Relâché

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Mais goûter ne veut pas dire manger, pas plus se rassasier et encore moins se goinfrer ! Son piment m’a irradié les lèvres, piqué la bouche, sans aller jusqu’à me brûler les intestins. Les infinis bienfaits de ce tendre slow ne seront pas pour moi, l’éternel m’est refusé au moment où elle relâche son étreinte.


La voir s’en aller m’étonne, m’éberlue, tant et si bien que je m’interroge et en viens à me remettre en question. Pourquoi cette soudaine volte-face ? Qu’ai-je fait pour qu’elle s’extirpe de mon infini paradis ?


Actant au passage l’irrémédiable et triste fin de ma béatitude.


Je me recentre, si ce n’est sur le temps présent car ici toute notion de temps est – je l’ai accepté – abstraite, sur ce qui m’entoure. Je me rends compte, chagriné, excédé, que, plus que relâchée, On me l’a arrachée !

On, pour ne pas dire l’autre, le trouble-fête, l’importun, sorti de nulle part, lui tient déjà la main et, d'ailleurs, ose même lui sourire. Quelle déplorable attitude, quel affront, quel salopard !

Quant à elle, radieuse et toute émotionnée, je la vois répondre favorablement à sa piètre séduction. Sérieusement, il ne lui faut guère plus qu’un rictus aux dents blanches et une sensuelle poigne de main pour succomber ?

Bien sûr, je ne m’attendais pas à ce qu’elle m’épouse sur le champ, mais elle aurait pu, ne serait-ce que par pudeur à mon égard, se montrer gênée, le repousser gentiment et revenir dans mes bras reprendre le cours de notre interminable slow.


Au moins tant que la musique perdure.


Et cette musique, je ne sais d’où elle vient mais elle n’a cure de ce qui m’arrive, elle continue, s’exclame, s’entête, joyeuse, captivante, facétieuse… Son manque criant de compassion me crispe au point que, tel un cobra, je me dresse, me gonfle, tout prêt à agresser le charmeur armé de son agaçante flûte.


Et de séducteur, je n’en vois qu’un, il n’est en rien musicien, il est simple danseur charlatan venu extorquer ma cavalière.


Alors, mes interrogations, mon étonnement, mon chagrin et mon excès, ensemble, portés par l’incessante musique, s’enflamment, s’emportent, m’échauffent et, pris d’une irrémédiable colère, je deviens antithétique à la foule, joyeuse et bienveillante qui m’entoure, pour me transformer en une petite frappe prêt à en découdre.


Alors, le reptile devenu voyou jaillit et, à défaut d’ouvrir la gueule, sert les points, à défaut de mordre, arme son bras, à défaut d’empoisonner…

… subitement se console et se raisonne.


Point de colère à avoir, la clairvoyance tel un flash m’ébranle, ma partenaire et son nouveau prétendant, au milieu d’autres couples qui se forment et se déforment, ne font que respecter la règle pré-écrite dont je prends seulement conscience.


On, ainsi, continue à m’ouvrir les yeux et prépare mon esprit à l’inévitable chute.

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