junkie part 3

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Son poing se serra avant de rencontrer violemment l'objet qui lui renvoyait une image horrible d'elle-même, projetant des bouts de verre rouillés partout dans la pièce. Elle ne grogna pas quand quelques-unes de ces lames pénétrèrent sa peau légèrement bronzée, ni quand les premières gouttes de sang perlèrent et s'écrasèrent sur le sol immaculé. 

    Personne ne pourrait plus la sauver, pas même elle.

« Tout ira bien, Luce. »

    Elle retira sa main ensanglantée des débris du miroir, sans laisser paraître aucune émotion sur son visage. Ses genoux se plièrent tandis qu'elle se baissait et ouvrait les placards un à un. Ses sourcils se froncèrent alors qu'elle approchait du dernier, les sachets devaient forcément s'y trouver. Elle retint son souffle quand elle l'ouvrit, et ses yeux s'écarquillèrent. Vide. Ce placard, et tous les autres, étaient tout ce qu'il y avait de plus vide. Paniquée, elle se releva brusquement et fouilla son appartement de fond en comble, sans rien trouver. La blonde finit par se jeter sur son lit, les yeux grands ouverts. Elle avait épuisé son stock, en seulement deux semaines. Alors qu'il devait tenir au minimum un long mois. Toutes ses économies y étaient passées, il ne lui restait rien. Seulement une seringue vide et désormais inutile, et un désespoir toujours plus grand. 

    Son cerveau tournait à plein régime. Elle ne tiendrait pas un jour sans sa piqûre, sauf en devenant complètement folle. Il fallait qu'elle trouve une solution, et vite. Sinon elle risquait d'y passer. De l'argent, c'est tout ce dont elle avait besoin. Avec de l'argent, on arrivait à tout, elle y arriverait. Son dealer. Elle devait le contacter, lui donner rendez-vous. Où était son téléphone portable ?  

Elle le chercha frénétiquement, sous l'emprise d'une soudaine montée d'adrénaline, et finit par le trouver au pied de son lit. C'est avec des mains tremblantes qu'elle composa le numéro de son fournisseur du bonheur, priant pour qu'il réponde immédiatement. Une, puis deux, trois sonneries. Il ne décrocha qu'à la cinquième, avec une voix plus grave qu'auparavant, et lui demanda pourquoi elle l'appelait alors qu'elle n'en avait pas le droit. C'était la première règle des dealers. La jeune fille s'expliqua avec une voix stridente, qui révélait sa panique, et faisait de grands gestes, comme pour aider à la compréhension de son récit. Sauf que le concerné ne les voyait pas. Après avoir fini son récit embrouillé qui dura quelques minutes, un silence se fit sur la ligne. Elle se demanda si elle n'avait pas parlé dans le vide, lorsque son interlocuteur reprit la parole avec une voix calme et posée :

    « Ecoute, Lucy, je t'en ai refilé y a deux semaines. Deux putain de semaines. T'as l'argent ? Si t'en as pas, tu m'oublies. Je refile pas de la came gratuite, sinon je coulerais. Même pour toi. Trouve-moi du pognon, et on se voit. Tu peux en avoir, pas vrai ? Viens pas les mains vides, Lucy, parce que tu repartiras les mains vides. Ou le crâne rempli de plomb. A toi de voir. »

    Et il raccrocha, laissant la blonde bouche bée de l'autre côté du fil. De l'argent ? Elle avait tout dépensé, n'avait plus rien. Avait même dû sacrifier certains repas pour se payer ses doses précédentes. Sa prise sur son téléphone se desserra, le laissant chuter au sol avec un bruit mat. La blonde baissa légèrement la tête : l'écran était fissuré. C'était la goutte de trop.  

    Avec un regard rempli de rage, elle saisit sa lampe de chevet et l'envoya avec une incroyable violence contre le mur déjà abîmé. Elle y rebondit avec un bruit de verre brisé, l'ampoule venait d'éclater. Sans y prêter attention, elle s'approcha, le pas lourd et déterminé, de son bureau qu'elle débarrassa furieusement à l'aide de ses bras. Toutes ses affaires tombèrent dans un fracas de sons bien différents, mais sa rage ne semblait pas se calmer. C'est ainsi qu'elle retourna sa chambre, y mit le désordre le plus complet, jetant tout ce qu'elle pouvait contre les murs, le sol, sans jamais être satisfaite. Rien n'y échappa, que ce soit plus ou moins difficile à fracasser, la blonde mettait un point d'honneur à tout détruire. Le sourire aux lèvres. Puis ce fut la cuisine qui subit les ravages de sa colère, la tornade qu'était devenue la jeune fille pulvérisa assiettes, verres, plats et autres objets plus banals les uns des autres. 

Essoufflée, elle finit par s'arrêter pour tenter de reprendre son souffle, ce qu'elle fit avec difficulté. Son sourire avait fini par s'évanouir, laissant la place à une incompréhension totale. En sueur, vacillante, elle se laissa glisser au sol, les yeux fermés. Un frisson la parcourut quand ses fesses rencontrèrent le carrelage glacé, mais elle resta ainsi pendant quelques minutes qui lui semblèrent durer une éternité.  

    C'était la première fois qu'elle agissait ainsi, qu'elle laissait véritablement transparaître ses sentiments. Ce qui avait été particulièrement violent, son ridicule appartement en était la preuve. Soupirant, elle se prit la tête entre les mains, les yeux toujours clos. Elle devait faire quelque chose. Rester assise sur un sol gelé ne l'aiderait pas, sa dose ne viendrait pas à elle toute seule. Ce serait à elle d'aller la chercher. Un sourire mauvais étira ses lèvres, elle devint repoussante pendant quelques secondes avant de secouer sa tête de gauche à droite, chassant ce sourire pervers qui ne lui correspondait pas. Elle perdait complètement les pédales, ses pensées étaient floues tandis qu'une idée lui traversait l'esprit. Une idée aussi mauvaise que son sourire, une idée qui faisait bouillir son sang et trembler tous ses membres. Une idée aussi folle que dangereuse, mais qui la tentait terriblement. De toute façon, elle n'avait plus le choix. Elle devait foncer, avant de couler, avant de se noyer totalement. Elle devait foncer pour pouvoir vivre, être bien.

    Elle finit par rouvrir ses yeux chocolat, lentement. Ils étaient encore plus sombres qu'à leur habitude. Et c'est avec un air déterminé qu'elle se releva, se dirigea vers sa chambre et ouvrit les portes de son armoire. Dégageant quelques vêtements, sa main rencontra enfin ce qu'elle recherchait. Le contact du métal frais sur sa peau la fit frémir tandis qu'elle entreprit de le sortir de ce tas de vêtements usés. Son neuf millimètres lui avait manqué. Le Sig Sauer qu'elle gardait depuis qu'elle avait eu les moyens d'en acheter un allait enfin servir à quelque chose. Le reposant doucement sur son bureau vide, elle saisit un jean noir ainsi qu'un débardeur simple, s'habilla, puis se dirigea dans sa salle de bains. 

Et affronta à nouveau son reflet qui lui déplaisait tant. Elle lui tira la langue, saisit sa vieille trousse de maquillage inutilisée depuis presque un an, et en sortit de quoi camoufler ses cernes et son teint plus que pale, ce qu'elle fit en quelques minutes seulement. La blonde jaugea son visage dans la glace brisée, avant de lâcher un soupir de résignation et de sortir de la pièce, attrapant sa veste noire et son téléphone portable au vol. Elle composa un numéro, donna un lieu de rendez-vous avant de raccrocher et de fourrer l'arme dans sa poche.  

    Il était temps de sortir les crocs.

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