Chapitre XXXIII (1/2)

3 minutes de lecture

Quelle charmante perspective que d’imaginer ce cher Orcinus, ayant sa grand-mère à un bras et la belle Ventura à l’autre, en train de voguer joyeusement vers les paysages ensoleillés et la chaleur torride d’Héliopolis !

Cette idée me fit grincer des dents… Mais heureusement, cela ne dura pas trop longtemps. Car Ventura réapparut presque immédiatement, juste avant que l’on ne commence à retirer l’échelle de coupée. Elle monta à bord in extremis, expliqua qu’elle avait été retardée dans sa promenade par un bête problème de semelle déchirée, et qu’elle n’avait pas plus de nouvelles que nous de nos fugitifs. Cela me ravit, évidemment, mais nous n’étions pas plus avancés. Rutila consulta alors Salmus et Milos du regard, et ordonna à l’équipage de se tenir prêt à appareiller : nous mettions le cap sur Héliopolis.

La traversée me parut interminable. En effet, le climat nous envoya nuages hostiles, pluie cinglante et rafales de vent sans jamais se lasser, nous laissant collectivement rincés au propre comme au figuré. Pendant les quarts, l’équipage était rétif et épuisé, Ventura me lançait des regards noirs et les mâts semblaient bien nus sans la silhouette légère de leur maître voilier.

Nous fûmes tous collectivement très soulagés de toucher terre lorsque nous pénétrâmes dans l’avant-port d’Héliopolis. Le soleil radieux allait réchauffer les cœurs et sécher les toiles, deux préalables indispensables au bon rétablissement du moral des troupes.

Malheureusement, le bateau du dénommé Squalus, sur lequel nous pensions qu’Orcinus et Muraena avaient embarqué, était introuvable. Le gardien du port nous confirma qu’il s’était arrêté quelques heures, la veille de notre arrivée, avant de repartir pour une décision inconnue. Rutila et Salmus commençaient à perdre patience et espoir. Chercher Muraena dans ce pays où toutes les femmes lui ressemblaient revenait à trouver une aiguille dans une botte de foin. Mais Orcinus, lui, pourrait difficilement passer inaperçu, avec son physique typiquement Lointain ! Pourtant, personne ne put nous renseigner. Soit ils n’étaient jamais venus ici, soit ils n’avaient fait qu’y passer pour rejoindre ensuite une autre destination. Alors que j’étais attablée avec Salmus et Rutila, à broyer du noir en dégustant une bière de châtaigne, Milos vint nous rejoindre. Devant nos trois mines atterrées, il sourit d’un air désolé.

« - Bon, soupira-t-il, j’aurais dû vous le dire il y a longtemps…

- Quoi donc ? demanda Rutila.

- Muraena ne vient pas vraiment d’Héliopolis.

- Quoi ?

- Non.

- Ce n’est pas possible ! C’est ce qu’elle a déclaré au Conseil des Cinq quand elle nous a demandé l’asile. Je m’en souviens très bien, puisque j’étais là. C’était la première fois que j’y siégeais, j’étais toute jeune capitaine.

- Je sais que c’est ce qu’elle a dit. C’est ce qu’elle dit à tout le monde.

- Alors elle aurait menti devant le Conseil pour obtenir l’asile ? C’est un parjure… Et selon nos lois, mentir au Conseil implique la nullité de l’asile qui a été accordé.

- Je le sais très bien ! C’est pour ça que je ne vous en ai pas parlé plus tôt… Muraena vient des peuples nomades, ceux qui vivent dans le désert du sud. Officiellement, ils font bien partie d’Héliopolis, même si leurs traditions sont différentes. Elle n’a menti qu’à moitié.

- Elle a menti, Milos. Et je ne manquerai pas de m’en expliquer avec elle quand nous la retrouverons. En attendant, ne perdons pas de temps. Il y a des dizaines de tribus nomades. Sais-tu laquelle était la sienne ?

- Non. Mais… Chaque tribu porte un tatouage spécifique, avec son emblème. Et, poursuivit Milos en rosissant légèrement, le sien représente un lion.

- Un lion… Allons-nous devoir déshabiller tous les habitants du désert pour voir quelle caravane marque ses ouailles avec un tatouage de lion ?

- Euh, bégayai-je timidement, quand j’étais petite, j’étais fascinée par Héliopolis. La liberté des femmes, tout ça… Alors j’ai lu tous les livres de la bibliothèque qui parlaient de son peuple et de ses traditions.

- Et cette histoire de tatouage te dit quelque chose ?

- Oui. Le lion est l’animal-totem des marchands du grand Sud.

- Et ? Que sais-tu d’autre sur eux ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Marion H. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0