96 - La Top Cheffe et la meilleure pâtissière

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Dans la zone confinée du hangar, nous activons la cuisine. Ça mijote, on coupe les légumes, on les jette dans une casserole, elle me fait goûter une sauce avec son doigt et elle sourit, elle est tellement belle quand elle n’est plus triste, ma poupée vaudou de conjuration, il suffisait juste qu’elle porte son prénom, Déborah. Là, à cet instant, quand je regarde ses yeux pétiller et demander si j’aime, je me sens heureuse et légère comme jamais, enfin, quelque chose de puissant se passe en moi, l’Amour se répand et efface toute douleur sur son passage, une anesthésie générale sous emprise de Déborah. Un signal sonore se fait entendre, il y a des informations importantes pour nous, on doit retourner en salle de com. On se fige, on se regarde quelques secondes, peut-être une minute, on aimerait rester là elle et moi pour toujours dans cet instant. Elle me tend la main. Je l’attrape et je l’amène tout entière à moi pour la serrer dans mes bras et aller sentir sa nuque, je me concentre pour mémoriser son odeur que je veux en moi, ma Déborah. Elle se libère et court en salle de com. Je mets tous les plats en veilleuse pour les garder au chaud. Je pose les mains sur la table, j’ai besoin de souffler un peu. Je la rejoins en m’essuyant les mains sur mon tablier. C’est la voix de Lisa à l’intercom :

  • Elle est arrivée ce matin, elle sort de la salle d’examens. Tout va bien. Je n’ai rien détecté mais il faut tout de même attendre un jour ou deux en fonction du traitement et des rappels de vaccins.
  • Est-ce que je peux lui parler ?
  • Elle sera derrière la vitre numéro 3 dans cinq minutes.

Je m’approche de Déborah pour lui tenir la main. Elle se jette dans mes bras et me serre fort. On s’approche de la vitre opaque et on attend. On se voit en reflet dedans. Main dans la main avec nos tabliers tachés. On se regarde. Je vois sa tête s’approcher de la mienne et je sens un bisou sur la joue, un autre sur le coin de ma lèvre et je lui rend en goûtant à sa lèvre supérieure puis je lèche l’inférieure et nos langues se mettent à glisser l’une sur l’autre. On arrête et on se remet droite et face à la vitre en entendant le bip de présence en salle 3. La lumière rouge indique que l’opacité va s’évanouir. On se lâche la main et Dominique nous apparaît.

  • Maman !
  • Ma petite fille !
  • Bonjour Dom. Je me suis confinée avec elle. Je ne voulais pas la laisser seule.
  • Bonjour Nat. Merci.
  • Je vais vous laisser, j’ai du travail en cuisine.

Et je m’éclipse. J’entends juste Dom expliquer à Deb qu’elle n’a pas pu aller jusqu’à l’écluse. Je les laisse faire leur deuil. Il nous reste un jour ou deux avec Deb, ensuite je passerai le relais à Dom et je vais sortir voir à quoi ressemble la vie sans l’âme de ma jumelle en moi.

Une heure après, on a réussi à faire passer un plateau en salle 3 et on dîne toutes les trois en expliquant le plat en buvant du bon vin de Bourgogne, un Chambolle Musigny.

  • Demain matin je propose de faire un gâteau, c’est moins amusant à cuisiner, c’est de la chimie avec des doses à respecter, il n’y a rien d’instinctif contrairement à la vraie cuisine.
  • A propos de chimie, j’ai récupéré tout un stock de médicaments qu’ils avaient en trop à la station 35. Ils sont partis en salle de tri. Lisa a commencé à ranger.
  • OK, je verrai ça dans un jour ou deux. Ou vous voulez que je vous laisse dès maintenant ?
  • Non, Nat. Maman si tu le permets j’aimerais qu’elle reste avec moi jusqu’à que tu puisses me rejoindre.
  • Pas de problème. Qu’est ce qui se passe entre vous ?
  • Rien.
  • Ouais, ouais… En tous cas je suis contente d’avoir pu arriver jusqu’ici. J’ai eu de la chance. Je pense qu’on va être heureuse toutes ensemble. J’ai hâte de visiter le château.

Le soir dans le lit avec Deb on discute. Je lui demande :

  • Tu crois qu’elle se doute de quelque chose ?
  • De quoi ? Il ne s’est rien passé du tout.

Et elle vient se blottir contre moi. Elle n’a qu’une légère nuisette en soie, tellement douce et chaude. Je la laisse me caresser les jambes et les seins, je la laisse m’embrasser. Je la laisse... 

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