94 - La station 21

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Pour suivre la logique de découpage territorial napoléonien, chaque département a le droit à sa station survivaliste. Même si la Révolution est passée par là et que les numéros sont apparus par la suite, l’esprit de départ a été retenu, il faut pouvoir parcourir tout le territoire en un temps donné, à cheval, pour collecter l’impôt ou autre, ce fut la référence de surface choisie pour créer les départements. Et aujourd’hui on a les stations. Dans chacune il y a au moins deux couples, de préférence séparés, le plus possible suivant la logistique disponible. Chacun à ses missions d’attribuées et un profil spécifique même si leur formation a un très grand tronc commun.

Aurélie

Je suis la cheffe de station 21 depuis le centre opérationnel du Nord Ouest. J’ai recruté deux couples hétéros complémentaires parmi la communauté survivaliste. J’ai bien connu leurs parents à tous, la plupart de façon intime d’ailleurs. Un premier couple à petit gabarit physique, l’autre grand, pour des raisons techniques d’intervention sur le terrain et autres.

Je les appelle pour les féliciter et avoir un premier RETEX oral :

  • C21 du CONO pour contact.
  • Équipe 2, au rapport.
  • Félicitations les petits. Où sont les grands ?
  • À la maintenance du chauffage. Merci Aurélie.
  • Bravo pour le détournement du missile.
  • C’est les grands. Nous on était en contact avec l’équipe de Greta, c’était des francophones, on les a guidé à distance avec la station 25.
  • Oui j’avais donné le pouvoir de décision à Pauline et Valentin, aucun souci. Quand c’est une demande de Greta, pas la peine de passer par moi, mais il faut rendre-compte à PV, OK ?
  • Reçu.
  • Sinon j’ai une bonne nouvelle pour vous. On a une mission de reconnaissance à l’extérieur.
  • Pour les petits ou les grands ?
  • Les deux, d’abord les grands. Il s’agit d’aller à l’écluse 71.
  • C’est super Aurélie, mais dehors il fait -10°C et il y a un mètre de neige, ils vont en baver.
  • Ah bon, depuis quand ? Je n’ai pas vu ça sur le dernier relevé. Et en Suisse il faisait bon.
  • La Suisse, c'est loin. Ici ça fait 4 jours que ça tombe, la neige et la température. C’est pour ça qu’on vérifie le chauffage, pour les hangars au dessus.
  • Oui, justement, il y a la moto neige dans le hangar 3 mais elle est stockée en hauteur.
  • On avait fait un essai avec la rampe, on peut la descendre.
  • Je vous envoie le dossier de mission à planifier, il n’y a pas d’urgence, on attend quelqu’un à l’écluse mais vu les conditions météo elle n’est sûrement pas encore arrivée.
  • OK. On a reçu. Je transferts aux grands. Sinon, Aurélie, on a un problème, ça peut compromettre la mission. On a une solution aussi.
  • J’écoute.
  • Je suis seule en ligne.
  • Angélique ? Un problème avec Nicolas ?
  • On ne se parle plus. Chez les grands c’est pareil. En fait, on voudrait changer. Échanger les couples. Il parait qu’il y a une procédure pour ça.
  • Que s’est-il passé ?
  • Au début tout allait bien. C’était le rêve. Puis on s’est vite lassés. Des tensions, des engueulades. Ça ne fonctionne plus. J’en ai parlé à Olivier, on communique un peu en privé. Lui c’est pareil avec Giulia.
  • Ah. Bon. Il y a une procédure effectivement. Phase 0 : vous vous dites adieu. Phase 1 : c’est lui qui part et c’est l’autre qui vient. Il faut qu’ils déménagent. C’est aux mâles de changer de territoire. Phase 2, vous me rappelez quand c’est fait. Non, en fait, comme tu es chef de station en mon absence, je t’envoie la suite de la procédure que vous n’aurez qu’à la suivre dès que les déménagements seront effectifs.

Angélique attend que l’équipe 1 rentre de maintenance et leur annonce la procédure. Nicolas refait surface :

  • Nicolas ? Adieu. Prends tes affaires et dégage. C’est un ordre.

Il s’exécute. Salle de bain, chambre, bureau, le chariot se remplit. Il s’arrête devant la salle de com où Angélique veille :

  • Je pourrai repasser au local technique ?

Elle se lève et vient lui faire une bise sur la joue.

  • Bien-sûr. Bonne chance. Je suis désolée.

Ils se regardent longuement, c’est lui cligne des yeux en premier et il part, il a perdu. Elle court à la salle de bain se faire toute belle avant qu’Olivier arrive. Ils se croisent dans le long couloir à l’éclairage vert. Ils s’arrêtent pour discuter :

  • Elle n’aime pas quand c’est tiède. Le manger.
  • Bon courage, elle est ultra bordélique. Je passe mon temps à ranger.
  • Canal 234, tu peux laisser des questions après le bip.
  • J’ai failli l’étrangler, elle ne voulait pas me rendre la bague. Il était temps de changer.
  • Tu serais déjà mort avec Angélique.

Nicolas

Lorsque j’arrive au sas, je l’aperçois derrière le hublot. Elle m’attend. J’ouvre la porte, elle s’essuie le visage et se tient la main gauche. Je m’approche, je lui prends son doigt blessé et je l’embrasse. Puis je l’assois pour pouvoir atteindre son cou et je lui fais un petit bisou aussi. Elle se détend.

  • Tu as l’air gentil. Et doux. Ça me plait bien.
  • Tu es vraiment une belle femme.

Carillon de la sono, c’est Angélique qui parle : « Dans le coffre, enveloppe P.A.I., suivez les instructions, terminé. »

On s’exécute. Ouverture du coffre avec chacun sa clé. Lettre P, première enveloppe, c’est la bonne. A l’intérieur il y a un sachet d’herbes séchés et de la poudre. Et une recette à suivre. Infusion, dilution de la poudre, deux petits verres, on trinque, et on boit doucement en se regardant dans les yeux. De la chaleur, des lumières magnifiques, et Giulia devant moi. Je m’approche, je l’embrasse doucement sur la bouche, puis plus fort. Elle se déshabille. Moi aussi. Elle a des seins magnifiques, bien lourds, je les pèse, je les lèche. Je m’enfouis le visage dedans. Je me retrouve dans ses bras, elle me porte, elle est grande, elle est forte, elle me dépose sur le lit dans la chambre et on s’aime en silence. J’admire ses longues jambes, elle se retourne et je découvre ses fesses énormes, tellement confortables, je m’y installe en m’agrippant à ses épaules si loin, elle se met en position et me laisse entrer en elle, je lâche ses épaules, je cherche les mamelles qui pendent et qui dansent, je les malaxe et mon visage tombe entre ses omoplates, je bave de plaisir.

De l’autre côté, Angélique en est encore à exposer ses conditions à Olivier qui est le seul à préparer les philtres d’amour. Pourquoi un I ? Ou alors c’est le chiffre 1 en romain ? Dès qu’elle boit elle se tait. En revanche, lui se met à parler :

  • Ma petite lolita, je vais t’habiller comme une poupée, avec une jolie robe blanche et des petites chaussettes, pas la peine de mettre de culotte. Je peux te faire des couettes ?

Elle se laisse faire, en silence. À la fin il l’installe délicatement sur le lit, il lui soulève sa robe, lève ses jambes, baisse son pantalon et vient doucement tâter le terrain lorsque qu’elle lui saute dessus, le retourne avec une prise de judo et le chevauche doucement, à son rythme à elle.

Le lendemain matin, ils sont convoqués en visio et Aurélie leur explique que le philtre est une nouvelle formule expérimentale réservée aux stations. Elle leur demande leurs impressions. En effet, c’est le I de l’Invisible, la poudre était un concentré de fluides, de ses fluides à elle, sans préciser lesquels, en tout cas pas du sang. Mais pour l’instant ils sont encore dans le brouillard. Les doses étaient peut-être un peu fortes. Et le premier contact avec le philtre est toujours très intense. En espérant que la poudre de réceptivité n’ait pas décuplé les effets. En tout cas Angélique n’a plus rien à dire, elle regarde juste amoureusement son bel Olivier. L’expression du visage de Giulia a beaucoup changé aussi. Ses traits sont moins tendus. Elle se sent pleine de désir. Dès que Aurélie prononce « terminé » elle entraine son petit au lit et l’installe entre ses jambes, il ne tarde pas à s’affairer. Dehors la neige continue de tomber dans la pénombre de midi. Aucun bruit. Aucun signe de vie, alors que sous terre, des petits cris de lolita se mélangent aux râles du petit Nicolas, en stéréo, chacun de leur côté dans leur nouveau paradis intime. Trois jours plus tard, quand Aurélie les recontacte, ils ne sont toujours pas en état. Elle se connecte ensuite sur le réseau des chefs de station pour connaitre les RETEX de ceux qui ont déjà ouvert l’enveloppe. Il y a 7 autres stations, aucune de BFC. Apparemment il faut attendre une bonne semaine avant de retrouver du personnel opérationnel. Il faut certainement réajuster les doses. La plupart des fluides viennent de Noëlle en plus. Aurélie a donc bien fait de proposer les siens pour les stations 21, 25, 39, 58, 70, 71, 89 et 90, mais elle ne les a pas autant dilué que ceux de Noëlle. Aurélie n'insiste plus, elle ne rappelle plus la station 21. Car Dominique donne signe de vie au kilomètre 167 de l'autoroute A6, à l'aire de Venoy. Elle n'a pas pu aller plus loin. Elle est prise en charge par la station 89.

Dominique

Je veux les ramener à la maison, à l'écluse. La météo m'en empêche. Je les laisse donc là, c'est pas si mal, on s'arrêtait à chaque fois ici en rentrant à Dijon. Ce n'est pas mon côté préféré de l'aire alors l'équipe 1 de la station 89 m'aide à passer dans l'autre sens. On va derrière l'hôtel pour sortir les caissons du camion et les installer sous un arbre, orientés vers le nord. Ils seront bientôt recouverts de neige. L'endroit a du sens. C'est dans cet hôtel qu'on a conçu notre fils, un jour où en rentrant sur Paris on a pas eu le courage d'aller jusqu'au bout et on s'est arrêtés dormir ici. Ils vont dormir ici. Adieu ma famille. J'attends que l'équipe 1 parte pour pleurer sur les caissons enneigés de mon mari et de mon fils. J'aurais aimé dormir une dernière fois à l'hôtel mais je dois remonter vers le nord pour ne pas être bloquée par la météo. J'étudie le parcours et les escales pour bifurquer sur l'ouest et aller retrouver Déborah.

À la station 21, Angélique se connecte à l'écluse 71 et vérifie les connexions. Il y en a une en cours. Comme la mission est annulée, elle coupe l'appel visuel programmé par la zone de quarantaine de Castle 2. À l'intérieur de la maison vide, les lumières rouges cessent de clignoter.

Ground control to Major Tom
Ground control to Major Tom
Lock your Soyuz hatch and put your helmet on.
Ground control to Major Tom
Commencing countdown engines on
Detach from station and may God's love be with you
This is ground control to Major Tom
You've really made the grade
And the papers want to know whose shirts you wear
But it's time to guide the capsule if you dare
This is Major Tom to ground control
I've left forevermore
And I'm floating in most peculiar way
And the stars look very different today
For here am I sitting in a tin can
Far above the world
The planet Earth is blue and there's nothing left to do
Though I've flown one hundred thousand miles
I'm feeling very still
And before too long I know it's time to go
Our commander comes down back to earth, and knows
Ground control to Major Tom
The time is near, there's not too long
Can you hear me Major Tom?
Can you hear me Major Tom?
Can you hear me Major Tom?
Can you
Here am I floating in my tin can
A last glimpse of the world
The planet Earth is blue and there's nothing left to do

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