Chapitre XXXIV (1/2)

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Il nous fallut deux semaines de mer pour atteindre le grand Sud. Le vent fut soutenu et constant tout du long, à croire que le destin était avec nous !


En tout cas, nos voiles restèrent joyeusement gonflées et nous filâmes à vive allure dans des paysages aux couleurs safranées. Au fur et à mesure, le sable gagnait du terrain et les dunes se dévoilaient à perte de vue sur notre bâbord. De temps en temps, nous voyions des caravanes de chevaux, d’ânes ou de dromadaires qui ondulaient doucement au rythme ancestral de leurs pas. Les tenues étaient sobres, couleur de sable, tandis que les tentes étaient rouges ou oranges comme le soleil de midi.


Il se dégageait de tout cela une très vive impression d’immensité mais aussi d’éternité, car rien ne semblait avoir changé depuis la nuit des temps, depuis les contes que l’on racontait le soir à la veillée, sous les étoiles et autour du feu. Et même si cette culture semblait l’exacte contraire de celle des Lointains, nous avions un sentiment étrange de gémellité, parce que comme nous, ces peuples étaient nomades et servaient de lien entre les civilisations depuis des siècles. Ils voguaient de dune en dune comme nous de vague en vague.


Lorsque nous approchâmes de Port-Eden, nous vîmes apparaître quelques constructions plus grandes, quelques maisonnettes regroupées autour d’une gigantesque tente où s’agitait ce qui ressemblait à un marché. Il y avait là des femmes, des hommes, des enfants, des animaux, des épices, des poteries, des tissus, des fruits… Tout cela battait comme un cœur inconnu, mais chaleureux. En guise de grandes explorations dans des contrées potentiellement hostiles, nous n’avions devant nous que des gens qui, comme nous, venaient nourrir leur famille et discuter avec leurs voisins autour d’un verre. Notre arrivée provoqua beaucoup de curiosité, car personne n’avait jamais vu un bateau aussi gigantesque, ni autant de gens avec des yeux couleur de ciel !


Nous pûmes finalement accoster directement dans le port, moyennant une manœuvre un peu périlleuse qui me donna des sueurs froides, mais que Rutila commanda avec sa tranquillité légendaire. Lorsque les amarres eurent été solidement assurées et vérifiées, tout l’équipage fut réquisitionné pour décharger le théâtre, le matériel, les déchets… Bref, notre mise en place habituelle, sous l'œil attentif des habitants.


Nous n’en oubliions pas pour autant nos fugitifs ! Et dès que les corvées furent terminées, nous fûmes prêts à fouiller toute la ville. Ce que nous fîmes d’abord sans aucune logique ni organisation, arpentant les ruelles étroites emplies de sérénité pacifique et de parfums exotiques. Au bout de deux heures, nous avions fait deux fois le tour de la cité, sans aucun résultat. Salmus renvoya alors tout le monde à bord, avec sa bénédiction pour vaquer chacun à ses occupations, tandis que Milos, les deux capitaines et moi-même entreprenions de faire fonctionner nos neurones pour trouver un plan de bataille.


En imaginant qu’ils soient effectivement à Port-Eden, et qu’Orcinus essaie de nous transmettre un message ou de ralentir leur fuite, comment s’y prendrait-il ? Je n’en avais aucune idée ! Et je ne me sentais guère utile dans ces réflexions… Ce fut Milos, probablement par déformation professionnelle, qui suggéra le cabinet médical. Après tout, Orcinus se remettait à peine de ses blessures. Il avait facilement pu prétendre avoir besoin de voir un médecin. Ou bien, même si l’idée me plaisait moins, avoir eu réellement besoin de soins après un tel périple... De plus, Milos pourrait facilement discuter avec son confrère local dans la langue d’Asclépios.


Ce dernier argument finit de convaincre nos deux capitaines, qui nous missionnèrent, Milos et moi, pour nous rendre au cabinet médical de Port-Eden. Par chance, nous le trouvâmes très facilement, un peu par hasard, un peu grâce à l’aide d’une jeune fille d’une quinzaine d’années qui, après une pantomime probablement ridicule, sembla comprendre ce que l’on voulait et nous indiqua vaguement une direction de sa grande main fine. Nous entrâmes sans plus de cérémonie, et tombâmes nez-à-nez avec Orcinus, assis tout seul dans une pièce minuscule qui devait être la salle d’attente.

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