans vergogne la finesse de mes vêtements. Enfin, des vêtements d’Orcinus.

Et quand justement, je retrouvai celui-ci tout au fond de la voilerie (non sans m’être trompée de chemin à deux reprises et avoir débarqué, bien involontairement, une fois dans la cuisine et une autre fois dans l’atelier du charpentier), je m’effondrai littéralement sur la nouvelle paillasse toute fraîche que, bien gentiment, Orcinus avait installée pour moi dans un recoin de la pièce, avec une sorte de rideau de lin blanc découpé dans une vieille voile d’artimon** (même si j’ignorais encore ce qu’était l’artimon…) qui me donnait un semblant d’intimité. Une charmante attention, dont je n'eus même pas le temps de le remercier tant le sommeil me saisit au vol.

* Le gaillard d'arrière est la partie surélevée du pont, qui s'étend du grand mât jusqu'à l'arrière, et qui offre une vue dégagée sur tout le navire idéale pour permettre aux officiers d'exercer le commandement des manoeuvres.

** L'artimon est la voile située sur le mât le plus à l'arrière d'un bateau, derrière le grand-mât ; lui-même appelé le mât d'artimon, il est généralement le plus petit des mâts.

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