XC : La fin

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Je me connecte au serveur par la liaison satellite pour entrer les dernières données dont celles de Gabrielle. Ça va redonner un peu d’espoir à la communauté scientifique. Login : Dr.Ph Natacha Moreau ; Mot de passe : ***********. Il y en a 3 autres en ligne. Des chiffres intéressants sont à analyser dans le fil d’actu. Message rouge prioritaire de la côte Est de l’Amérique du Nord. J’upload mes rapports et j’ouvre le message. Pour les non vaccinés, 99,96% de décès à un mois chez les mâles. Le virus provoque également la stérilité chez les femmes. Coup de massue. C’est fini. Je regarde les datas. Je lance des requêtes sur le fichier. Je croise les données. Résultat : pas de stérilité chez les femmes vaccinées. J’appelle Lisa :

  • Salut Lise, je voulais savoir, tu en es où sur la vaccination ?
  • Quand j’ai fini les gars j’ai embrayé direct sur les 15-45. Tout était terminé avant le retour mission. Tout le monde est couvert, une seule dose suffit, pas de rappel, jamais. Je regarde le fichier. Ah oui, la dernière que j’ai faite c’est une 10-15, en même temps que l’implant sous-cut’ de contraception pour Tina. Info CM.
  • Merci, merci, merci. Je tape mon rapport et je te l’envoie. On te doit une fière chandelle, tu as bien fait d’insister sur ton protocole. Lisa ? Je t’aime.

Incroyable, un peu d’espoir, j’ai eu peur. Pour le reste, adieu l’humanité en général. Tu parles d’une extinction de masse, elle n’y va pas avec le dos de la cuiller cette fois-ci la Nature, ou le virus chinois. Je tape mon rapport. J’envoie à Lisa et en copie à la cellule de crise avec proposition de mission de vaccination sur le château des réfugiés britanniques. Envoyer. Je me lève et je vais entrouvrir la fenêtre pour respirer un peu d’air frais et fermer les yeux. J’entends des cris. Je les rouvre. Je cherche. C’est en bas, près de la roulotte, les cousines et Pauline font une bataille de boules de neige avec le peu qui est tombé au lever du jour. Elles font coucou à la tour carré. C’est pour le balcon de Gabriel. C’est qui avec lui ? Ce n’est pas Simone… C’est la jeune princesse ! Je mets les deux mains sur la vitre et je m’entends m’exclamer :

  • Mon bébé !

Ça y est, c’est passé, il a tourné la page, je suis fier de lui. Quel talent ! La princesse, tout de même, elle vient à peine d’arriver. Ou alors c’est elle qui lui a mis le grappin dessus ? Brave fille, je l’ai à peine croisée. Il faut que je fasse plus ample connaissance. Comment elle s’appelle déjà ? C'est la fille de Charlotte. La seule. Les deux autres garçons n'ont pas survécu. Une hécatombe monarchique. Pauvre petite ... Frances !

Lisa

Patrice est passé jouer les gourous mais les résultats d’examens sont toujours aussi mauvais. Si Noëlle ne s’y était pas mise aussi, il serait déjà mort. Mais le maire va y rester. Je vais attendre que Noëlle et Solène viennent le voir cette après-midi pour leur annoncer. Ça me laisse le temps de le prévenir lui, dès qu’il se réveille. Ensuite je parlerai à Chloé, elle est déjà là dans la chambre de Noël. Lui il va bien. Tout comme Thomas qui est déjà sorti. Le maire se réveille. J’y vais. Habillage cosmonaute. J’entre dans le sas pour une couche supplémentaire de protection. J’entre dans la chambre. Il me regarde, il sait :

  • François, je vais isoler le lit pour qu’elles puissent plus facilement accéder ici, toutes les trois. D’accord ?

Il n’a pas la force de parler, il fait un signe de la tête. Je fais descendre le dispositif, une bulle autour du lit, un accès sécurisé à sa gauche, pour deux bras. Pressurisation, le voyant passe du rouge au vert. J’enclenche l’aspiration de l’atmosphère de la chambre. Ma combinaison gonfle. Deuxième voyant vert. Les portes du SAS s’ouvrent, j’enlève ma combi. Je m’approche et j’allume le pousse seringue. Il pourra leur parler avec ce petit remontant. J’essaye l’accès avec les bras. J’entre, je lui prends la main, je sens sa chaleur. Il me regarde et je pleure, car je repense à Dominique Lambert. Je respire, ça va mieux. Il me sert la main. Je lui fais oui, ça va. Oui, tu vas mourir.

  • Elles vont venir te voir. Je vais d’abord prévenir Chloé, elle est à côté avec Noël, il va bien.

Ce soir je ne serai pas là. Je les laisserai seules avec lui et leurs derniers instants.

  • Adieu, François.

Je retire mes mains, mes bras et je passe le lit en automatique. Je vais prévenir Natacha. Dès que possible, je rentre à mes appartements. Je décompresse. Je me prépare. Et dès qu’Alexeï arrive, je lui fais l’amour.

Noëlle

Chloé sort en pleurant, je la serre dans mes bras. C’est à mon tour. Je m’installe, il me sourit et lorsque je lui prends la main il annonce :

  • Merci pour toutes ces belles années.
  • Ce fut un plaisir de te faire plaisir. Et merci à toi, pour Solène, elle est merveilleuse. Je serai toujours là pour Chloé. C’est bon, tu peux y aller. On se reverra dans l'Invisible. Ton enveloppe charnelle va me manquer. Mais bon, c'est comme ça, c'est le jeu, il faut l'accepter. On est pas immortels.

Mais les larmes me montent. Je presse sa main, lui aussi. On reste un moment sans rien dire. Juste à se regarder, ça suffit. Solène arrive derrière, je lui laisse la place et je rejoins Chloé. Ensuite on le veillera, toutes les trois. En attendant, j’appelle sa femme à Besançon. Elle est à l’abri à la citadelle. Je lui avais promis de la prévenir en cas de problème. Et je programme la liaison téléphonique pour qu’elle puisse l’appeler directement ensuite. Tout d'un coup je me sens seule. Je vous ma vie sentimentale défiler. Noël, Aurélie, monsieur Pasquier, François, Chloé, Florence, ma couche est désormais froide. Florence, elle s'est tellement impliquée avec Ludo et Clara. Clara. Celle que j'ai vengée. Qu'est-elle devenue la pauvre petite ? Je ne l'ai jamais rencontré en vrai. pouquoi je pense à elles tout d'un coup ? Je reçois un message du bureau des nouveaux arrivants. Florence vient d'arriver en zone de quarantaine. J'y coure. Je la vois derrière la vitre. Elle me voit, on pose nos mains l'une contre l'autre sur la paroi transparente. On se regarde. Ses beaux yeux verts. Interphone, je parle :

  • François est en train de nous quitter.
  • Nous, on a perdu Ludo au châtelet. J'ai ramené Clara. Elle est encore en déconta.
  • Je vous prépare les accès. Et vos appartements.
  • Je suis contente de te retrouver Noëlle. Tu te souviens au Parc de la Collombière ?
  • Oui, on s'est tenues les mains. Soeurs de sang , toujours là l'une pour l'autre.
  • Quand j'ai perdu Ludo tu étais ma seule destination possible dans cette fin du monde.
  • A la vie.
  • A la mort.
  • A l'amour. On s'appartient, Flo. Je suis à toi.
  • On se doit tout.
  • Oui.

Thomas

Hélène veut me voir. Elle entre dans mon bureau, vu sa tête je dois déconnecter ma visioconférence avec Paris. Elle me dit :

  • Chloé vient de me prévenir. C’est François. C’est bientôt la fin.
  • Il est encore conscient ? Tu crois que je peux y aller ?
  • Je ne sais pas. Allons-y.

Toutes les dispositions sont déjà prises mais j’aimerais juste le voir une dernière fois, que nos regards se croisent, ça suffira. Je pourrai rester derrière la vitre.

  • On peut rentrer dans la chambre. Ils ont mis le lit sous bulle.
  • Hélène, tu entends encore mes pensées.
  • Oui. Dans les moments un peu tendus.

Elle rit. Je viens de penser que j’avais envie de lui bouffer le cul. C’était juste pour vérifier. Ce n’est pas vraiment le moment. Mais ça nous fait rire, vaut mieux arriver dans cet état d’esprit à son chevet. Elles sont toutes là, d’un signe je leur dis de rester. Je le vois. Il me voit. Il me fait un clin d’œil. Je lève le pouce et je fais oui. Tout est OK à Paris. À l’hôtel du Chatelet ils sont en train de décider de la zone à préserver autour de Paris. Je tractionne pour que Dijon reste un relai à considérer pour atteindre Lyon en cas de besoin. Un monde d’après qui n’aura sans doute pas lieu mais il faut tout prévoir et gouverner, c’est prévoir. Il est rassuré. Content. Il peut partir tranquille. Et nous rester sans lui, reprendre le flambeau, guider mais aussi être guidé, par ces femmes qui sont là depuis le début et qui seront là aussi sans nous tout à la fin.

Patrice

Je suis le fils du Père Simon. Je pensais l’avoir choisi par hasard. Ma mémoire est défaillante, peut-être manipulée. Mais mes pouvoirs sont bien réels. Mon mystérieux grand-père combattait les vampires. L’évêque était déjà dans les parages. Il me manque des éléments de l’histoire. Certains même s’effacent, je l’ai découvert dans les brouillons de rapports pour le Vatican. Tout n’est pas clair. Mais dans le doute, je fais de mon mieux, je fais au mieux. J’essaie de bien faire. De ne pas faire de mal. Très tôt j’ai été sensibilisé à ça, déjà dans une ambiance étrange où l’on n’a pas tous les éléments. Ma formation religieuse a eu lieu près de la frontière suisse à la grande époque de l’OTS, Ordre du Temple Solaire. J’ai pu leur échapper, je ne sais pas comment, j’ai été sans doute protégé, exfiltré, ma mémoire me fait défaut déjà sur cette époque. Natacha n’en peut plus de me voir disparaître et réapparaître. Et j’étais où ? J’ai oublié. Sinon je suis pasteur protestant et ingénieur chimiste. Je travaille pour le gouvernement, la DGA. Et je suis un exorciste officiel du Vatican. Entre autres fonctions occultes. Après il doit y avoir d’autres choses en plus, plus importantes que j’ignore ou que j’ai oublié. Schizophrénie ? Maladie mentale ? Bref. Pour en revenir au début, ma rencontre avec Aline n’est pas un hasard. Je me suis beaucoup impliqué. Je l’ai aimé. Elle m’a demandé d’aider la mère d’une de ses patientes. Là j’ai découvert une secte primaire et glauque comme celle dont j’ai échappé. La mère d’Aurélie était malade, elle était aussi embrigadée et complice des rituels de viol de son mari sur sa fille. Je ne juge de rien. J’ai juste fait ma mission, essayer de les sauver. J’ai éloigné le père, j’ai aimé la mère, j’ai sauvé la fille. Mon seul repère fiable dans tout ça, il est dans l’Invisible, c’est l’Amour. Pour ma famille. Pour la tribu.

Aurélie

OK, je l’ai fait. J’ai réussi à m’en sortir. J’ai eu plusieurs nouvelles vie, de belles existences et je me bats aujourd’hui pour la dernière, notre dernière à toutes, sans savoir ce qu’il adviendra, nous ne seront pas témoin du dernier jour de l’humanité, la fin se fera sans nous. Après la souffrance et la haine, dès que j’ai rencontré Aline je n’ai connu que le bonheur et l’amour. Nous nous définissons tous par nos rencontres. Et comme l’a si bien dit Jorge Luis Borges : « Chaque personne qui passe dans notre vie est unique. Elle laisse toujours un peu d'elle-même, et s'en va avec un peu de nous. Certains peuvent prendre plus que d'autres, mais aucun ne peut ne rien laisser. » Mon père, ma mère, Patrice, Aline, Noël, Gabrielle, Noëlle, Marwah, Simone, Chloé et puis les autres de la communauté survivaliste et ceux des sociétés secrètes, aussi puissants que nous sommes, nous ne sommes rien face à la décision de la Nature de nous anéantir. Et pour ne pas m’être battue dès le début, je me battrai jusqu’à la fin.

Aline

J’ai 67 ans, il en a 82. J’ai toujours aimé les papys. À 20 ans je m’occupais déjà d’un papy, je l’ai fait pendant des années, on a été très proches, c’était le grand-père de Thomas. Voilà maintenant plus de 20 ans que je vis avec un autre papy, c’est le grand-père d’Abigaëlle. Maintenant que le maire est mort, il devient le doyen de notre communauté. Je l’aime mon petit papy. Toujours à plaisanter, à m’accorder du temps, de l’attention, de la tendresse, de l’amour. Notre passion est intacte. On a adoré notre vie modeste à Dijon. Maintenant nous voilà dans un grand château à la campagne avec toujours notre petite Pauline dans les parages. Elle s’est installée dans une roulotte avec les cousines. Elles ont l’air heureuse dans cette fin du monde. Depuis cet été à l’abbaye en 1997 jusqu’à ce jour au cimetière avec Chloé où l’on a dit au revoir à nos princesses, j’ai été hanté par une ange blanche qui est retournée chez elle, dans sa lignée et que je retrouve maintenant ici, dans ce château. La princesse Frances s’est trouvée un Gabriel et ils vivent un compte de fée dans un décor approprié. Et il y a Aurélie, cette pauvre petite que j’ai vu arriver dans mon groupe de paroles sur les enfants abusés. Dès le premier confinement de Macron en 2020, je l’ai récupéré près de moi, je l’ai accompagné dans sa vie avec tout l’amour dont elle avait besoin et dont elle s’est nourrie, je lui ai envoyé mon ex, je lui ai même donné mon fils avec qui ils ont eu Gabrielle. Avec Aurélie, nos âmes sont liées à plusieurs niveaux, bien plus que mes propres filles. Et j’ai pour elle un amour inconditionnel. C’est avec émotion que je me rappelle le chapitre 3, son nouveau départ, on quitte la maison de l’horreur, on la ferme et elle se réfugie dans mon carrosse où elle voit pour la première fois mon petit Noël. On s’est inventé ensuite un monde d’après elle et moi, dans cette cuisine à préparer les repas, à discuter, à se réconforter, à s’aimer, elle a comblé le vide de l’absence de Thomas qui était si loin, si longtemps en formation. Heureusement que j’avais Aurélie pour m’aider, pour gérer les enfants, pour me soutenir, on s’est trouvées et on ne s’est jamais quittées, on est plus que la famille. Depuis ce temps je la sens en moi, je ne me sens jamais seule. On est connectées. Dès qu’elle a emménagé chez nous on méditait sur le lit, main dans la main, à discuter doucement, c’était des moments forts qu’on renouvelle dès qu’on le peut, à l’abri des regards, dans notre intimité à nous. Je lui donne tant d’amour, elle en provoque tellement en moi, on sent comme une fusion de nos âmes.

Et à tous ceux et toutes celles que j'ai aimé, avec qui j'ai ri et pleuré, à mes enfants que j'aime, à mes petits enfants que j'adore, et au dernier grand amour de ma vie, Sophie, mon alpha et mon omega, celle avec qui on est allé au delà de tous les possibles, notre immaculée conception qui a changé le cours de nos destins. A tous je souhaite le meilleur bonheur possible et que mon amour pour eux reste en eux et en diffuse d'autres au delà du temps, au delà de mon temps, comme un héritage à l'Humanité, dans la nouvelle ère gynecène de la sixième extinction de masse comme l'a décidé la Nature, la science ou les deux. Que votre esprit soit en paix, prenez soin de votre âme et de celle qui l'accompagne peut-être, restez à l'écoute de votre moi intérieur, fermez les yeux et respirez calmement, écoutez les battements de votre cœur, imprégnez-vous des ondes qu'il propage en vous et chez l'autre, c'est votre raison de vivre et d'aimer, comme mon cœur bat pour vous, vous avez tout mon Amour, c’est votre histoire, c’est l’Invisible.

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