Chapitre XXXI (1/2)

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Je m’éveillai le lendemain avec la sensation d’avoir dormi dans un bain brûlant. Autour de nous, la mer léchait les vitres avec un léger clapotis aux airs de son et lumière. Et contre ma cuisse, contre mon bras, je sentais la langueur moelleuse et douce du corps ferme et accueillant d’Orcinus. J’avais dormi à moitié contre lui, à moitié sur lui… Et il me tenait chaud : c’était une sensation réconfortante que je savourai pendant cinq bonnes minutes. Muraena avait raison, quand elle avait affirmé que dormir auprès d’un homme n’était pas forcément désagréable ! Mais je savais bien qu’Orcinus ne se contenterait pas éternellement de dormir. Et ça, c’était plus compliqué à envisager pour moi.

Plusieurs jours passèrent ainsi entre deux eaux, entre deux peaux. Le matin, je quittais la chambre d’Orcinus pour rejoindre ma salle de classe et mes élèves plus ou moins enthousiastes. Le midi, je déjeunais au réfectoire avec toute la troupe pour entendre et partager des nouvelles des réparations presque terminées du mât d’artimon et de notre retour sur l’eau. Le soir, je préparais un plateau et j’allais rejoindre Orcinus sur son lit de douleurs. Douleurs qui se faisaient de moins en moins sentir, apparemment, pour le plus grand bonheur de l’intéressé.

Je pris goût à cette espèce d’intimité qui ne disait pas son nom. Mes nuits étaient douces et agréables… Il faut dire qu’il était difficile d’imaginer une ambiance plus romantique que celle de cette chambre avec sa vue sous-marine et ses lumières bleutées ! Orcinus allait de mieux en mieux, sa jambe était encore assez mal en point mais le reste cicatrisait bien. Et je me risquais de plus en plus à le toucher. Le bras. Les doigts. Le torse. La joue. Le ventre. Il accueillait toujours mon geste d’un muscle qui se tendait dans un frisson ou d’une main qui se posait sur la mienne. Il me répondait toujours, mais il n’allait jamais au-delà de mon propre mouvement.

Pourtant, l’envie d’aller plus loin ne manquait ni d’un côté, ni de l’autre. Moi, j’avais comme des nœuds sous la peau, dans les veines, à force d’avoir un désir qui ressemblait presque à de la faim tant il me semblait animal. Et lui… Ma foi, je n’étais ni complètement ignorante, ni complètement aveugle ! Rotu ne m’avait pas appris la tendresse des hommes, mais j’avais quand même compris comment et où se manifestait son désir. Et Orcinus, par moments, se tortillait en rougissant dans les replis du drap ou sous un coussin pour cacher les émois trop visibles de cette même partie de son anatomie.

Mais j’avais beau m’habituer doucement à sa chaleur tout contre la mienne, je n’étais pas certaine de vouloir goûter à cette autre sorte de chaleur. Pas encore… Tout se bousculait dans ma tête, le désir, la peur, l’envie, la honte, l’inconnu, et aussi peut-être, l’idée qu’Orcinus ne m’attendrait pas indéfiniment si je ne me décidais pas.

En attendant, je me sentais comme une gamine qui voulait essayer un nouveau jeu dont elle ne connaissait pas bien les règles. J’avais en main de bien jolies cartes : une peau douce comme du caramel torréfié, des yeux profonds comme un ciel d’hiver, des doigts légers comme un souffle d’or. Sans oublier le décor, les lueurs sombres portées par les ondes de la mer, et tous ces petits poissons qui nous tournaient autour en se fichant bien de ce qui se passait ou de ce qui ne se passait pas juste sous leurs nageoires.

La veille du jour prévu pour la réunion du Grand Conseil, lorsque j’arrivai à l’hôpital, je trouvai mon patient debout sur ses jambes, mains dans les poches et petit sourire, le regard perdu dans le paysage animé que la mer lui offrait. Il avait l’air tout fier, avec son pantalon de toile bleu marine et son torse nu couvert de vagues de lumière. L’océan semblait dessiner sur lui et il était magnifique… Je ne pouvais pas ne pas m’en rendre compte ! Et cela dut se lire sur mon visage : je restai un peu sciée, un peu coite, un peu tarte.

Il faisait sombre, mais pas noir, et je le vis parfaitement s’approcher de moi. Son regard était clair et droit, mais en une seconde il devint plus sourd, plus intense. Il me prit le plateau des mains, le posa sur le côté et m’attrapa les doigts pour les poser sagement sur son bras. Un geste que j’avais déjà fait plusieurs fois ! Comme d’habitude, Orcinus s’arrêtait là où je m’étais précédemment arrêtée moi-même…

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