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Ayant du mal le croire, je relis ces quelques mots encore et encore. Un tas d'émotions imprègne l'ensemble de mon corps. Je me retiens de trépigner de joie comme un enfant devant un chiot remuant sa queue. Une main posée sur mon estomac tendu, l'anxiété me brûle les entrailles, car je ne sais absolument pas comment elle va réagir face à ma présence et mes paroles. Le doute s'installe petit à petit, la pensée d'annuler le rendez-vous afflue sans vergogne. Je me brutalise pour la mettre de côté.

Ce qui me travaille avec hargne est l'expression « notre banc ». Longtemps tapis dans mon cerveau sous une couche épaisse de mouchoirs, le remord se faufile sans ménagement. Jamais je n'ai pu oublier ce banc sur la place devant le théâtre. Ce banc délavé, envahi de feuilles de platanes, de pétales, d'aiguilles de pin, a vécu la fin de notre histoire. Fin à laquelle je n'étais pas d'accord. Je ne me suis pas battu et le regrette amèrement. Dans ma vie, de nombreuses décisions ont été prises, mais celle-ci a été la pire. Elle me hante, surtout depuis mon retour dans ma ville natale.

Sur ce message, une autre chose me titille, mais je n'arrive pas à savoir quoi. Soudain une lumière s'éclaire dans ma petite tête : l'heure. Merde ! J'ai lâché cette heure sans utiliser le peu de neurones qui me restait. Mon portable m'indique qu'il est déjà dix heures trente. Le temps de tout ranger, de me préparer, de réaliser le retour (soit deux heures de route si tout va bien), ma peur d'arriver en retard grandie. Non, c'est inconcevable ! Alisée doit être en état de stress extrême, il est hors de question que j'en rajoute à cause de ma bêtise.

Je sors de ma stupeur et m'active dans tous les sens. Les meubles d'extérieur sont jetés sans précaution dans le salon et les volets claqués. Dans la cuisine, la vaisselle est faite en un temps record. À l'étage, j'arrange le lit vite fait et prends une douche qui est loin d'être apaisante ou réparatrice. Je fourre mes vêtements dans la valise, que je peine à fermer.

Après un rapide contrôle des fenêtres dans chaque pièce, la porte d'entrée verrouillée à double tour, je me dirige vers la bagnole garée en plein soleil. Je fous mon bagage sur le siège passager et démarre sur les chapeaux de roues. Tout en manœuvrant, j'attache ma ceinture et ouvre la fenêtre, ne serait-ce que pour faire rentrer un semblant d'air dans cet habitacle suffocant, le temps que la climatisation veuille bien se mettre en marche. La destination entrée dans le GPS m'informe que la circulation est fluide. Mes muscles se détendent légèrement. La radio diffuse de la musique classique que je décide de laisser. Ça me calmera ou pas.

Au contraire de moi, la voiture se déplace sereinement sur des routes entourées de collines, de hameaux, de champs, passe dans de charmants villages varois, profitant de la quiétude des lieux, jusqu'à l'arrivée en ville. L'incivilité, les klaxons, les travaux, l'impatience la rendent nerveuse. Le moteur gronde et les freins sifflent. Dans le parking souterrain, elle aura le repos qu'elle mérite.

Je descends de voiture et me résous à livrer bataille contre la canicule. À peine ai-je quitté l'ombre et la fraîcheur du garage que la fournaise m'attaque. Des gouttes de sueur perlent déjà sur mon front et dans mon dos. Difficilement, je me dirige vers le lieu de rendez-vous. Passant la haute arche qui indique l'entrée de la vieille ville, je débouche sur la place. Immédiatement, je la remarque cette apparition idyllique. Elle est adorable dans cette simple et jolie robe blanche. Je l'admire un instant, suivant le moindre de ses gestes. Je ne peux m'empêcher de sourire quand elle natte sa chevelure, ou qu'elle aère ses jambes en secouant innocemment son vêtement.

Mon dieu ! Elle me manque. Elle me manque terriblement.


FIN

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