chap 5 provisoire

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Loïs se posa sur la paillasse du grenier qui avait été aménagée pour son logement. Elle avait besoin de comprendre ce qu'il s'était passé, à quel moment tout cela avait dérapé, mais plus elle y repensait et moins cela n'avait de sens. Cela gardait surtout vivace la peur qu'elle avait ressentis alors, toutes mains, toutes ces attentions avides tendues vers elle. La troubadour en frissonnait encore et ne trouvait le sommeil. Il n'y avait que lorsqu'elle repensait aux bras du Pèlerin qu'elle retrouvait un peu de paix, d'apaisement.

Après plus d'une heure à tourner et à se retourner sur sa paillasse, elle décida qu'elle en avait assez. Ses chèvres lui manquaient, Loïs ignorait si elles allaient bien depuis la dernière fois qu'elle les avait vue.

Sans faire de bruit, Loïs enjamba comme elle le pus et le plus discrètement possible les corps enchevêtrés des endormis qui envahissaient chaque centimètres carré de libre de l'auberge. Tous semblaient atteints d'un sommeil profond qui les rendaient indifférents aux légers craquements du bois sous les pas de la naine, et certains se réveilleraient aussi avec des doigts écrasés en accusant leurs voisins de l'impotence d'une autre. Si la troubadour fut troublé de ses maladresses, elle ne s'en excusa pas et parvint à traverser l'auberge sans encombre. L'air frais et le silence de la nuit l'accueillir, elle apprécia le premier, mais le second la laissa perplexe.

Le bourg était calme, terriblement calme, comme vide. Personne ne semblait avoir eu l'idée de perpétuer la fête jusqu'à l'aube et même les animaux ne s'adonnaient pas à troubler le silence nocturne. Une lourde chape de sommeil semblait peser sur les habitations et Loïs se retrouva envieuse du repos auquel tous avaient le droit sauf elle. Une bourrasque lui apporta le chant du vent dans les arbres, au souvenir de sa forêt bien aimée, Loïs s'apaisa et repris son chemin en direction de l'écurie. Trois enjambées, une cheville écrasée et un copieux juron à demi-étouffé plus loin, elle atteignait cette maudite porte et l'ouvrait.

En guise de veilleuse, une lampe à huile fermement protégée par un globe de verre éclairait chichement les lieux qu'elle découvrait pour la première fois. En découvrant le petit être difforme, un grand destrier renâcla perplexe face à cette menace. La troubadour ponctua la surprise du canasson d'un « ta gueule » avant de refermer la porte derrière elle. Elle chercha ses ovines du regard, mais trop petite pour voir par dessus les cloisons des stalles, elles dû se résoudre à les appeler.

— Par ici, répondit à leur place le Pèlerin.

Loïs dû sauter pour atteindre le loquet de la stabulation, qui sauta de son logement sans qu'elle ne sus trop comment. Elle ouvrit la porte et trouva là, allongé dans la paille le Pèlerin autour duquel et sur-lequel les chèvres avaient décidés de passé la nuit. Tartare tourna la tête vers sa maîtresse et bêla joyeusement en la reconnaissant.

— Toi aussi ta gueule, grommela la naine en adressant une caresse à l'ovine, puis elle s'approcha de son compagnon de voyage et s'allongea à sont tour contre les flancs de son compagnon de voyage. Le Pèlerin la laissa faire sans un mot.

— Et pas d'entourloupe ! Le prévint-elle en se blottissant contre lui.

Le voyageur répondis simplement d'un sourire et repris sa contemplation du myosotis séché qu'il faisait tourner distraitement entres ses doigts. Loïs n'y prêta attention qu'une seconde puis tapis son nez contre l'épaule du Pèlerin. Il sentait bon l'humus et la forêt, comme ci, à force de dormir à la belle étoile il avait finis par ne faire plus qu'un avec son environnement. Elle l'enviait un peu : quelle odeur dégageait-elle ? Sans doute celle de ses chèvres et de la poussière des chemins, mais bon, son public sentait le plus souvent le cul des vaches, la sueur et la bière dégueulasse y avait-il vraiment quelqu'un pour la juger ? Loïs se promit de prendre un bain bientôt.

Sur ses pensées elle se lova un peu plus contre son compagnon de voyage. Il ne dit rien. Il tournait, encore et toujours, le fragile végétal séché entre ses doigts. Il l'observait impassible, mais il y avait dans les rotations qu'il imprimait au myosotis quelque chose de trop lent pour qu'il soit aussi indifférent qu'il voulait le paraître. Il tournait la fleur, s'arrêtait sans raison, reprenait un instant après la rotation, la stoppait encore avant qu'elle n'eut fait un tour complet. Cette ritournelle semblait trop fracturée pour n'être que dû à la contemplation. En signe de soutiens muet, la troubadour ferma ses doigts sur un pan de la chemise du Pèlerin et la serra doucement avant de relâcher la pression. De sa grande main barrée d'un cicatrice, il couvrit sa menotte, pressa doucement ses doigts et la relâcha pour lui signifier qu'il acceptait sa sollicitude.

Il y a quelques années, Loïs avait toujours vu chez un homme la patience et la douceur comme des faiblesses de caractère impardonnable. Peut-être pas la patience. Mais la douceur certainement ! Il n'y avait rien de plus désagréable qu'un homme efféminé se laissant marcher sur les pieds par tous ce qui portait des bottes. C'était déjà déplaisant chez une femme, alors chez un homme ! Mais depuis quelques temps déjà, Loïs en venait à remettre son jugement en question. Le pèlerin était doux et prévenant, pour autant il savait aussi se montrer fermer et assuré. Il n'y avait qu'à voir la façon dont il l'avait reprise des bras du chevalier ! Il assumait pleinement les traits de sa personnalité, il en faisait une force. Et la troubadour l'admirait un peu pour cela. Être attentif aux autres, n'était plus aux yeux de la troubadour une faiblesse, mais elle était encore loin de vouloir s'y essayer ! Elle l'appréciait chez le voisin, voilà tout.

— Eh ! Pèlerin c'est quoi ton vrai nom ?

Le myosotis séché se raidis entres ses doigts, puis repris son balais. Un tour à droite. Un tour à gauche. Un tour complet. Un tour à droite...

— Si j'ai jamais eu un nom, il est perdus aujourd'hui.

Un tour à gauche.

— Qui n'a pas de nom de nos jours ? Et pourquoi serait-il perdus ?

Un tour à droite.

— Parce qu'il n'y a plus personne qui veuille ou ne puisse s'en souvenir ?

Un tour complet.

— Ça à avoir avec ta fleur ?

Une hésitation. Un tour à droite.

— La première que j'ai offerte à mon épouse. Elles ont vécus ensembles...

Un tour complet.

Il n'acheva pas sa phrase, il n'en avait pas besoin. Loïs se pressa un peu plus contre lui, comme si elle pouvait combler de son petit corps l'immense chagrin qui habitait le voyageur. En réponse à sa sollicitude, il couvrit de nouveau sa menotte de sa grande paluche et serra doucement ses minuscules doigts d'enfants de ses longs doigts d'adulte.

— Il faut dormir maintenant, chuchota-t-il avant de poser un baiser sur son front.

Loïs sentis un apaisement la saisir. Elle n'avait jamais connus une telle paix intérieur qu'à cet instant. Elle ferma les yeux et avant qu'elle ne s'en rende compte, elle s'était endormit d'un sommeil profond et sans rêve.

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