C - 2057

63 minutes de lecture

La voie lactée

A Stockholm, au Palais, la Reine Greta se tient devant le berceau d’Isa Love. Elle tend sa main gauche pour prendre celle de Sandrine. Elle tend sa main droite pour prendre celle de Heidi. En face d’elle, Clara prend les mains de Sandrine et Heidi. Greta part sur la droite et elles commencent à tourner autour de leur bébé. Elles sourient, elles rient, Greta semble encore avoir rajeunit, elle regarde avec amour sa Clara, son visage respire le bonheur et la joie. Sandrine et Heidi se regardent, elles ont l’air ailleurs, encore sous le choc de leur comité d’accueil d’Amour. Le bébé réagit et semble chanter pour accompagner la danse. Greta regarde à droite la légende Heidi avec solennité puis à gauche la belle Sandrine avec envie sous le regard bienveillant de Clara.

Sandrine

Pendant que Clara veille sur Isa Love, Heidi fait le tour de la ville pour visiter les installations pérennes de l’agglomération de Stockholm afin d’en faire un rapport pour sa Suisse F. Me voilà seule et disponible pour Greta. On est le matin, entre deux repas. On est assises dans le salon et on discute, elle me pose des questions sur la vie en station et je lui réponds :

  • Tu est en couple ? Mixte ?
  • Fabrice. Je l’ai quitté. C’est hors protocole. J’ai pu le faire grâce à Aurélie et Heidi. On a envoyé une remplaçante pour Fabrice.
  • C’est quoi le protocole normal ?
  • On est deux couples par station. On échange les garçons et on prend le philtre d’amour garantie à vie. On sait que les équipes ont changé quand ça passe des chiffres aux lettres. Les équipes 1 et 2 deviennent les équipes A et B.
  • Toujours mixtes ?
  • Oui.
  • J’ai beaucoup aimé, avec toi, la première fois, je jour de ton arrivée.
  • Oui, moi aussi Greta. J’y repense souvent. Heidi dit que tu as aspiré tout l’amour que j’avais en moi et qu’il ne lui reste plus grand chose.
  • Oh… Désolé, je ne voulais pas. Je suis une vraie sangsue parfois. J’ai une idée. Je vais te remettre en toi tout cet amour que je t’ai pris.
  • Vraiment ? Tu peux faire ça ?
  • Oui, surtout maintenant. Viens.

Je m’approche. Elle me prend une main. De l’autre elle ouvre son chemisier et laisse apparaître un mamelon. Elle me pose ma main dessus, je masse doucement. Elle me prend la nuque et me guide le visage sur sa poitrine. J’embrasse, j’aspire, je goûte, je bois. Elle me relève le visage et me dit :

  • Fais moi goûter.

Et on s’embrasse. Et je retourne en chercher en elle. Et je lui ramène. Je la nourris de son propre lait. On finit par se lever et elle m’entraîne sans sa suite privée. On se déshabille et on s’étend sur le lit. Elle me parle doucement en me caressant :

  • Comme tes jambes sont belles ! Comme tu es belle ! Redonne-moi un peu de mon lait.

Je m’exécute et elle part ensuite entre mes cuisses me lécher au plus profond de mon intimité. Je sens un liquide chaud entrer dans mon ventre, une douce chaleur qui va grandir en moi pendant 9 mois. Elle me tient les jambes en l’air et se retourne pour s’asseoir sur mon visage, je sais ce qu’elle veut, je sais ce qu’elle aime, je déguste ses muqueuses jusqu’à la faire haleter de plaisir et la faire vibrer de gémissement aiguës, en rythme mélodique comme un chant cantique qui résonne en moi jusqu’au plus profond de mes entrailles qui semblent lui répondre en douces vagues de jouissance.

Il est bientôt midi. On a dormi. Il faut qu’on se lève. Je commence à ressentir les effets de l’Invisible, je devient réceptive. Je la réveille en lui caressant doucement la joue et je lui demande :

  • Je ne suis pas la première ?

Elle me regarde avec amour et avoue :

  • J’ai d’abord essayé avec Clara bien-sûr, je crois que ça a marché.
  • Sur moi aussi, je le sens.
  • Est-ce que je peux aussi essayer avec Heidi ?
  • Tu as tous les droits Greta. Je t’aime. On t’aime.
  • Merci ma douce Sandrine. J’ai des devoirs aussi, envers vous trois. Je vous aime. Tellement. J’ai tant d’amour encore à vous donner. On est une famille maintenant.

Je m’approche et on s’embrasse. Ma main descend sur ses fesses. Je sens qu’on perd le contrôle, que l’amour nous submerge à nouveau, que nos corps se mélangent sans que nos esprits puissent résister, qu’on est les spectateurs de notre propre passion, nos âmes flottent au dessus de nos ébats comme deux nuages qui dansent et qui se croisent, on se passe à travers en emportant avec nous un peu de l'autre, une communion des sens primaires du visible et supérieurs de l'Invisible, par le Sexe et dans l'Amour.

Iel

Noëlle

Je me réveille en sursaut. J’appelle Lisa. Elle répond :

  • Bonjour Noëlle.
  • Salut. J’ai des nouvelles.
  • A propos de ?
  • Le bébé de Gabrielle. Est-ce que je pourrai être là au prochain examen ?
  • Il devait avoir lieu hier. J’ai rendez-vous chez elle dans une heure.
  • OK. J’y serai.
  • Qu’est-ce qui se passe ?
  • Il faut que je tienne ses mains pour avoir confirmation. J’ai fait de la méditation transcendantale. Je ne le vois plus.
  • Merde ! On y va, tout de suite.
  • OK.

J’arrive en même temps que Lisa. On toque. On se regarde. Elle vient ouvrir la porte.

  • Bonjour docteur, salut Noëlle.
  • Ça va ?
  • Ouais, vous voulez du thé ? Entrez.

Gabrielle remarque la mallette médicale de Lisa, elle est un peu plus grosse que d’habitude. Normal, Gabrielle aussi commence à ressembler à une baleine.

  • Ah oui, c’est la dernière visite avant le décollage.
  • Noëlle veut d’abord t’ausculter.
  • OK.

Gabrielle s’installe dans le fauteuil. Je m’approche. Elle a l’air d’aller bien. Elle est calme, sereine, confiante, un peu plus féminine et sensuelle que d’habitude, les hormones.

  • Je t’entends Noëlle. C’est aussi Djibril. Il me fait me sentir plus femme. Je le trouve tellement beau. Je me sens torride auprès de lui. Désirable. Pleine d’envies. Je le soulage comme je peux. Il adore ça.

Elle me tend ses mains. Je les saisis. Tout va bien. Il est là, en elle, il est même prêt à sortir. Mais quelque chose a changé. Je le dis à voix haute :

  • C’est une fille.
  • Quoi ?

Natacha prend le relais. Elle installe Gabrielle sur le canapé. L’allonge, soulève ses habits et passe le scanner en regardant l’écran sur la malette. Zoom. Filtre de détection chimique et biologique. Pas de trace de mâle. Elle confirme :

  • C’est une fille.
  • Ou alors seule les parties mâles ont disparues ?
  • Non, le bébé serait en souffrance. Là, tout va bien. Je ne comprends pas.

Gabrielle demande :

  • Qu’est ce qui se passe ?
  • Gabrielle, est-ce que je peux poser mes mains sur ton ventre, je vais regarder. Lisa, est-ce que je peux ?
  • Oui, vas-y, regarde, connecte toi à lui et regarde dans le futur, tu peux ?
  • Oui.

Je mets mes mains au dessus du ventre de Gabrielle, je sens déjà quelque chose. Je ferme les yeux et je les descends tout doucement, je sens la chaleur, je pose, contact, je caresse un peu, je le vois, je me connecte, je regarde dans le futur. Mon Dieu… J’ai compris. J’explique :

  • C’est une fille. Elle va bien. A 15 ans il se passe quelque chose. Quand elle fait l’amour, elle peut décider de rester en fille ou de passer en garçon, elle se transforme, ça ne prend que quelques minutes. C’est une adaptation. La nature a trouvé une solution. Pour la reproduction. Je ne vois que des filles autour d’elle, qui passent en garçon, seulement pour la reproduction. C’est absolument génial. C’est tellement beau. J’adore. Vous vous rendez-compte ? Lisa, ça sent le prix Nobel. C’est Greta qui les remet ?
  • Mon bébé s’appellera Yael, c’est la première androgyne de la gynecène.
  • Félicitations Gabrielle. Voilà pourquoi tu as toujours été si importante. Pas pour contrer Abi. Juste pour mettre au monde Yael.

Lisa rentre au laboratoire et cherche dans les données des derniers examens. Les précédents scanners s’affichent. Ils ne focalisaient pas sur le sexe, il ne change jamais une fois qu'il est défini. Mais là, une fois sur deux il y a un garçon. Apparemment, c’est cyclique. Mais les passages en garçon se font de plus en plus rare sur la fin de la gestation. Selon Noëlle, ça ne ressortirait qu’à 15 ans, sur demande. En plus du lait maternel qui est devenu fertile pour la reproduction comme l'ont fait Aline et Sophie pour avoir Abigaëlle, il y aura toujours quelqu’un capable de mettre enceinte une autre pour la production de ce lait magique source de vie. C'est une étape intermédiaire ou complémentaire, on verra ce que la nouvelle Nature décidera. Nous sommes donc peutêtre à l'an zéro d'une nouvelle ère vers la prochaine et au delà des amours visibles et invisibles pour donner et recevoir la vie quel que soit le genre du géniteur qui n'est d'ailleurs plus que femelle. Les êtres humains pourront dire qu'ils sont d'abord des femmes avant d'être autre chose. Il y aurait encore de quoi avoir le prix Nobel, mais nous ne sommes plus dans un monde où on a du temps à perdre à prouver scientifiquement pourquoi l'eau ça mouille ou pourquoi le feu ça brûle. Même et surtout les immortels ont autre chose à faire de leur éternité.

L’affaire Deb

Dominique

Ma fille est tout ce qui me reste de notre famille disparue. J’en ai marre. Dès le début je me suis battue pour Fred. J’ai dû être patiente pour que Tom s’en aille, envoûté par Chloé. Merci Chloé, elle m’a permise d’avoir une famille à moi. Mai là je sens bien que Déborah m’échappe, qu’elle a fusionné avec Natacha. Je ne vais pas jouer la méchante dans l’histoire. Je vais être patiente, comme d’habitude. Et Deb sera toujours ma fille. Et je ne veux que son bonheur. Mais avec l’ex de Fred, je trouve ça un peu juste. Heureusement, c’est Natacha, elle est un peu réceptive sur les bords mais elle reste une scientifique, normale, frustrée par son mari anormal. Il lui faut quelqu’un pour elle, comme moi, après tout je suis libre maintenant. Il faut que je parle à Natacha :

  • Allô Natacha ? C’est Dominique. Est-ce qu’on pourrait se voir pour parler, en privé.
  • En privé ? A la taverne ça irait ?
  • Oui, seule à seule, sans Déborah ?
  • D’accord, j’ai compris. Pas de problèmes, Dom. Maintenant ça irait ?
  • Et dans une heure c’est possible ?
  • Parfait, à toute.

Ouf. Çà me laisse le temps de me faire belle et de réfléchir à quoi lui dire. Ou pas. On verra bien. Je mets une jolie robe bleue, je fais ressortir les boucles de mes cheveux, un léger maquillage, un rouge à lèvres discret, mon parfum préféré. Je n’ai plus de poches… Où est mon joli sac à main, le jaune, couleur complémentaire. Dedans je mets mon badge, mes cartes, mon phone et … voyons… herbe, non, poudre, non, et pourquoi pas cette petite fiole liquide à usage rapide, idéale pour mettre dans son verre. Il m’en faut deux, une pour moi aussi. Je me regarde dans le miroir. Je replace ma poitrine. Je regarde les rides autour de mes yeux. Mouias… Je soulève ma robe et j’enlève ma culotte. Configuration d’attaque en mode guerre. J’arrive à « La Mutinerie ». Elle est déjà là à m’attendre devant un cocktail, elle me fait signe. Je m’approche et je lui fais la bise, ça la surprend un peu. Je m’assoit en face d’elle, elle m’admire, elle voit que je me suis faite belle.

  • Natacha, merci pour tout ce que tu fais pour Deb. Mais tu sais, elle est tout ce qui me reste et je me sens exclue de votre relation. Je suis sa mère, je ne veux que son bonheur, surtout en ce moment. Mais tu te rends compte Nat, c’est la fille de ton copain au lycée !
  • Je sais, je suis désolée Dom. Je ne pensais pas que ça allait tourner comme ça. C’est juste que, dès que je l’ai rencontrée, le fantôme de ma sœur qui me hantait depuis mes 10 ans m’a enfin libéré. J’ai mal interprété la suite, mal fait interpréter les choses par ta fille, ça a dégénéré. J’ai essayé d’être le plus passive possible mais pas elle. C’est donc devenu… intime.
  • Déborah, bien-sûr, ta jumelle. Je n’avais pas compris. Il fallait me le dire plus tôt. Je comprends maintenant. C’est moi qui suit désolée.

Je lui prend la main :

  • Je suis contente que tu ailles mieux, que tu te sentes mieux.
  • Merci Dom, c’est encore frais, c’est tout nouveau, mais c’est un véritable soulagement. Maintenant je sais que ma relation avec ta fille n’est pas saine.
  • Nat, il faut faire comme avec moi. Il faut lui parler, il faut tout lui dire.
  • Maintenant ?
  • Il n’y aura jamais de bon moment. Plus tu attendras, plus ce sera compliqué, pour elle. Parle lui, de femme adulte à adolescente.

Elle me prend mon autre main :

  • D’accord Dom, on va faire ça tu as raison. Tu veux goûter mon cocktail ?

Je la regarde de haut :

  • Tu as mis du philtre à l’intérieur ?
  • Bien-sûr, c’est la moindre des choses. Regarde toi, comme tu es belle, tu t’es faite toute jolie pour moi.
  • Pas besoin de philtre alors.

Et on rit. Je prend son cocktail, je la regarde droit dans les yeux et je bois, une gorgée, et je lui tend. Elle le prend. Et en ne quittant pas mon regard, elle boit aussi, deux gorgées. Elle pose le verre et on se regarde en silence. Je vois comme des lumières magiques autour d’elle. Avant de perdre le fil de mes pensées, je lui avoue :

  • Je n’ai pas mis de culotte.

Et je succombe. On part s’enfermer dans les toilettes. Et on se mélange, en silence, comme pour sceller notre accord. J'aurais dû ne boire qu'une gorgée car j'ai déjà été exposée. C'est un peu fort pour moi. Elle gigotte pas mal mais il est vrai que j'essaie d'absorber tout ce que je peux d'elle entre ses cuisses, j'espère que je ne lui fais pas mal, en tout cas elle retient ses cris pour ne pas alerter la taverne.

Ses femmes

Gabriel

Frances va bientôt rentrer. Je pense que je vais aller régulièrement aux oubliettes. Jusqu'à ce qu'elle le découvre ou jusqu'à ce qu'elle s'en plaigne. Elle va peut-être laisser faire. Il y a beau avoir le destin, les sortilèges et les philtres, ça n'est pas suffisant pour éteindre ce qui se passe entre Simone et moi. Elle ne renoncera jamais. Je ne suis pasque tatoué sur son épaule. Et je succomberai toujours à son amour. Mon smartphone vibre, c'est Greta, elle apparait sur mon écran avec son bébé dans les bras :

  • Bonjour Gabriel, regarde, c'est notre fille, Isa Love.
  • Bonjour Greta, elle st belle, tu es belle, vous êtes belles.
  • Merci Gabriel.

On se regarde, Isa Love gazouille. J'embrasse l'écran. Je reçois des visions. La conception. Le goût de Greta, ses gémissements, notre jouissance de vie.

  • Gabriel, je t'envoie les photos aussi, ne nous oublie pas.
  • Comment le pourrais-je ?
  • Jag älskar dig.
  • Je vous aime aussi. Bisous.

Je suis papa avec Greta. Elle a eu beau lever le sortilège, il n'en reste pas moins toutes les belles choses qu'on a vécu, tous ces bons sentiments. Ça ne s'oublie pas. Et maintenant il y a notre bébé.

Je suis le prince de Frances. Il faut que je me rappelle pourquoi.

Et j'ai une liaison interdite avec Simone. Par delà la morale, les conventions et la génétique. Un amour plus fort que nous, que nos volontés, que nos aspirations et que nos destins.

Les trois m'aiment. À moi maintenant d'être à la hauteur de leur amour. Je prépare un peu de philtre pour Frances et moi. Elle revient épuisée de sa mission à Castle 1. Elle est en pleurs. C'est tout ce qu'il reste de l'Angleterre et de l'Écosse. Heureusement, Lisa leur a imposé une session de vaccination. Ça a sauvé les garçons et la fécondité des filles.

  • Darling, ils veulent te voir aussi.
  • Frances, d'accord, mais pas avant d'avoir scellé pour toujours notre couple. Qui est fragile. Et maudit par ton arrière grand-mère. Toi tu es pure, mais moi, j'ai un passé et un passif.
  • Je ne comprends rien de ce que tu dis.
  • Je te prépare un bon bain et après on va boire une tisane, pour se détendre.
  • Là, je comprends.

Je mets au défit le philtre pour rendre Frances heureuse. Je sais que je ne perdrai jamais Greta, elle est la mère de ma fille. Je sais aussi que je ne perdrai jamais Simone, c'est ma tante. Dans un cas comme dans l'autre, il n'y a pas de rupture définitive possible. À moi maintenant de rendre Frances heureuse. God save the queen.

Frances

Je sors du bain, enfin détendue, je bois un peu de son eau chaude et une vibration sourde se propage, je vois tout en rouge, je fais un AVC ? Je sens mille mains sur moi, je ferme les yeux, je succombe de désir, Gabriel est en moi, il me soulève, me plaque contre le mur, il me pilone, j'ai envie de le mordre, je me retiens, je cri, je retombe sur le lit, toute transpirante et là je le vois, avec Simone, aux oubliettes, cellule 3 pendant je suis à Castle 1. Et puis je le vois, dans un cocon d'amour avec Greta et leur bébé, ils s'aiment, encore, malgré tout. Il reviens sur moi, je le serre fort, je ne veux pas le perdre. Aide-moi mon ange blanche. Et d'un coup je prend une grande inspiration dans une grande soif d'oxygène et je reprends mes esprits, je le repousse et encore haletante je lui dis :

  • Je sais tout. Simone. Greta. Tu les aimes encore. Elles t'aiment toujours. Vous vous aimez for ever, à jamais ? Je ne comprends pas. J'ai été stupid again. It can't work between us. Adieu Gabriel.

Je le prends et je le jette dehors, je ne retiens pas ma force, il vole, il est tout nu dans le couloir. Je lui lance ses habits au visage, et ses chaussures qui font boum sur le mur parce qu'il les évite et je cri je toute mes forces comme une alarme incendie de feu et de colère. Il se sauve en courant. Je vais m'assoir dans mon fauteuil, celui où je médite et je réfléchis. Je vais déménager à Castle 1, c'est là qu'est ma place. Je trouverai là-bas mon prince parmi les miens. Il faut que j'appelle Lisa pour qu'elle me prépare et m'autorise médicalement pour là-bas, il faut d'autres vaccins et un traitement je crois. Mais d'abord je vais dormir. Dormir. Au moins douze heure. Je bois un grand verre d'eau et je me couche. Dodo.

  • Merci Lisa de me recevoir aussi vite.
  • C'est normal, votre altesse. Avant de commencer est-ce que je peux vous ausculter et vous poser quelques question, ensuite on parlera de ce qui vous amène.

Maintenant Lisa fait toujours un bilan rapide à chacun et pose des questions précises afin de déceler une quelconque conséquence à d'éventuelles radiations ou autre qui auraient échappées aux radars. Le patient a aussi et ainsi le temps de se mettre en condition et d'en venir à l'essentiel quand son tour est arrivé.

  • Alors ?
  • J'ai l'intention de déménager à Castle 1. Peut-on prévoir un protocole de santé pour que je m'y installe ?
  • Oui, je vais voir avec Natacha pour préparer un kit. On te contacte dès que c'est prêt. C'est assez simple et rapide parce qu'on leur fait un suivi par la suite. On y va souvent. Et il y en a parmi eux qui ont des connaissances médicales et qu'on a formé.
  • Très bien. Merci.

Les analyses se terminent, il y a un certains nombres de bip pour l'affichage du bilan final sur l'écran. Un des bip est plus grave que les autres et ça attire l'attention de Lisa, qui froncent les sourcils, regarde de plus près et annonce :

  • On va adapter le protocole, il y a quelque chose qui ressort. C'est assez faible, on va faire une confirmation.

Frances se retrouve allongée, Lisa scanne le bas de son ventre, elle lui sourit pour la rassurer :

  • Tu es enceinte.
  • Quoi ?
  • C'est très récent. On a faillit pas le détecter.
  • Ce n'est pas possible Lisa, ce n'est pas le moment. Est-ce qu'on peut arrêter ça ?
  • Ça ne pose aucun problème pour Castle 1, juste une adaptation classique du proto
  • C'est que... je n'en veux pas. Je viens de rompre avec Gabriel.
  • Ah... Et alors ?
  • Je ne veux pas un enfant de lui. C'est clair ?
  • Très bien. Je dois te laisser quelques jours pour réfléchir, être sûre. Est ce qu'on peut se revoir dans 3 jours en dehors d'ici, à la taverne ? En fin de journée, vers 1900.
  • D'accord.
  • En attendant, ce n'est pas obligé mais tu peux en informer Gabriel, juste le prévenir.
  • Je ne sais pas. Peut-être.
  • Voilà pourquoi il faut prendre du recul, réfléchir, et se voir ailleurs pour en parler.
  • OK.

Lisa

Je sors du cabinet. Je réfléchis. Je n'ai pas été très professionnelle. Quoi que, c'est une grave décision. Et on a le temps. Il y a des directives, les circonstances ont changé, mais peut importe, je ferai ce qu'elle décidera, c'est la princesse, il faut juste que je sois sûre qu'elle soit sûre.

Trois jours plus tard, j'ai failli louper le rendez-vous, merci l'agenda automatique ! J'arrive quand même un peu en retard. Elle n'est pas là. Déjà repartie ? Toc toc sur mon épaule. C'est elle.

  • Bonjour Frances, viens, on s'installe au fond, on va goûter leur nouveau chocolat chaud.
  • Bonjour Lisa.

Pas de princesse ou de docteur, on est hors contexte, c'est le mieux pour décider. On nous sert, on goûte, c'est bon, je commence :

  • Alors comment tu vas ? Comment tu te sens ?
  • Je ne sais pas Lisa. Je vais en parler à Gabriel mais avant je voulais en parler avec toi. Qu'est ce que tu ferais à ma place ?
  • C'est facile à deviner. Tu sais, j'ai fait un bébé toute seule, je ne pensais jamais revoir Alexeï.
  • Je suis dans une situation compliquée aussi, différente, je suis très jeune et j'ai d'autres responsabilités. Je l'aime Gabriel, mais ce n'est pas possible de continuer avec lui, pour plusieurs raisons. Je veux passer à autre chose, refaire mieux. Qu'en penses-tu, à ma place tu ferais quoi ?
  • Tu l'aimes et tu es enceinte. Le reste ne doit pas interférer.
  • Est ce que je peux tenir tes mains ? Non, c'est toi qui me prend les mains, d'accord ?

Je lui prends les mains. Elle me regarde. Elle ferme les yeux. Moi aussi, je soupire, je me détends. Avec ce bon goût de chocolat chaud au lait et au miel avec une pointe d'amande. Tiens, c'est bizarre, je vois en elle, elle me laisse regarder, je dois me concentrer, elle veut que je sache ce que je ferais à sa place, il faut que je m'oublie, je suis elle. Je vois son ange blanche, elle a été confrontée à la même situation, elle a fait un choix, sans ce choix Frances ne serait pas là. On a l'air assez d'accord elle et moi. Frances retire ses mains, j'ouvre les yeux. Elle est émue. Elle prend la parole :

  • Je suis ... Tu es médecin. Mais tu n'es pas toujours d'accord avec ce que tu fais. Tu as des convictions. Religieuses ? Il y a une chose dont tu es sûre, c'est que tu ne peux pas dire oui, à la mort.

Maintenant, c'est moi qui suit émue. J'en ai les larmes aux yeux. J'ai l'impression d'être la patiente. Je crois que je dois prendre la parole à mon tour. Je dois dire en une phrase ma réponse à sa question. Et juste le fait d'avoir à lui dire me donne encore un peu plus d'émotion, ce genre de sentiment qui nous fait nous sentir vivant. Je me prépare, je prépare les mots dans ma tête et je dis :

  • Je ne peux pas ... dire non à la vie.

Et je pleure. Et on pleure. La barmaid s'inquiète. Elle vient vite goûter le chocolat chaud qu'elle vient de nous préparer et nous demande :

  • Tout va bien ?
  • Oui, tout va merveilleusement bien. Wondefully well.

On soupire. On boit notre chocolat chaud. On dirait qu'il a encore meilleur goût maintenant. On se sent légères. Pourtant on ne s'est rien dit. Mais on sait.

  • Il faut que je vois Gabriel. Que je m'excuse. C'est moi qui l'ai jeté. Maintenant j'ai besoin de lui. "On" a besoin de lui.

Gabriel

J'ai eu et j'ai Simone. J'ai eu Greta et on a une fille. Pourtant, je ressens comme un grand vide sans Frances. C'est peut-être à cause du philtre. Il faut que j'aille voir Patrice pour un désenvoutement. On ne devrait pas le prendre sans prescription. C'est dangereux. Je vais peut-être reprendre les missions hélico avec Noëlle. Elle aussi est seule et triste. On pourrait peut-être se consoler ensemble. À peine arrivé au hangar elle me crie dessus :

  • Espèce de dégénéré, n'y compte même pas. Tu n'a honte de rien. Tu ne doute de rien. Je comprends maintenant à quel point ils en ont bavé tes parents. Maintenant, tu te casses, tu te démerdes comme tu peux mais retourne voir ta princesse et arrange-toi pour te faire pardonner, t'engager et la rendre heureuse. Sinon ? Tu auras à faire à moi et j'ai plein de sorts à te jeter jusqu'à ce que tu t'étouffes avec ta langue espèce de connard. Tu pues, dégage.

Je suis mal. Elle n'a pas l'air très contente. Du coup, je vais faire ce qu'elle dit. Pas le choix. Il parait qu'elle a déjà fait disparaitre un paquet de monde. Si je suis encore en vie c'est sans doute parce que je suis le fils de Natacha et Patrice. Je dois trouver un moyen de parler à Frances. Je vais aller la voir. Mais avant je dois aller rendre compte. Si Noëlle devient menaçante, je dois le dire à maman.

En arrivant à la pharmacie, je tombe sur la fameuse Déborah avec qui maman s'est confinée à son arrivée. Il paraît qu'on a joué ensemble un été à la ferme quand on était petits. Elle n'a pas l'air d'aller bien.

  • Déborah, salut je suis Gabriel, ça va ?
  • Ah, salut, oui.
  • On dirait pas. Moi aussi, elle me reproche tout le temps des trucs.
  • Ça va aller. Il faut juste que je trouve ma place ici.
  • Il faut que je te présente Noëlle. Quoi que, elle a envie de me tuer en ce moment. En fait Noëlle cherche des volontaires pour des missions hélico. Surtout, ne lui dit pas que tu viens de ma part. À plus tard, Deb. À mon tour, j'y vais.

Je rentre dans la pharmacie.

  • Salut maman, tout va bien avec Déborah ?
  • Et toi avec Frances ?
  • Justement, Noëlle m'a menacé.
  • Elle devient de plus en plus ... humaine.
  • Quelque chose se passe. On est tous très agressifs les uns avec les autres.
  • C'est juste la fin du monde.

J'en ai assez entendu. Elle ne me regarde même pas. Je ressors sans qu'elle s'en aperçoive. Déborah est toujours là. Elle m'attendait ?

  • Allez, viens, je te paye une bière à la taverne.

On ne parle surtout pas de nos problèmes. Que de nos solutions. Et elle repart, décidée et convaincue d'aller voir ce qui se passe au hangar chez Noëlle. J'ai été super positif, pour la motiver. C'est déprimant. Tout d'un coup je me sens au fond du trou. Je n'ai même plus la force de me lever. Je pense aux vies que je n'ai pas eu et à celles que je n'aurai pas. Je me reprends, il faut que j'aille voir Frances.

Je frappe. Elle ouvre, me laisse entrer. On ne dit rien. On s'assoit. Elle a l'air fatiguée, déprimée elle aussi. Je commence :

  • Je viens m'excuser. Tous mes vœux de bonheur pour la suite. Adieu Frances.
  • Je n'accepte pas tes excuses.
  • Très bien.

Je me lève et je vais rentrer dans ma chambre. Il y a une arme dans le coffre. La clé est accrochée à l'entrée. Les balles sont dans le tiroir de la comode, cachées sous mes slips. Je n'en prendrai qu'une.

  • Tu vas où ?
  • Je vais disparaitre, Frances.
  • Tu ne peux pas.
  • Pourquoi ?
  • J'ai besoin de toi.
  • Ah bon ?
  • À cause du philtre. Je t'aime.
  • Moi aussi je t'aime Frances.
  • Et je suis enceinte.

Je m'arrête, je me retourne et je la prends dans mes bras :

  • D'accord.
  • D'accord ?
  • Je ne peux pas partir. Je ferai de mon mieux.

Elle ne le sait pas, mais elle vient de me sauver la vie. C'est peut-être son ange blanche. Parce que je l'aurais vraiment fait. Tellement qu'une onde est partie de ma chambre avec cette vision de mon destin, qu'elle est perçue par tous les réceptifs, c'est la panique, ils se pointent tous à ma chambre, ils trouvent même les balles sous mes slips. Mon smartphone se met à vibrer et ils finissent par débarquer chez Frances où ils nous trouvent en train de tranquillement dîner. Ils sont là, ahuris, Noëlle, Natacha, Pauline alertée par Greta, et Simone. Alors je leur dis :

  • On ne va pas avoir assez de pain.

Derrière moi, Frances réalise. Elle comprend. Elle ressent. Je vois dans ses pensées. Et elle se rappelle la phrase de Lisa à qui elle demandait conseil pour se débarasser du bébé, c'est peut-être les mêmes mots qui m'ont retenus parmi eux : " On ne peut pas dire non à la vie ".

Frances prend la parole :

  • Il s'est passé quelque chose. Il aurait dû arriver quelque chose. Mon ange blanche a réagit. Elle peut changer le cours des événements.

Le fait que Frances soit tombée enceinte n'est donc pas un hasard ni une coïncidence. C'est un événement qui en a empêché un autre. Tout le monde s'assoit pour prendre un petit remontant, leurs smartphones finissent par se calmer. Tous répondent un truc du genre : "Il ne s'est rien passé du tout." Frances et Simone partent discuter en privé. Noëlle vient me parler :

  • Je suis désolé Gabriel, je n'aurais pas dû être aussi agressive avec toi.
  • Tu l'a toujours été. Je me rappelle de ton premier "Grrr!" quand j'étais trop insupportable avec maman. Moi je t'aime bien Noëlle. Au fait, est-ce que Déborah est venue te voir pour une formation ?
  • Non elle n'est pas passée.
  • Si tu veux je peux m'en occuper. À moins que Frances ne soit pas d'accord.
  • Non, c'est moi qui forme tout le monde, à ma manière et c'est personnalisé en fonction de chacun.

Frances

  • Justement Simone, je voulais te voir. Je sais à quel point vous êtes liés avec Gabriel. Ce n'est pas juste une aventure. Vous avez toujours été ensemble. J'ai déjà dû me battre avec Greta pour le garder. Avec elle c'est un combat de tous les jours, même à distance. Ils sont également liés. Je le suis maintenant aussi, avec ce bébé dans mon ventre. Simone, je t'accepte auprès de nous. Je veux que tu fasses partie de ma vie aussi. Acceptons-nous. Reste avec nous ce soir, cette nuit, s'il te plait.

Elle ne sait pas quoi répondre. Elle ne sait pas quoi dire. Alors elle lui prend la main pour voir. Et elles se serrent dans les bras, s'étreignent en fermant les yeux. L'Amour reprend le dessus. Et ce sera sans philtre.

Gabriel

Tout le monde part, Simone reste. Elles me lavent en riant. Elles sont devenues complices. Elles sont heureuses que je sois encore vivant. Elles m'aiment. Elles me mettent au lit et vont se préparer, ensemble. Elles reviennent en tenue légère et se mettent dans le lit chacune d'un côté. Elles viennent me réchauffer, me caresser, m'embrasser. Elles s'embrassent aussi. Mon excitation est telle qu'elles ont vite fini de soulager mes désirs et alors que je commence à m'endormir, elles continuent de leur côté, ensemble.

***

Au loin dans la nuit, Abigaëlle est triste. Elle pleure doucement, toute seule. Elle sait qu'elle vient de perdre Simone. Que Djibril ne s'intéresse plus à elle, il est comblé par Gabrielle. Même elle ne lui veut plus de mal. Et la petite Tinaïg, la fille de Suzanne et du père Simon, lui a pris son Lambert, le fils de Lisa et Alexeï. C'est comme si Abigaëlle commençait à s'effacer. La première fille à naître sans père, de deux mères. Elle n'a même plus d'ange blanche en elle. Sophie débarque chez elle. Elle a sentie sa fille en détresse. Abi a besoin d'être consolée et il n'y a que sa maman qui peut le faire.

Sophie reste surveiller Abi. Elle donne l'alerte à Aline :

  • Il y a comme une grosse vague de déprime.
  • Je vais voir avec Aurélie, il ne faut pas que les stations nous lâchent.
  • J'appelle Lisa.
  • Oui, Sophie ?
  • C'est Abi, elle déprime. Ça ne touche pas que les garçons ?
  • Ça touche tout le monde. Je vais lancer le couvre-feu. Tout le monde doit restreindre au maximum ses activités et dormir au moins 12 heures par nuit. Le sommeil sera le meilleur remède à tout ça. Il faut qu'on entre dans une sorte de demi hibernation. Même moi. Sinon, on y survivra pas. Et il ne faut laisser personne seul. Comme dans les stations, il faut au moins des couples. Sinon il faut reconstituer les familles et le reste en groupe d'amis. Reste avec Abi.

***

Pendant ce temps, Gabriel vérifit les données météo et prend le petit hélico pour aller à l'aéroport de Saint-Brieu non loin de là. Les équipes de Greta ont réussi à remettre la piste en fonction et elle vient d'atterir en jet. Gabriel se pose à proximité, coupe les moteurs, et sort de l'engin, c'est plus difficile depuis qu'il a été rendu étanche aux radiations. Quand il s'approche du jet, Greta en sort, elle descend prudemment les marches en métal puis coure se jeter dans ses bras en criant de joie. Il la fait tourner dans les airs, elle ne touche plus le sol, elle s'accroche à lui avec les jambes et elle l'embrasse.

  • Viens, je vais te présenter ta fille. Tu m'as manqué. Tu es si beau. Viens mon amour.
  • Greta tu es incroyable. Où as-tu trouvé ce jet ? C'est quoi cette technologie de propulsion ?
  • On s'en fiche, monte.

Clara est là avec Isa Love dans ses bras. Gabriel tend un doigt vers la main du bébé, Isa Love le serre, contact. La famille est réunie. Tout le monde est heureux, parle doucement dans cette atmosphère feutrée du jet. Greta rayonne, elle a encore rajeuni. Elle regarde Gabriel avec bonheur et amour. Elle le prend par la main et ils s'isolent pour faire l'amour comme si c'était la dernière fois. D'abord violemment, frénétiquement, ensuite plus calmement, plus doucement. À la fin il la regarde et songe à eux, elle l'arrête tout de suite :

  • Ne t'inquiète pas Gabriel. Je suis très heureuse à Stockholm avec mon harem. On fait plein de bébés. Sois heureux toi aussi de ton côté, ne mets pas en colère son ange blanche, elle est plus forte que moi, elle a gagné à chaque fois, elle t'a gagné, tu es à elle.
  • D'accord Greta. Et merci Greta de me rendre si heureux, autant heureux, chaque instant passé avec toi est un grand bonheur, je les mémorise et je les emporte avec moi pour réchauffer mon cœur et mon âme. Merci pour cet Amour, Greta. Tu es magnifique.

Elle lui prend les mains et colle son front contre le sien en fermant les yeux. Rien ne pourra jamais les séparer, au delà de leurs destins, de la distance et du temps. Et à chaque fois qu'ils se reverront, ce sera encore plus intense. Elle lui prend ensuite le visage entre les mains et annonce comme une incantation dans un français qui s'est encore amélioré :

  • On va se revoir Gabriel. À chaque fois qu'on le pourra. Toute notre vie. Jusqu'à ce que la mort nous sépare. Je te le promets Gabriel. Je suis ta femme. Tu es mon homme. On a un bébé. On est parents toi et moi, de Isa Love et de son destin. Chaque nuit avant de m'endormir je pense à toi et je rève que je suis dans tes bras. Je m'endors avec toi, je sens ta chaleur, ton odeur, ta présence, je te sens en moi, tu prends le contrôle de mes mains et tu me touches, de longues heures de plaisir où je fini par m'évanouir de bonheur. Gabriel tu es mon paradis, tu es mon Dieu, tu es ma religion. Baise moi encore une fois avant de partir, prend moi, fait moi crier, griffe moi, fais moi saigner et bois mon sang, je le veux en toi, un peu de moi en toi. Je t'aime, je t'aime, je t'aime Gabriel.

Quand il rentre au château, c'est le couvre-feu. Frances attend, inquiète. Il rentre dans la suite royale. Elle le regarde et elle sait. Il sait qu'elle sait.

  • Elle était inquiète, elle a trouvé le moyen de venir en une heure jusqu'à l'aéroport avec un jet. La piste a été réparée. J'ai vu Isa Love.

Elle ne dit rien. Elle ne sait pas comment le prendre. Dès le couvre-feu il la laisse seule pour être avec Greta, en famille avec sa fille. Et il revient, pour encore la tromper, la flouer. Au moins il est rentré. Elle brandit un révolver, pointé sur lui. Gabriel reconnait son arme. Il commence à lever les mains, doucement, il écoute pour voir si quelqu'un vient, les réceptifs voient ce genre d'événement en avance. Rien. Pas un bruit. Il ne va rien se passer. Elle arme. La queue de détente est maintenant reculée et beaucoup plus sensible. Gabriel commence à avoir peur. Il pense à Simone, ce sera peut-être sa dernière pensée. Frances réagit, elle sait ce qui se passe dans la tête de Gabriel. Elle arrête de le viser, elle a l'air encore plus déçue, trompée, flouée et elle pointe l'arme sur sa tempe à elle :

  • I love you.

Clic. Le coup n'est pas parti. Elle jète l'arme par terre.

  • Je n'ai pas trouvé les balles. Pas encore.

Gabriel s'assoit. Sous le choc. Quelque chose s'est dissipé. Il ne ressent plus les effets du philtre. Il ne l'aime plus. De son côté c'est pareil. Frances vient de trouver comment lever ce sortilège chimique. Elle se sent libre. Le lendemain, ellen'est â est partie. À Castle 1, parmi les siens. Sa mère Charlotte y est déjà.

Gabriel se confine avec Simone. de longues nuits de 12 heures à la serrer contre lui. Le jour, il est au hangar, de permanence pour les missions hélico. Sur le tableau des pilotes titulaires, Déborah y figure, en formation.

*****

Noëlle forme Déborah comme si elle allait aller dans l'espace, avec la préparation psychologique qui va avec. Finalement elle emménage avec elle et Solène. Ça arrange Dominique de ne plus avoir à gérer Déborah pour se confiner avec Natacha car Patrice, lui, n'est jamais là comme d'habitude, il est à Paris. Heureusement, Solène et Déborah ont l'air de très bien s'entendre. Elles partagent leurs secrets :

  • Deb, avant je squattais dans la roulotte de Pauline avec ma cousine Aurélia. Pauline a fini par nous virer lorsqu'elle a trouvé son Valentin. Avec Aurélia, on a fait des tas de ... cochonneries.
  • Moi, à peine arrivée, j'en faisais avec Natacha.
  • Quoi ?
  • Maintenant c'est ma mère qui en fait, avec Natacha.
  • Quoi !

Aurélia est passée à autre chose. En station. À la frontière suisse. Pour remplacer une des meilleures élèves d'Aurélie, Sandrine, qui est partie chez Greta. Solène se sent à nouveau moins seule et chaque soir elle est impatiente de retrouver sa guerrière à qui elle change les idées et les humeurs. Noëlle accepte de les laisser tranquille et leur accorde toute la liberté possible au château.

Natacha vérifie les stocks de café et de thé. La théïne et la caféïne sont des alcaloïdes, des antidépresseurs naturels. 80% des gens qui se suicident ne boivent pas de café. Déprimer, c'est ne chose, mais ne plus avoir d'instinct de survie, c'est pire encore. Et la lumière manque dans le ciel. Natacha revoit le programme d'éclairage, intensité et couleur sont à ajuster dans le château.

Greta a des informations plus importantes mais elle décide d'attendre la réunion de crise hebdomadaire pour les évoquer en dernier point :

  • Aline ? J'ai une équipe de géologues qui a des informations inquiétantes. La rotation de la Terre, les pôles se sont inversés mais ce n'est pas tout, elle ralentit. Les jours et les nuits vont se rallonger.
  • À quelle échéance, jusqu'à quel point ?
  • Avant la fin de l'année. Jusqu'à l'arrêt. Il y aura une face à l'ombre où il fera encore plus froid et une face au soleil qui sera protégé pendant un temps par les poussières du super volcan dans l'atmosphère.
  • Pendant un temps ?
  • Les poussières risquent de se dissiper plus vite que prévu à cause d'une météo binaire sur le globe. Après ce sera plein soleil du côté clair. Tout le temps.
  • Je suppose que tu as un plan A, et B ?
  • J'ai tout l'alphabet, de Aline à Zoé.
  • Zoé ?
  • L'Arche de Zoé, je t'expliquerai le moment venu. En attendant je t'envoie le rapport du pré-projet.

Aline

Alors, voyons, c'est quoi ce plan de A à Z ? Ça sent le voyage dans l'espace. On va évacuer la planète ? Greta n'a pas ces solutions de secours depuis longtemps. Tout ça c'est grâce à Heidi. Car la solution est en Suisse. Là d'où est venu le problème. Une chance que les installations du CERN soient restées intactes. J'avais donné l'ordre de destruction. Patrice avait lancé le missile.

  • Aurélie, c'était qui tes hackers dans l'attaque du CERN, ceux qui ont mis le missile au fond de la Loire ?
  • Station 21, équipe 1, Olivier et Giulia. Ils étaient en contact direct avec Les équipes de Greta sur le terrain grâce à la com établie par la station 25. En plus l'équipe 1 n'était pas leader dans la mission de hacking. C'est l'équipe 2 qui les a formé. Ils ont bien fait. Un travail d'équipe. Attends, je regarde le rapport. Ah oui, c'est Olivier qui a pris le contrôle du missile et c'est Giulia qui l'a guidé sur la Loire, puis au fond. Il y est toujours. Armé et activé. Si ça pète ça peut déplacer le fleuve. C'était pas la peine de viser le sud de l'anneau, toute la région aurait été rasée avec une telle puissance.
  • Giulia. Elle a sauvé notre avenir à ce moment là.
  • Maintenant c'est l'équipe A. Elle est avec Nicolas. Olivier est parti en B avec Angélique. Ils ont échangé.

À la station 21, Giulia est sous les draps et elle rit sous les chatouilles de Nicolas.

  • Mon petit souriceau, tu veux te cacher dans tous mes recoins ?
  • Tous les plis sont une source de plaisir, je ne les ai pas tous fait ce matin.
  • OK mon petit, fais bien ta ronde, visite toutes les maisons de ton royaume, je suis ta Giulia et je vais bien te recevoir.
  • Giulia, il y a ta montre qui vibre. En rouge, c'est une com du PCNO ?

Giulia attrape la monte, s'assoit dans le lit. Nicolas reste sous les draps.

  • Ici Giulia pour contact, à qui ai-je l'honneur.

Elle s'aperçoit qu'elle a les seins à l'air, elle tire vite le drap pour les couvrir et elle rougit comme sa montre.

  • Bonjour Giulia, c'est Aurélie. Je voulais juste voir comment ça allait. Je vois que vous avez le moral.
  • Oui, ici il nous reste 4 heures de dodo. On s'occupe.
  • Bien. Juste pour te dire que ton action dans l'attaque du CERN a des conséquences très importante pour notre avenir à tous. On est obligé de te faire passer cheffe de station. On va voir comment on va annoncer ça à Angélique, tu la connais... Allez, bisous, amusez-vous bien.
  • Ciao Aurélie. À bientôt.

Aline envoie un message à Angélique : " Pour des raisons confidentielles de mérite en mission, Giulia passe cheffe de station. Merci de transférer les codes et les procédures à l'équipe A. Signé MF. "

Olivier voit le visage ébahi d'Angélique devant sa console. Il lit le message.

  • C'est quoi MF ?
  • La mater familias, Aline. Je vais avoir plus de temps pour toi mon amour. On va se réveiller à la même heure mais on reste au lit une heure de plus. Je te conseille de prendre une double ration de vitamines.

***

L'Arche de Zoé

Greta

Quelques jours plus tôt, je suis en plein travail d'analyse des documents qui viennent de Suisse via Heidi, ça commence par un historique plutôt technique :

En juillet 1989, on est à quelques mois de l'inauguration du Large Electron Positron collider (LEP ou Grand collisionneur électrons-positrons). Il s'agit d'un tunnel d'une circonférence de 27 kilomètres. C'est le plus grand accélérateur de particules au monde et le plus puissant collisionneur de leptons du CERN en Suisse. Mais cette installation n'est en fait qu'une façade à une expérience toute autre, réalisée par une société secrète de scientifiques aux activités officielles bien moins importantes et avancées que leurs travaux officieux. Le LEP est en fait une porte vers un autre univers. Et en ce mois de juillet 1989, la société secrète en question a disparu d'un coup. Ils sont environ 200 à être partis ailleurs, très loin, dans un autre univers aux propriétés physiques très légèrement différentes mais surtout compatibles avec le nôtre.

On dirait de la science fiction.

En 2003, certains d'entre eux sont revenus en mission pour intervenir sur un bébé, la fille d'une artiste. Pendant que cette dernière interprète le rôle de Diana dans la Calisto de Cavalli à l'Opéra Royal de Stockholm, Tiens ! Je comprends maintenant pourquoi il y avait ce repère de lecture pour moi dans ce dossier... l'équipe revenue d'ailleurs pratique un changement dans le développement cérébral de cette petite fille qui vient de naître.

Lorsque j'examine les documents, il s'agit d'un rapport conservé par un des membres d'une communauté occulte de Genève. Toute l'histoire de cette expérience est relatée, il y a la liste des noms des scientifiques partis avec leur famille pour certains, femmes et enfants. Un physicien du nom de Virein, un suisse allemand, un des responsable. Sa femme est une descendante d'un autre physicien italien, Volta. Etc. Puis vient la mise à jour du dossier avec la mission de 2003. Une équipe d'observateur est revenue avec une mission précise sur une personne désignée. C'est là que je reconnais tout de suite le nom, celui de l'artiste en question : Sara Magdalena Ernman, chanteuse d'opéra mezzo-soprano lyrique. Maman ! Je réalise soudain que le bébé, c'est moi !

Je convoque immédiatement Heidi dans mon bureau :

  • Je viens de parcourir le dossier des sectes, j'ai lu celui des scientifiques de Genève, celui qui était repéré pour que je le lise en priorité. D'où viennent tous ces documents ?
  • Ce sont une partie des archives de tous ceux qui ont organisé notre survie en Suisse. Ils voulaient te mettre au courant. J'ai d'autres informations à te communiquer sur le sujet.
  • Sur ce qu'ils m'ont fait ?
  • Non, sur la procédure pour les rejoindre.
  • Quoi ?
  • Quand j'ai vu que les géologues t'avaient envoyé leur rapport, j'ai pensé que c'était le bon moment pour que tu aies toutes les options en main.
  • Je n'ai pas lu leur rapport. C'est toujours pareil avec eux, la fin du monde est pour bientôt.

Je me replonge dans les documents des sectes. Ils se font appeler " les parlementaires". En cas de fin du monde, il y a une procédure pour évacuer la Terre et les rejoindre. Ils ont la date de la fin du monde. Ils ont l'entité désignée pour organiser le départ : GTEET... GTEET ? Greta Tintin Eleonora Ernman Thunberg.

  • Ce sont sûrement des réceptifs de l'Invisible, ils voient dans le futur, ces vieux documents décrivent notre situation actuelle. Ce n'est pas un hasard si j'ai toute cette logistique au bon moment. En quelques jours on peut remettre en fonction des pistes et évacuer tout le monde vers le CERN. Ils appelent ça l'opération Zoé. L'Arche de Zoé. Qui est Zoé ?
  • Greta, je suis Heidi. Ce nom m'a été donné à cause de la légende suisse, du roman. Mais en fait...
  • Tu es Zoé.
  • Je préfère qu'on en reste à Heidi. Zoé c'est mon nom dans l'autre univers.
  • Min Gud !

Je me lève et je vais lui faire face, droit dans les yeux. Je lui prends les mains. Je ne vois rien. Elle a le contrôle sur ce qu'on peut voir en elle. Je regarde ses mains, je cherche dans sa chevelure derrière la tête.

  • C'est pour ça que tu es légèrement différente de nous. Pas de lignes de la main, l'arrière du crâne plus plat. Ton nombril plus bas. Le reste plus haut, plus en face sur ton ventre. Est-ce que ça a marché ?
  • Oui, bien-sûr, on est compatible. Je suis enceinte. Je n'ai pas toutes les réponses à tes questions Greta.
  • J'ai besoin que tu restes avec moi. C'est possible ?
  • Oui, bien-sûr Greta. Pour toujours. C'est ma mission. Je dois aussi vous sauvez, toi et Isa Love et tout le monde que tu jugeras nécessaire.
  • Stockholm ?
  • Oui.
  • La coalition Nord.
  • Oui
  • Castle 2 ?
  • Oui.
  • Les stations ?
  • Oui.
  • Castle 1 ?
  • Oui. Et l'hôtel du Châtelet à Paris. Et d'autres avec qui tu n'es pas en contact. Ils sont déjà en route pour le CERN. On aurait besoin de ta logistique pour aller en chercher d'autres encore, très loin.
  • Je vais te donner les autorisations pour utiliser ce que tu veux. De mon côté je vois avec Aline et Aurélie. Et Clémentine pour Paris.
  • D'accord. Greta, je peux te mettre en connexion avec une autorité qui pourra répondre à tes autres questions.
  • Avec la Suisse ?
  • Non, avec l'endroit où nous allons évacuer, dans l'autre univers. Technologie quantique. En direct.

Elle va chercher un ordinateur portable, l'ouvre, le connecte et me laisse seule avec l'écran. Je vois une interlocutrice qui a l'air surprise de me voir :

  • Bonjour Greta. Désolée, je m'attendais à voir Heidi. Elle va bien ? Au fait je suis Aly, cheffe du conseil de... bref, je crois que vous avez des questions.
  • Bonjour Aly. Je n'ai qu'une seule question. Qu'est-ce qu'on m'a fait en 2003 ?
  • Justement, j'étais sur la mission. Mais je n'étais que leur pilote, je les ai transporté. Je n'étais pas habilité sur les détails. Mais depuis j'ai eu accès au dossier, de part mes fonctions. Alors... Ils sont intervenus sur votre cerveau pour diminuer l'autisme afin de vous programmer à rencontrer la bonne personne pour concevoir votre bébé. Isa Love. Elle est soit-disant importante pour notre avenir ici, dans longtemps. C'est tout.
  • Merci Aly. Heidi va bien.

Je referme l'ordinateur. J'ai mal à la tête. En fait, je ne suis qu'un programme. Heidi revient.

  • Heidi, j'ai besoin d'un peu de temps pour intégrer toutes ces informations. En fait il me faut du sommeil. Est ce que tu peux rester dormir avec moi ?
  • Bien-sûr Greta. Viens, on va prendre une douche bien chaude, je te fais un massage et on va au lit.
  • Merci Heidi.

On se mélange sous la pluie ardente, je sens ses mains me pétrire pour me ramollir, elle m'essuie, elle sèche mes cheveux, elle nourrit ma peau de pomades soyeuses aux odeurs vibrantes, elle me maquille, je suis sa poupée, elle me fait deux nattes comme quand j'étais ado et me présente devant le miroir. Je suis Greta. J'ai encore rajeuni. Elle est derrière moi, ses bras se glissent sous ma poitrine et elle m'embrasse la nuque, puis le cou, je sens ses cheveux bouclés me caresser le dos, je ferme les yeux et je fond, sa bouche parcoure mon corps, du bout de mes orteils jusqu'à mon front, je goûte à sa salive à chaque passage où les saveurs sont différentes.

  • Mon extra-terrestre à moi, je te sens sur moi, je te sens en moi. Tu es mon monde, tu es mon univers, tu es extra.
  • Je suis ton extra-univers, ta multiverse, je suis à toi, tu es ma déesse, tu me définit, tu me donnes sens, sans toi je n'existe pas, tu es ma raison d'être.
  • Mais Heidi... Nous ne sommes pas. Aly m'a dit que j'ai été reprogrammée. Même toi, tu n'es qu'en mission.
  • Vu de loin, oui. Mais vu de près, quand je suis sur toi, quand je suis en toi, quand on se ressent dans l'Invisible, tout ça n'est qu'à nous, tout ça n'est que nous. Peu importe le reste. Attrapons le bonheur qui passe, quel que soit le contexte. Ce qu'on ressens là, c'est le plus important.
  • C'est comment là-bas ?
  • Un peu comme ici, avant, en mieux. On est sur une île. Il fait tout le temps beau. Le ciel est turquoise. L'apesanteur est un peu plus faible. Tu vas te sentir plus légère. Et le taux d'oxygène dans l'air est plus élevé. On respire moins souvent. Et surtout, on n'a moins mal. Ici la douleur est amplifiée. Là-bas, le temps passe plus vite aussi. Et on ne vieillit pas. On ne meurt pas non plus, pas facilement. Les personnes les plus importantes ont même des sauvegardes biologiques. Et la philosophie de vie est différente. On a pas à se battre pour notre survie. Il n'y a pas de haine, pas de compétition, pas de contraintes, tout est calme. Tu vas ressentir ça comme des vacances, comme une retraite où les seules missions sont d'en faire le moins possible et de se détendre, de profiter et de n'agir que pour faire le bien. Ça n'a pas toujours été comme ça. Quelques génération plus tôt c'était la guerre tout le temps, une course technologique sans fin, des excès dans tous les domaines. Et puis un jour, nous les jeunes, on a dit non à leur système et on a imposé le nôtre. Tout ça c'est grâce à l'Invisible. On s'y est connecté. On l'a fait à notre image. C'est notre guide intérieur. Les anciens n'avaient aucune arme contre ça. Ils ont déposé les leurs. On les a converti. On a fait le ménage. On est même venu voir jusqu'ici, là d'où tout est parti. Quel désastre... On aurait dû s'intéresser à nos origines plus tôt. Quoi que, on était pas vraiment prêts. Il était temps qu'on vienne sauver ce qui peut l'être encore. C'est ça notre programme, comme tu dis. C'est ça qu'on a mis en toi, un peu de nous, et tu es devenue la Greta des années 20.
  • C'est quoi la suite ?
  • D'abord on se regroupe au CERN. Ensuite on change d'univers. Je crois qu'ils ont prévu un protocole d'adaptation sur place. Vous allez vous intégrer à nous petit à petit.
  • Est ce que je pourrai à nouveau parler avec Aly demain ?
  • Oui bien-sûr, quand tu veux.
  • Mais avant, je veux que nos corps s'aiment encore, avant de perdre conscience et de sombrer dans le sommeil du plaisir de vie et d'amour que j'ai pour toi mon Hei... Z.. mon I.Z. Easy.

Le lendemain matin, j'ouvre l'ordinateur. L'affichage indique "appel correspondant". Il y a un nom : Alice Clerc, Security Council. Je fais le point sur ce que je dois dire.

  • Heidi ?
  • Greta.
  • Je n'ai pas le visuel, appuie sur la touche v.
  • OK.
  • Bonjour Greta. Je t'écoute.
  • Je n'ai pas confiance. Tout ceci ressemble à un suicide collectif de secte. C'est la tradition en Suisse. On est dans le scénario idéal. La fin du monde. Un gourou. Le départ pour une vie meilleure.
  • Je comprend Greta. Pour ramener tout le monde en même temps ou assez de monde en plusieurs fois, il faut que ça soit au CERN. Mais pour une seule personne, on peut cibler. Où que tu sois, je t'invite, je te ferai visiter. Et je te renvoie. J'ai juste besoin d'un endroit précis et un repère metallique. Un gros.
  • Je suis au Palais Royal de Stockholm. Je peux aller sur le toit. Il y a un grand mat.
  • Très bien. Je cible. Il est en aluminium. Alors voilà, c'est simple. Il y a une trappe sur le côté droit de ton ordinateur. Ouvre.
  • Il y a un anneau noir.
  • Mets le à un de tes doigts. Avec cette main, tu touches le mat et on te réceptionne ici.
  • Quand ?
  • Vois avec Heidi. Elle saura quand.
  • D'accord. Merci Alice Clerc. À bientôt.
  • À très bientôt Greta Ernman.

***

Je me résous à recevoir les géologues pour un dernier point sur la fin du monde. Je les laisse parler comme d'habitude, en général ils se disputent mais au moins on a objectivement tous les éléments :

  • En fait, Greta, je suis astrophysicien, c'est l'autre le géologue.
  • Bonjour Greta, je suis peut être l'autre et je ne vois pas ce que l'astrophysique vient faire la dedans.
  • Et l'inversion des pôles c'est quoi ? En fait c'est souvent arrivé, à chaque glaciation. Ou plutôt c'est l'inversion des pôles qui a provoqué la glaciation. C'est pour ça qu'on retrouve des fossiles de palmiers au Groënland, ça veut dire pays vert en danois.
  • Les danois, mais bien-sûr... Pour moi le problème c'est l'arrêt de la rotation de la Terre. La cause est géologique, le noyau a réagit à un stimulus. 83 stimuli précisément. Ce sont les réacteurs nucléaires qui sont entrés en fusion et qui se sont enfoncés, jusqu'au centre de la Terre.
  • Hé oui, désolé Greta mais le réchauffement climatique n'a jamais été un problème. Le vrai problème est nucléaire. L'humanité s'est amusée à jour les Dieux en allumant des soleils qu'elle ne sait pas éteindre. On se retrouve avec une surface contaminée et une Terre qui s'arrête de tourner et tout est cramé d'un côté et gelé de l'autre. Mais ce n'est pas la plus castastrophique des conséquences. Le vrai problème c'est l'arrêt du champ magnétique qui protège la vie sur Terre des rayons cosmiques et des vents solaires toxiques. Ces derniers étaient orientés par le champ magnétique, ça vous faisait de jolies aurores boréales. À la prochaine éruption solaire on y passe tous.
  • Ouais, bon... même. Une glaciation de 10000 ans, l'humanité y a survécue à la dernière des 4 qui ont eu lieu. C'était naturel, cyclique, c'était dû à l'instabilité de l'axe de la Terre. La dernière glaciation est en retard de 2000 ans, Jésus a dû réparer un truc. Mais pour le nucléaire, même si on survit d'un côté ou de l'autre de la planète, on ne pourra pas se balader à la surface sans danger avant 3 millions d'années à cause des radiations.
  • La glaciation d'aujourd'hui est pire. On a du -80°C du Sahara à la Chine et ça continue de baisser. Pour l'axe de la planète, c'est irréversible, on a même perdu la Lune !
  • Il faut évacuer, la Terre est foutue.

Je reprends la parole :

  • Je vois que vous finissez par être toujours d'accord sur la même conclusion : c'est la fin du monde.

***

J'appelle Aline et Aurélie au PCNO :

  • Vous avez lu le pré-projet ? Je vais aller en reco sur place. Je vous appelerai depuis là-bas. Vous vous rappelez des mots clés de contact ? J'emporterai une balise gravitationnelle. Aurélie ?
  • J'ai des stations qui veulent rester observer la fin du monde.
  • Pourquoi pas, on pourra sans doute les récupérer après. Je te confirmerai ou pas. Aline ?
  • Bon voyage, bonne chance.
  • Merci.

Heidi me fait changer l'anneau de doigt, à la main droite pour m'installer une montre au poignet gauche. Elle me scanne. Vérifie mes constantes. Regarde sa montre, s'approche pour regarder mes pupilles et elle m'embrasse sur la bouche :

  • Tu es prête ?
  • Ja.

On va sur le toit, direction le mat. Je regarde en l'air mon drapeau. Ça fait un peu dictateur ce grand G... Heidi regarde sa montre et lève son bras. Pour toucher le mat avec ma main droite, j'attends qu'elle baisse son bras et dise :

  • GO !

Je respire une dernière fois et je tends ma main. Je me sens exploser à travers tout le système solaire, à travers toute la galaxie, à travers tout l'univers, jusqu'à ses bords où je semble en sortir puis je me retrouve sur les bords d'un autre et je me rassemble autour d'une galaxie, d'un système solaire, d'une planète et j'ouvre les yeux. Je suis toujours là. Avec la main sur le mat. Heidi a disparu. Le ciel est d'une drôle de couleur. Il fait chaud. Je me sens légère, je respire à peine. Je regarde le paysage autour, tout à l'air différent. La porte d'accès aux escaliers s'ouvre au loin. Ce n'est pas Heidi. On dirait Aline. Mais non, c'est Alice.

  • Bonjour Greta. Bienvenue. Comme tu le vois, on a fait des répliques ici des endroits où vous vivez tous. Vous serez moins dépaysées. Il y a de la place sur l'île. Pourtant, on est presque tous entassés à l'ouest au bord des plages.
  • Tu ressembles à Aline.
  • On a pas encore bien compris ce phénomène. On a aussi identifié une Cendrine parmi nous qui ressemble à ta Sandrine. Viens, on rentre à l'Agence, c'est de là-bas que les missions spatiales sont parties. Tu sais, c'est la première fois qu'on ramène quelqu'un de la planète mère. Même ici tu seras une légende, Greta.

Le vaisseau passe au dessus de l'ancienne capitale austère et désertée, Sylvania. On passe par le sud où il y a des villes portuaires et on arrive au dessus des plages de l'Ouest pour atterir sur le toit de l'Agence. Tapis rouge, garde d'honneur en uniformes. Des jeunes spationautes. Il y a de très beaux garçons, ils ont l'air très gentils. Je constate que l'Invisible fonctionne aussi ici. Je suis rassurée et convaincue. C'est le paradis. J'ai du mal à me concentrer sur les personnes qu'on me présente. Je suis à l'écoute de mes sens et de mon instinct, tous mes radars veillent et ne détectent rien, tout va bien. Je commence à réaliser ce que Heidi me racontait.

  • Bonjour je suis Victor Virein Volta. Mon père était un ado en Suisse quand il est arrivé ici.
  • Bonjour, oui j'ai lu un rapport sur la mission initiale. Je suis née bien après aussi. Nos aïeux nous ont séparés mais finalement on a su se retrouver.

Aline me présente deux jeunes spationautes, une ingénieure et une médecin. De belles âmes. Je vois leur histoire. L'ingénieure était une jeune étudiante à l'Ouest et la médecin était une sorte de professeur dans une école d'arts de l'Est. Il y a trop d'informations, je dois faire le tri, je suis là pour plusieurs jours. C'est l'euphorie de l'arrivée. Tout se calme rapidement et je me retrouve dans des exposés techniques sur l'exode. Le premier soir je dîne avec Alice et Victor, ils sont ensemble. Le lendemain je demande à rencontrer leur Cendrine. Je peux aller la voir chez elle au bord de la plage en fin d'après midi. Lorsque je descends de la navette je suis impressionnée. C'est exactement la même. Cendrine se présente, elle a été une brillante chimiste il y a longtemps. Aujourd'hui elle vit avec une ancienne ingénieure en cheffe spatiale. Elle a une fille, son clône, en plus petite, plus jeune, spationaute aussi, elle vit dans la maison d'à côté avec un de ses anciens instructeurs.

  • Vous êtes très tournés vers l'espace ici.
  • Beaucoup moins qu'avant.

L'ambiance est détendue, plus du tout protocolaire. Ils sont heureux de me recevoir. On fait un barbecue sur la plage et tout le monde se met en maillot de bain pour aller nager. Dès qu'il fait nuit on rentre à l'abri pour finir la soirée dans des ambiances tamisées. Une belle journée de vacances en été.

Le lendemain je demande à voir la cathédrale pour évaluer leur niveau de religion. Aucun danger de ce côté là non plus. Ils ont fait un enterrement il y a peu de temps. C'était le père de Victor. Ils finissent quand même par mourir parfois.

Avant de repartir, on passe par les répliques de Castle 1 et 2 et on retourne à Stockholm 2 où l'ambiance est tout autre sur le toit de mon arrivée. Je me rends compte que je les ai rassuré aussi. Je récupère mes dernières consignes, tout est prêt, je peux rentrer pour superviser l'exode, comme ils l'appelent ici.

***

Aurélie et Aline ont le droit aussi à leur aller-retour, les deux en même temps. Aurélie réalise tout de suite ce qu'il manque à ce nouveau monde et demande à voir les meilleurs biologistes pour de leur demander :

  • Où sont les animaux ? Et vous mangez quoi comme légumes ? Il faut faire quelque chose, organisons aussi le rappatriement d'une vraie arche organique et végétale.

Pour la rassurer, ils l'amènent à la ferme, au centre de l'île où il y a un village traditionnel où les habitants vivent normalement, comme avant, près de la nature qui leur donne tout ce dont ils ont besoin.

Aline est invitée chez Alice au bord de la plage. Elle s'installent confortablement sous un préau face à la mer pour discuter tranquillement. Aline est surprise par son double plus jeune, plus belle, plus fine et plus intelligente mais pas suffisament pour tout comprendre. Peut-être qu'il faut faire appel à autre chose, à son instinct, à l'Invisible ? Alice expose ses impressions à Aline :

  • Il n'y a pas d'explication génétique ou autre. Nos deux mondes sont peut-être liés plus qu'on ne le croit. Mais de quelle façon ? Nos ressemblances sont juste un signe à une raison qu'on ignore. Pour nous je peux comprendre, nous sommes des cheffes dans nos mondes. Mais ma Cendrine et ta Sandrine ? Peut-être faut-il la faire venir avant aussi ? C'est sans doute un signe pour nous dire que notre Cendrine a un rôle à jouer ici. Notre monde a bien changé depuis 1989. C'était une société très scientifique et politisée qui a passé des années à se faire la guerre. Notre Salut est venu de l'Espace, la réponse à tout ça était dans le vide au milieu de nulle part, dans le rien intersidéral. Victor l'a découvert quand il était perdu dans l'espace temps. Il est allé si loin qu'il ne voyait plus d'étoiles autour de lui, sans doute entre deux multivers, là où le même le temps n'existe plus. Il en est revenu avec une Foi qu'il arrive à transmettre à une seule personne à la fois dans un rituel étrange. Pour moi ça a été une formation de pilotage. Il était mon instructeur. Mais il m'a préparée à bien plus. Et toi, ça a commencé quand ?
  • Le 31 août 1997, j'étais une petite fille de 10 ans, il y a eu un rituel sur moi aussi. Et j'ai eu la Foi. J'ai failli être religieuse, catholique. Un jeune homme protestant m'a détourné de ce chemin. Patrice, je te le présenterai, il a été notre guide dans l'Invisible. Ensuite j'ai travaillé dans l'aide sociale et j'ai y fait des rencontres importantes, d'autres hommes qui sont entrés dans ma vie et Aurélie. Je ne sais pas comment ça se passe ici mais est-ce que je peux prendre tes mains pour voir qui tu es vraiment ?
  • D'accord et moi je te montre comment on fait ici. Mais c'est un peu, invasif. Est ce que tu permets que je te montre ?

Alice s'approche. Aline lui prend les mains, ferme les yeux et attend l'intervention d'Alice qui pose ses lèvres sur les siennes et commence à l'embrasser. Aline serre les mains, reçoit, accepte et fini aussi par embrasser Alice. Chacune voit la vie de l'autre défiler. Alice se retire :

  • Ça alors, tu as été élevée dans une ferme aussi.
  • Oui, mes parents étaient éleveurs de moutons dans l'Yonne, en Bourgogne Franche-Comté, la région française qui touche la Suisse.
  • Moi mes parents sont biologistes, ils élèvent des animaux aussi, Aurélie est avec eux en ce moment.
  • Toi tu es née ici dans ce monde, tu as échappé à ton destin, tu n'a pas voulu suivre tes parents, tu as travaillé dans une administration qui s'est révélée illégale et tu as dû en payer les conséquences. La police t'a imposé un contrat pour travailler pour eux. Tu es devenue un agent brillant contre le crime. Mais tu as démissionné pour écourter ta peine et faire plus dur encore.
  • Oui je me suis retrouvée dans l'armée à apprendre à piloter des engins de guerre. C'était il y a longtemps. Il y avait encore des crimes et des guerres. C'était dur de combattre tout ça, c'était une punition de condamné. Les aéronefs étaient vieux et compliqués. Je passais des heures dans le cockpit au sol à me familiariser avec les instruments. Un jour un instructeur m'a remarquée, toute seule dans mon avion cloué au sol à méditer devant les commandes. C'était un spationaute qui purgeait sa peine aussi, il avait disparu dans l'espace et il est resté introuvable pendant longtemps.
  • Victor ?
  • Oui, il a décidé de m'aider. Il m'a tout enseigné à un niveau bien plus élevé que nécessaire. J'ai battu tous les records de l'escadron, il m'a fait faire des choses que même lui ne sait pas faire. En fait il savait que l'Agence spatiale cherchait un pilote pour retourner sur Terre en 2003 pour intervenir sur Greta. J'ai été repérée. J'ai fait la mission. En revenant j'ai eu une promotion à la tête d'un service de renseignement qui donnait accès à beaucoup de savoir et de pouvoir. J'avais ensuite le profil pour siéger au conseil de sécurité où j'ai travaillé avec le père de Victor, Vivien Virein pour finalement en prendre la direction et le mettre en sommeil avec la disparition des menaces grâce aux mouvement des jeunes qui se sont tournés vers une existence plus spirituelle.
  • L'Invisible.
  • Oui, celui que Victor a détecté, découvert et ramené du fin fond de l'Espace. Ça a beaucoup plus, à tout le monde.
  • Alice, je ne vais pas repartir. Je reste. Aurélie et Heidi sauront très bien gérer toutes seules l'exode. Est-ce qu'on peut continuer ? De s'embrasser.

Alice est surprise, intriguée et excitée. Mais elle comprend cette fois-ci. Elle sait qu'Aline veut aller plus loin que cette simple connexion. Elle hésite, elle doute. Aline la déstabilise. Alice est troublée. Aline attend une réponse, elle regarde Alice de façon intense et profonde. Alice se sent dominée, possédée. Elle succombe. Elle accepte. Elle se lève et entraîne Aline vers la chambre. La porte se referme sur leur intimité. Un peu plus tard, dans le lit humide, elle se réveille encore en elle. Elle reprend ses esprits :

  • Tu m'as soumise, à la tentation. Pour me délivrer du bien.
  • Tu connais la Bible ?
  • Je l'ai découvert quand je travaillais au renseignement. Il y avait les autres livres sacrés mais la Bible est particulière. Elle a été écrite sur 6 siècles. Elle mélange réalité et fiction en ne gardant que l'essentiel. Elle dit tout.
  • Tu sais, Jésus... Il n'a pas existé.
  • Oui je sais. Tous les dirigeants chrétiens le savaient aussi. Mais ce détail était loin de remettre en cause leur Foi. On comprend, on ressent mieux tout ça ici, avec la distance et le recul. Etre avec toi me rappelle tout de suite la Bible. Il y a quelque chose de magique. C'est tellement évident. En quelques heures on a fait tout le parcours Aline. D'abord le I, ensuite le S, maintenant...
  • Je t'aime Alice.
  • Je t'aime, Aline.
  • On a les mêmes yeux.
  • Peut-être la même âme.
  • Je dois aller les attendre à Castle 2 Bis.
  • Je viens avec toi.

Aurélie repart également convaincue et pleine d'espoir et d'envie de tout recommencer dans cet ailleurs où le I, le S et le A ne sont pas des particularités mais l'essence même du nouveau monde qui les attend toutes et tous.

***

L'Arche de Zoé s'organise, l'exode commence. Finalement toutes les stations sont convaincues d'évacuer. Elles le font en cascade, en allant sur la station de proximité en direction de la S25 qui est la plus près de la Suisse. Des avions de ligne transportent Castle 1 et 2 jusqu'à Genève. Il en est de même pour l'Hôtel du Châtelet à Paris où sa réplique l'attend de l'autre côté. Heidi organise la récupération de Stockholm, de la coalition Nord et de quelques groupes d'Amérique, les autres continents ne donnent plus signe de vie.

Pendant ce temps, je pouponne avec ma petite Isa Love, l'élue de l'autre monde, elle est attendue comme la Messie, personne ne sait pourquoi cette lignée de Patrice et du père Simon est si importante. Connectée à ma petite Isa Love, je sens qu'elle a d'autres réponses à tout ce qui se passe. Comme Noëlle est la plus puissante de cette lignée et qu'elle fait souvent de la méditation transcendantale, elle a peut-être d'autres explications importantes à fournir. Justement, elle vient à Stockholm pour participer à l'évacuation de la ville, on manquait de pilotes. C'est l'occasion de la voir. Je l'invite au palais. Elle arrive en tenue de vol avec la dégaine d'une aventurière en guerre.

  • Bonjour Noëlle. Que penses-tu de tout ce qui se passe ?
  • Je pense que c'est un honneur d'avoir une seconde chance, en plus il paraît qu'il y a plein de beaux garçons là-bas ?
  • Je veux dire, de l'ensemble de la situation. As-tu ressenti des choses en méditation ?

Je crois qu'elle ne m'entend pas. Elle admire les murs, le plafond, les tapis. Elle a l'air ailleurs.

  • Je sens sa présence. Est-ce que je peux la voir ? Isa Love.

Mais bien-sûr ! Les deux ensemble connectées. Elles le sont peut-être déjà. Je l'amène à la pouponnière, Clara est avec le bébé. Noëlle s'exclame de joie, elle est tellement heureuse de revoir Clara, la fille de son prof de français de lycée près de Dijon, que de chemin parcouru... Elle lui donne des nouvelles de Florence, une connaissance commune et proche apparemment.

  • Est ce que je peux la toucher ? Bonjour petite Isa.

Et là, Noëlle comprend tout, voit tout, dans son ensemble. Elle se retourne vers Greta et raconte :

  • Ce n'est pas la première fois que l'exode a lieu. Le scénario se répète encore une fois. La dernière fois, c'était l'évacuation de Mars. Pour un monde meilleur. Et voilà ce qu'on en a fait. Greta, il va falloir être plus activiste encore pour le prochain monde, pour que ce soit la dernière fois qu'on bousille une planète. Et Isa Love est la bonne personne à suivre pour ça. Sans elle, Alice Clerc ne nous aurait jamais acceptée dans son monde. Isa Love est la personne la plus importante de nos deux mondes réunis qui ne le seront pas sans elle.

***

Greta, en capitaine de l'Invisible, tient à être la dernière à quitter le navire. Tout le monde est arrivé à bon port. Ses femmes et sa fille l'attendent sur le toit du Palais Royal Bis de New Stockholm. Sa montre passe en vert. Avant de se retourner et de toucher le mat, elle regarde une dernière fois vers le nord, une dernière aurore boréale lui adresse un ultime adieu, comme un grand voile vert qui se secoue à l'horizon. Greta lui répond en une phrase qui résume ce que l'Humanité a fait de cette planète, un simple message de trois mots, une question qui l'a fait connaître du monde entier, une triste prophétie qui a eu lieu et qui se termine dans cet univers où tout à une fin :

  • How dare you ?

Avant de passer d'un univers à l'autre, Greta se rappelle son discours lorsqu'elle s'est adressée du haut de ses 16 ans aux plus puissants dirigeants de l'Humanité. Tous ces interlocuteurs ne sont plus là pour voir ce qu'il en est aujourd'hui. Il n'y a plus personne pour diriger l'Humanité sur cette Terre. Il n'y a plus d'Humanité. Il n'y a plus de Terre non plus. Tout est cassé. Tout est détruit. Tout disparaît dans un énorme gâchis. Peu importe la raison. Peu importe les prophètes. Quand on est capable du meilleur on est aussi capable du pire. Personne ne veut l'écouter, la croire ou la suivre. Mais la résistance s'organise. Les survivalistes se préparent. Les sociétés secrètes les soutiennent. C'est le destin de l'Humanité. C'est le destin de Greta :

Ce n'est pas normal. Je ne devrais pas être ici. Je devrais être en classe de l'autre coté de l'océan. Et pourtant vous venez tous nous demander d'espérer à nous les jeunes. Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et ma jeunesse avec vos mots creux. Et encore, je fais partie des plus chanceux ! Des gens souffrent, des gens meurent, et des écosystèmes s'écroulent. Nous sommes au début d'une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez c'est d'argent, et de contes de fées racontant une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ? Depuis plus de 30 ans, la science est parfaitement claire. Comment osez-vous encore regarder ailleurs ? Vous venez ici pour dire que vous faites assez, alors que les politiques et les actions nécessaires sont inexistantes. Vous dites que vous nous entendez et que vous savez que c'est urgent, mais peu importe que je sois triste ou énervée, je ne veux pas y croire. Car si vous comprenez vraiment la situation, tout en continuant d'échouer, c'est que vous êtes mauvais, et ça je refuse de le penser. L'idée commune qui consiste à réduire nos émissions de moitié dans dix ans ne nous donne que 50% de chances de rester en dessous des 1,5° de réchauffement, et du risque d’entraîner des réactions en chaîne irréversibles et incontrôlables. 50%, c'est peut-être acceptable à vos yeux, mais ce nombre ne comprend ni les moments de bascule, ni les réactions en chaîne, ni le réchauffement supplémentaire caché par la pollution toxique de l'air ou les notions d'égalité et de justice climatique. Ces chiffres reposent aussi sur l'idée que ma génération réussira à absorber des centaines de milliards de tonnes de CO2, avec des technologies encore balbutiantes. Donc 50% de risque de rester en dessous des 1.5° de hausse des températures, ce n'est pas acceptable pour nous, qui devrons vivre avec les conséquences. Comment pouvez-vous prétendre que ceci peut être résolu en faisant comme d'habitude, avec quelques solutions techniques ? Avec les niveaux d'émissions actuels, le budget CO2 aura entièrement disparu en moins de huit ans et demi. Aucune solution, aucun plan ne sera présenté pour résoudre ce problème ici, car ces chiffres dérangent, et que vous n'êtes pas assez matures pour dire la vérité. Vous nous laissez tomber. Mais les jeunes commencent à voir votre trahison. Les yeux de toutes les générations futures sont tournés vers vous. Et si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis : nous ne vous pardonnerons jamais ! Nous ne vous laisserons pas vous en sortir. Nous mettons une limite, ici et maintenant : le monde se réveille et le changement arrive, que cela vous plaise ou non. Merci !

Et tout le monde applaudit la porte parole d'une Humanité qui n'existe plus. Greta s'est trompée. Greta a échoué. Son engagement est terminé. Libérée et délivrée de son destin, elle est enfin elle-même, c'est décidé, elle s'en va.

Bande originale

007. Les refuges Julien Clerc - Mon Refuge

010. Le petit homme Zazie - Adam Et Yves

014. Le retour d’expérience Zazie – Adieu tristesse

015. Les réceptifs Enrico Macias - l'Oriental

019. Le chemin Tonton David – Chacun sa route

020. Les confessions Louane – Nos secrets

022. La rencontre Grand Corps Malade – Rencontres

025. La Noël Mariah Carey - All I want for Christmas is you

031. La fermeture Mylène Farmer – Désenchantée

032. L’aurore William Sheller – Les filles de l’aurore

033. La possession Kati – À demi-frère / Eve Angeli – C’est ma prière

034. La maîtrise Laurent Voulzy – Le pouvoir des fleurs

035. L’aventure Véronique Sanson – Amoureuse

040. Les secrets Lulu Gainsbourg – L’eau à la bouche

042. Les nouveaux et les anciens Jean-Jacques Goldman – Tu es de ma famille

045. Le breuvage Camille - Fontaine de lait

047. Les anges blancs Robbie Williams – Angels

049. Le passé de l’avenir Manau – L’avenir est un long passé

055. La poupée Danielle Darrieux – Chanson pour une poupée

059. Scènes coupées au montage 51. Demis Roussos – Quand je t’aime

059. Scènes coupées au montage 57. The Newton Brothers – Were you there

063. Le papy Lara Fabian - La différence

064. Fred·éri·c·que Natasha St-Pier - Quand on cherche l'amour

067. Aline Christophe - Aline

072. L’annexe d’Aline Therapie Taxi – Aline / Olé Chœur – Minuit, chrétiens

075. Le poème Les Enfoirés – Liberté

076. Suzanne Clara Luciani - Ma sœur

080. Les papas Serge et Charlotte Gainsbourg - Lemon Incest

082. Le maire Angèle – Démons feat Damso – Live Orchestral Blogothèque

084. Les Bretons Nolwenn Leroy - Bro gozh ma zadoù

087. Gabrielle Wejdene – Je t’aime de ouf

090. La fin Mozart – Requiem (Orchestre national de France)

091. How dare you ? Angèle – Ta reine

094. La station 21 Chris Hadfield – Space Oddity

095. ‘ Stromae – L’enfer

097. La légende H Barbara Pravi – On m’appelle Heidi

098. La fuite Véronique Sanson – Une nuit sur son épaule

099. La sixième EM Mike Brant – Laisse-moi t’aimer

100. 2057 The doors - The end

This is the end, beautiful friend
This is the end, my only friend, the end
Of our elaborate plans, the end
Of everything that stands, the end
No safety or surprise, the end
I'll never look into your eyes, again
Can you picture what will be, so limitless and free
Desperately in need, of some, stranger's hand
In a desperate land
Lost in a Roman wilderness of pain
And all the children are insane
All the children are insane
Waiting for the summer rain, yeah
There's danger on the edge of town
Ride the king's highway, baby
Weird scenes inside the gold mine
Ride the highway west, baby
Ride the snake, ride the snake
To the lake, the ancient lake, baby
The snake, he's long, seven miles
Ride the snake, he's old, and his skin is cold
The west is the best, the west is the best
Get here, and we'll do the rest
The blue bus is callin' us, the blue bus is callin' us
Driver, where you takin' us?
The killer awoke before dawn, he put his boots on
He took a face from the ancient gallery
And he walked on down the hall
He went into the room where his sister lived, and, then he
Paid a visit to his brother, and then he
He walked on down the hall, and
And he came to a door, and he looked inside
Father, yes son, I want to kill you
Mother, I want to fuck you
Come on, baby, take a chance with us
And meet me at the back of the blue bus
Doin' a blue rock, on a blue bus
Doin' a blue rock, come on, yeah
Fuck, fuck, ah, yeah
Fuck, fuck, fuck, fuck, fuck, fuck, fuck, yeah
Come on, baby, come on
Fuck me, baby, fuck, yeah
Fuck, fuck, fuck, yeah
Fuck, yeah, come on, baby
Yeah, fuck me, do, yeah
Come on, yeah, yeah, alright
Kill, kill, kill, kill, kill, kill
This is the end, beautiful friend
This is the end, my only friend, the end
It hurts to set you free
But you'll never follow me
The end of laughter and soft lies
The end of nights we tried to die
This is the end

*

C'est la fin, belle amie
C'est la fin, mon seul ami, la fin
De nos plans élaborés, la fin
De tout ce qui se tient, la fin
Pas de sécurité ni de surprise, la fin
Je ne te regarderai plus jamais dans les yeux
Pouvez-vous imaginer ce qui sera, si illimité et gratuit
Désespérément besoin, de la main d'un étranger
Dans un pays désespéré
Perdu dans un désert romain de douleur
Et tous les enfants sont fous
Tous les enfants sont fous
En attendant la pluie d'été, ouais
Il y a du danger à la périphérie de la ville
Montez sur l'autoroute du roi, bébé
Scènes étranges à l'intérieur de la mine d'or
Roulez sur l'autoroute vers l'ouest, bébé
Chevauche le serpent, chevauche le serpent
Vers le lac, l'ancien lac, bébé
Le serpent, il est long, sept milles
Chevauche le serpent, il est vieux et sa peau est froide
L'ouest est le meilleur, l'ouest est le meilleur
Viens ici, et nous ferons le reste
Le bus bleu nous appelle, le bus bleu nous appelle
Chauffeur, où nous emmènes-tu ?
Le tueur s'est réveillé avant l'aube, il a mis ses bottes
Il a pris un visage de l'ancienne galerie
Et il a marché dans le couloir
Il entra dans la chambre où vivait sa sœur, puis il
A rendu visite à son frère, puis il
Il marcha dans le couloir, et
Et il est venu à une porte, et il a regardé à l'intérieur
Père, oui fils, je veux te tuer
Mère, je veux te baiser
Allez, bébé, tente ta chance avec nous
Et retrouvez-moi à l'arrière du bus bleu
Je fais un rock bleu, dans un bus bleu
Faire un rock bleu, allez, ouais
Putain, putain, ah, ouais
Baise, baise, baise, baise, baise, baise, baise, ouais
Allez, bébé, allez
Baise-moi, bébé, baise, ouais
Baise, baise, baise, ouais
Putain, ouais, allez, bébé
Ouais, baise-moi, fais, ouais
Allez, ouais, ouais, d'accord
Tuer, tuer, tuer, tuer, tuer, tuer
C'est la fin, belle amie
C'est la fin, mon seul ami, la fin
Ça fait mal de te libérer
Mais tu ne me suivras jamais
La fin des rires et des doux mensonges
La fin des nuits où nous avons essayé de mourir
C'est la fin

*

Detta är slutet, vackra vän
Detta är slutet, min enda vän, slutet
Av våra utarbetade planer, slutet
Av allt som står, slutet
Ingen säkerhet eller överraskning, slutet
Jag kommer aldrig att titta in i dina ögon igen
Kan du föreställa dig vad som kommer att bli, så obegränsat och fritt
Desperat i behov av någon främlings hand
I ett desperat land
Förlorad i en romersk vildmark av smärta
Och alla barn är galna
Alla barn är galna
Väntar på sommarregnet, ja
Det är fara i utkanten av staden
Åk kungens motorväg, älskling
Konstiga scener inne i guldgruvan
Åk motorvägen västerut, älskling
Rid på ormen, rid på ormen
Till sjön, den antika sjön, baby
Ormen, han är lång, sju mil
Rid på ormen, han är gammal och hans hud är kall
Väst är bäst, väst är bäst
Kom hit, så sköter vi resten
Den blå bussen ringer oss, den blå bussen ringer oss
Förare, vart tar du oss?
Mördaren vaknade före gryningen, han tog på sig stövlarna
Han tog ett ansikte från det antika galleriet
Och han gick vidare i korridoren
Han gick in i rummet där hans syster bodde, och sedan han
Gick på besök hos sin bror, och sedan han
Han gick vidare i korridoren och
Och han kom till en dörr och tittade in
Far, ja son, jag vill döda dig
Mamma, jag vill knulla dig
Kom igen, älskling, ta en chans med oss
Och träffa mig längst bak i den blå bussen
Gör en blå sten, på en blå buss
Gör en blå sten, kom igen, ja
Fan, fan, ah, ja
Fan, fan, fan, fan, fan, fan, fan, fan, ja
Kom igen, älskling, kom igen
Fan mig, älskling, fan, ja
Fan, fan, fan, ja
Fan, ja, kom igen, älskling
Ja, knulla mig, gör, ja
Kom igen, ja, ja, okej
Döda, döda, döda, döda, döda, döda
Detta är slutet, vackra vän
Detta är slutet, min enda vän, slutet
Det gör ont att släppa dig fri
Men du kommer aldrig att följa mig
Slutet på skratt och mjuka lögner
I slutet av nätterna försökte vi dö
Det här är slutet

Greta est accueillie sur le toit de son palais royal bis par Gabriel qui porte son Isa Love.

  • Gabriel, on quitte ce palais et on va se cacher dans le village, loin des plages de l'ouest. Dans ce nouveau monde je veux redevenir anonyme. J'en ai marre d'être une leader. Et j'ai perdu la planète.
  • Le village est rempli de leaders à la retraite. Aurélie est déjà sur place. Mon père est à l'ouest du côté de la cathédrale avec Phoebe. Ma mère est à l'ouest aussi, à la Russell School.
  • Et Simone ?
  • À l'ouest aussi, avec Abi, Sophie et Aline.
  • Frances ?
  • Castle 1 bis.
  • Bien. On va enfin pouvoir être une vraie famille alors.

Tout ne fait que commencer.

Annotations

Vous aimez lire Christ M.org ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0