Ce vendredi-là, d'étranges rubans de brume couraient au-dessus de Rum Cay et me renvoyaient en images éthérées au Vietnam, en cette contrée où toutes les facettes de ma personnalité se percutaient.

De l'humide brouillard-serpent dans la jungle aux fumées venimeuses qui s'échappaient du canon de nos armes après un accrochage, du soleil qui inondait les vallons et les rivières à la fournaise des bombes et du napalm que les bombardiers lâchaient sur nos ennemis.

Était-ce une chance d'être revenu de la guerre ou ma malédiction ? De ces traumatismes, je savais pourtant à quoi me raccrocher. Emily était celle qui me tenait la main pour franchir ces ombres, Papy Merrill était le gardien qui m'aidait, par l'imagination et l'écriture, à traverser ces marécages. Quant à Beatrice, elle incarnait la cristallisation du possible.