La petite librairie

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Lorsque je rencontre François je lui sers la main et je sens tout de suite son talent, son parcours brillant, lui enfant abandonné tout petit et adopté par un comptable et sa femme. Je sens également l’Invisible en lui qui l’a peut-être guidé là où il est. Pour plaisanter, je lui demande comment va Delphine, sa compagne qu’il vouvoie dans les contextes officiels ce qui a l’air de choquer ses collègues. J’ajoute que je comprends tout à fait et qu’il eut été incongru de faire autrement et de priver une grande romancière de sa grande librairie. On rit et il commence l’entrevue :

  • Alors, comment en êtes-vous arrivé à l’écriture ?
  • J’ai fait toute ma carrière dans l’image, j’ai écrit avec mon appareil photo, un langage non parlé. Et puis il y a eu des rencontres, en fin de carrière. D’abord une plume qui commentait mes photos ou plutôt c’est moi qui illustrais ses articles.
  • Vous le racontez dans ‘Ma déclaration’.
  • Oui, un défi sur Scribay, ce réseau social collaboratif d’écrivains, c’est là qu’est né l’Invisible. Et puis à ma dernière affectation, mon dernier poste, mon dernier métier de l’image m’a amené en salle de rédaction d’un magazine à Paris dans un grand ministère. J’étais en open space avec de jeunes journalistes de presse écrite, pleins de talents, je m’en suis imprégné. Lorsque j’ai démissionné pour prendre ma retraite et que j’ai fait mon discours de départ ils ont décelé quelque chose et m’ont encouragé à écrire. Et j’ai découvert Scribay par hasard, par mots clés dans la recherche de google. Je suis d’abord tombé sur Wattpad mais je n’ai rien compris. Alors je suis allé sur Scribay.
  • Donc, l’Invisible, un roman faits de nouvelles et de défis Scribay. La présentation de l'œuvre commence par une citation du Président de la République François Mitterrand lors de sa dernière allocution télévisée et le lien est fait avec Emmanuel Macron qui confine le pays avec un monologue que vous avez filtré dans un autre défi d'ailleurs : "nous sommes en guerre".
  • Tout à fait, comme je le dis dans la présentation de l’œuvre, tous les personnages finissent liés dans l’Invisible, y compris ceux de certaines nouvelles que j’ai publié sur la plateforme. Il y aura des allusions à ces deux présidents au cours des chapitres. Car le premier est carrément dans l'Invisible et il le déclare, l'autre passe toute sa carrière à hypnotiser son monde.
  • Et I.S.A. parcours les genres, aussi bien littéraires que ceux des personnages eux-mêmes. On est dans le fantastique mais il y a des ambiances autres, l’amour, l’érotisme, le sexe mais aussi la religion, la morale, des philosophies de vies, et on rit, on pleure, on est choqué où on se pose des questions existentielles.
  • Oui j’ai dû multiplier les personnages pour couvrir tout ce que j’avais à dire.
  • Et il y a un personnage qui apparait petit à petit, qui n’est pas humain mais tout aussi expressif et qui sert de décor à l’intrigue, la ville de Dijon.
  • Oui, on par d'une histoire un peu vague et abstraite qui devient plus précise, il fallait donc un lieu exact.
  • Et on est ancré dans le présent mais ça glisse dans le futur.
  • Oui, quand les personnages sont au contact de l’Invisible, le passé, le présent et l’avenir se confondent, c’est ce que j’ai fait ressortir aussi dans l’architecture des chapitres.
  • Des chapitres qui se répondent du début à la fin et tout commence à une date précise. Et il y a plusieurs débuts, et il y a plusieurs fins.
  • Oui c’est dû à la fusion de I.S.A. et des nouvelles qui en sont à l’origine. Car tout part d’un défi lancée par Plumeplume, il fallait écrire une histoire d’amour de Noël, ça a créé les personnages de « sous le sapin » que j’ai finalement intégrés, leurs personnages commencent à arriver dès le chapitre 2, le défi de la nouvelle en elle-même est condensée au chapitre 72.
  • Les personnages, certains existent ?
  • Oui je vais avoir des problèmes avec ceux qui se reconnaitront, à la mairie de Dijon, ma belle –famille, mes amis, le lycée Carnot et j’en passe. L’inspiration, j’en ai à revendre, je rêve de connaître l’angoisse de la page blanche ou autre, mais l’imagination c’est quand même mieux, j’ai peur d’en avoir manqué et d’avoir mis trop de moi ou des autres dans l’histoire. D’ailleurs je me suis même mis dedans avec Jean-Paul pour aller à la rencontre de mes personnages et laisser ma signature anonyme dans les piliers de l’intrigue avec quelques messages qui s’adressent à celles qui se reconnaitront peut-être.
  • Et pour les autres personnages ?
  • Aline existe vraiment, tout comme Aurélie, mais entre ce que je perçois d’elles et ce qu’elles sont vraiment, il y a une couche d’idéalisation.
  • Qui d’autre existe vraiment ?
  • Marie Matignon, le maire de Dijon, le père Simon, après pour Noëlle je me suis inspiré du rôle de Linda Blair, la fille du film « l’exorciste » de 1973, et puis d’autres qui se reconnaitront ou pas, j’espère que non, je ne veux pas d’ennuis. Après tout, on a l’alibi de la fiction, non ?
  • Et pour l’intrique, tout commence début 2020 et ça dure entre 15 et 20 ans, pourtant c’est raconté au présent.
  • Oui le passé, simple ou composé et l’imparfait, ça met comme une distance par rapport à l’action. Au présent, on est plus dedans, on est plus près, et comme ce n’était pas encore suffisant à mon goût, les derniers chapitres sont carrément à la première personne pour être encore plus en immersion dans l’histoire.
  • Mais au début les chapitres ont très courts.
  • Oui je voulais que ça avance vite, il n’y a pas de descriptions, c’est limite du résumé de synopsis, au début je voulais même tout faire en phrases chocs, en punchlines. J’avais tout en tête jusqu’au chapitre 25 et je voulais y arriver le plus vite possible, quitte à revenir sur les chapitres par la suite. Et je voulais que l’histoire avance juste par quelques scènes de vies, toutes simples. Qu'on puisse lire un chapitre sur un smartphone sans scroller. Qu'on puisse lire un chapitre entre deux stations de métro. Mais avec les dialogues, ça prend de la place et la conversation ça ralentit tout, ce n’est pas assez précis, on a juste l’audio et pas le ressenti à moins de s’alourdir de descriptions, c’est compliqué à écrire les dialogues qui ont du sens. Alors j'avais choisi cette forme de narration pour rentrer dans l'histoire, comme si c'était quelqu'un qui spoilait l'intrigue, comme un conte, où le lecteur doit faire un effort, doit s'impliquer pour aller plus loin, il y a un parcours initiatique à faire, c'est dans l'esprit de l'ensemble.
  • Sinon à un moment il y a une franche bascule vers l’érotisme et le sexe, vers la science fiction aussi, de l’espace au centre de recherches en Suisse en passant par quelques scènes à Paris, beaucoup de mélanges de genres dans l’histoire comme dans les personnages.
  • Effectivement il n’y a pas qu’une seule étiquette à mettre sur ce roman. C’est dans l’air du temps, pour tout. Il faut que ce soit varié, qu’on ne focalise pas sur un seul élément. Sinon il y a des chapitres qui n’apparaitraient pas, que j’ai longtemps hésité à mettre en ligne. C’est un peu juste parfois je trouve, osé, choquant. Parce que les histoires et les personnages qu’on écrit, on les vit, on les ressent, j’ai ri et j’ai pleuré avec eux, j’ai été choqué et j’ai été excité avec eux, après ils m’ont un peu harcelé alors j’ai eu du mal à faire une seule fin, ils revenaient toujours à la charge avec de nouvelles idées à mettre en chapitres. Le syndrome de la page noire où il faut absolument que ça sorte. J’ai réussi à semer les personnages et leur destin dans les limbes du futur.
  • En Bretagne, dans un contexte de suite avec une nouvelle génération qui a l’air d’avoir des choses à faire et à dire.
  • Oui, on verra, quand je les rejoindrai dans le futur, en attendant je suis à l’abri dans le passé à moins que je sombre dans l’Invisible pour les rejoindre.

Bernard Pivot peut mourir tranquille, la relève est prête. Mais on est tellement nombreux à tellement écrire, qui peut nous lire, qui en a le temps ou l’opportunité ? Heureusement que Scribay existe, ça permet quelques premières interactions. Mais je suis un mauvais membre, je n’aime pas lire, c’est peut-être dû à un traumatisme évoqué dans « 1988 ». Mais pour compenser j’aime écrire, mêler réalité et fiction pour une liberté en textes et prétexte à tous les possibles, dans l’Invisible. Que la plume soit avec vous, et avec votre esprit, dans la petite ou dans la grande librairie de vos œuvres, dans la grande ou la petite de votre vie, celles de vos rêves, de vos fantasmes, de vos désirs les plus profonds, aussi profond que l'infini derrière les étoiles, que votre inspiration devant l'écran blanc qui se noircit de vos histoires sorties de votre esprit après avoir germé dans vos âmes, en laissant leur empreinte par vos mots dans les phrases de l'ADN des chapitres en chromosomes de genome encyclopédique de ce qui fait de vous un écrivain.

Que je ne suis pas. Et je n'y aspire pas. C'est dingue à quel point les gens sont fascinés par la fiction. Il faut se calmer. C'est des histoires. Ce n'est pas vrai. Ça ne sert à rien. La réalité est déjà assez déformée comme ça, une seule cuiller suffit, ce n'est pas la peine d'en rajouter. En fait les romanciers ont trouvé en premier l'existence des multivers et chacun de leur roman en est un. Même dans la réalité, on ne peut pas dire que votre quotidien est dans le même univers que celui d'un indien, d'un chinois ou autre avec la barrière de la langue qui divise les peuples. Rien que ce roman aurait dû être écrit en au moins trois langues différentes pour être crédible. Mais il faut simplifier pour rester accessible. Ce n'est pas un documentaire. Les faits sont moins intéressants sauf si on les oriente, si on les interprète, si on les met en valeur. Chacun a sa version de la réalité. Souvent ils ne sont pas d'accord. Parfois ça tourne mal. Les guerres existent parce que les gens ont des versions différentes de la même histoire. Ce n'est pas de moi, c'est d'un photographe de guerre américain installé à Paris et mort dans la maladie et la misère après avoir illustré ce qu'il y a de pire dans l'humanité. Stanley Greene, qu'il repose en paix à son âme, ses images sont invisibles dans un roman ou alors il faut le raconter comme tout le reste, en description comme le S et le A alors que tout ça ne fait que se vivre ou se voir, se regarder dans une photographie qui est la meilleure témoin de la réalité contrairement à l'image dont le mouvement nous induit en erreur surtour si il y a du son comme dans une macédoine de média qui enlève la pureté de chacun dans une recette où le goût de l'ensemble ne reflète pas vraiment le caractère intrinsèque de chaque parcelle de vérité. En vérité je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle a dit Jean à 6:47, une heure bien matinale pour déjà s'adonner à la fiction alors qu'on émerge à peine dans la réalité. 

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