Paris, aéroport CDG, 23 décembre

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Une file interminable attend nos héros au contrôle des douanes. Tandis que Bobette semble, comme la plupart des gens, absorbée par son étrange téléphone sans fil, Tintin et son ami prennent leur mal en patience. Le Commandant Morane et Jean-Claude tentent sans succès d'amadouer le gros gendarme moustachu qui autorise au cas par cas l'accès au guichet prioritaire. Mais le gendarme jouflu est intraitable et Morane fulmine.

— Croyez bien que je ne risque pas d'oublier votre matricule ni d'en rendre compte à votre hiérarchie, 212. Nous sommes ici en mission et n'avons pas de temps à perdre en formalités.

— Laissez donc, Commandant, intervient Tintin. Nous en avons encore pour dix minutes tout au plus.

C'est à ce moment que, derrière eux, un cocker échappe à la vigilance de son maître. L'animal, rendu comme fou par le long confinement dû au vol, s'enfuit à toutes pattes en aboyant joyeusement. Milou, bien sûr, n'y tient plus et lui emboite le pas. Les deux canidés se courent maintenant l'un après l'autre dans un joyeux tintamarre, poursuivis l'un par Tintin, l'autre par un petit garçon à l'épaisse chevelure rousse.

— Milou, Milou, reviens ici, sapristi.

— Bill ! Biiiiiill !

Les deux chiens finissent par entendre raison et, peu de temps après, la joyeuse équipe a rejoint la zone des taxis où les attend une grande berline noire aux lignes à la fois sportives et futuristes. En s'y installant, Haddock s'extasie sur la qualité et le dessin des voitures du XXIème siècle. Morane le conforte dans son opinion.

— Oui, c'est une Vaillante dernier modèle, le fleuron de l'industrie automobile française. Elle nous conduira à notre hôtel.

— On crèche où exactement ? demande Bobette.

— Hôtel 5 Codet, près des Invalides.

— Wouah la claaasse, lance la jeune fille.

— C'est Manu qui invite. Il est très fier du rôle joué par la France dans cette opération. Il s'est beaucoup investi pour essayer de ramener Vladimir à la raison, sans succès. Il aurait aimé vous rencontrer, mais ce ne sera probablement pas possible. Brigitte l'a interdit de sortie pour une semaine.

Bobette bondit subitement sur son siège, toute excitée.

— Oooh Bob, les Invalides, c'est tout prêt du métro Sentier !

— Heu... non, pas vraiment, il faut traverser la Seine.

— Oui mais c'est à... quoi... deux, trois kilomètres à peine.

— Un peu plus, je pense.

Bobette, assise au milieu de la banquette entre Tintin et Haddock, se fait toute fondante. Elle se penche entre les deux sièges pour susurrer à l'oreille de Morane, installé lui à la place du passager.

— Allez Bob, faites-moi donc ce petit plaisir. Juste un petit passage rue Montorgueil... on a tout notre temps. Et on ne descendra même pas de la voiture.

Morane proteste mais finit par céder. Qu'est-ce que la petite veut bien vouloir faire dans ce quartier ?

— Bon, chauffeur, faites un détour par la rue Montorgueil, fait-il de mauvaise frâce.

Quand la voiture s'engage sur la rue en question, Bobette est déjà hilare. Mais ce n'est que quelques centaines de mètres plus loin qu'elle apparaît, immense, sur une façade de la rue des Petits Carreaux. La fresque couvre un pan entier de mur, elle s'étale sur plus de dix mètres de haut. On y voit Tintin et Haddock, casquette sur la tête pour ce dernier, s'embrasser passionnément sur la bouche (1). Haddock frise l'apoplexie tandis que Tintin pique un fard si violent qu'on pourrait confondre sa tête avec un ballon de baudruche écarlate. Morane fulmine, cette sale gamine finira par provoquer un incident diplomatique spatio-temporel. Bobette, elle, se tord de rire, les larmes aux yeux, à la vue de la réaction de ses compagnons.

— Bougre d'extrait de crétine des Alpes, ça vous fait rire ?

Haddock est furieux, rarement Tintin l'a vu à ce point vexé et fâché. La jeune fille, prise d'un fou rire que le chauffeur trouve manifestement communicatif, reprend difficilement ses esprits.

— Re...relax Papy, c'est juste une pelle ! Sois pas coincé ainsi, c'est sympa non ? D'être populaire à ce point septante ans après ?

— Soixante-dix, bougonne Morane, on dit soixante-dix.

Tintin ne dit mot. Milou lui, qui n'y comprend rien, aboie joyeusement, provoquant un nouveau fou rire chez Bobette. C'est Morane qui met fin à la fête.

— Allez, on file à l'hôtel !

***

Situé dans le très chic septième arrondissement, entre la Tour Eiffel et le Musée des Invalides, le 5 Codet tire son nom de la rue qui l'héberge. Cet ancien central téléphonique reconverti en hôtel cinq étoiles ne peut que surprendre le passant. Le bâtiment des années trente, tendance art déco, se dresse à la manière d’une proue de paquebot. Le réceptionniste, après s'être acquitté des formalités d'usage, leur tend une à une les clés.

— Mademoiselle, vous avez la suite Dôme. Je vous souhaite un excellent séjour.

Bobette se tourne vers Morane.

— Hé bien dites-donc, je suis gâtée, lance-t-elle.

— Instructions de Manu. Mais tu ne la mérites pas cette suite, après le coup que tu viens de nous faire. Enfin, profite bien de la terrasse, tu ne seras pas déçue.

— Ca m'étonnerait, avec le froid qu'il fait.

— Tu verras... Bon, je vous propose de nous retrouver pour le dîner, disons à dix-neuf heures pour l'apéritif. Nous aurons bien besoin de l'après-midi pour récupérer du décalage horaire.

— Tonnerre de Brest, et ma clé ?

— Mais vous l'avez, Monsieur, lance le réceptionniste.

— Dites-donc jeune blanc-bec, je sais tout de même ce que je dis.

— Mais monsieur, vous la tenez en main.

— Ca ? Ce bout de plastique ? Mille sabords, que le grand cric me croque si ça c'est une clé.


(1) authentique. Cette fresque est située rue des Petits Carreaux et est bien visible depuis la rue Montorgueil. Elle a suscité la polémique au moment de sa réalisation.


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