This is a robbery !

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Quand la Rolls s'engage dans la banlieue de Szohôd, il est déjà près de dix-huit heures. La nuit est déjà tombée sur la capitale, et en cette soirée de nouvel-an, il paraît bien peu probable de trouver un coiffeur encore ouvert. Les premières tentatives s'avèrent d'ailleurs infructueuses, aussi Black Mamba fait-elle appel à Google. Il leur faut quinze minutes encore pour parvenir à l'un des rares salons encore ouvert. Ils sont maintenant au cœur de la ville, dans le centre historique. C'est raté pour la discrétion, pense Tintin. Au milieu de la rue, une grande vitrine illuminée leur tend les bras. Le plus grand institut de coiffure de la ville a semble-t-il décidé de rester ouvert pour permettre aux szohôdiennes de se faire plus belles encore pour la fête. Revers de la médaille, le salon est bondé, tous les sièges sont occupés et, dans la zone d'attente, certaines patientent même debout. Il y a de tout, depuis la petite grand-mère qui vient refaire sa permanente, aux jeunes filles sur lesquelles des doigts habiles élaborent les coiffures les plus extravagantes.

D'autorité, Black Mamba se dirige vers le comptoir administratif et tente d'obtenir un passe-droit, arguant d'une urgence gouvernementale. Mais rien n'y fait, la patronne de l'établissement reste inflexible, "faites la queue comme tout le monde" lance-t-elle dans un anglais approximatif.
Black Mamba s'énerve, Bobette tente de la calmer. Tintin, lui, essaie de faire entendre raison à la gérante quand soudain, la bouillante cheffe du commando pète les plombs. Elle saute sur le comptoir, sort un énorme revolver et, le braquant à deux mains vers la joyeuse bande, se met à hurler :

— ANYBODY BE COOL THIS IS A ROBBERY ! ANY OF YOU FUCKING PRICKS MOVE, AND I'LL EXECUTE EVERY MOTHERFUCKING LAST ONE OF YOU !!!

C'est la panique, les filles hurlent, certaines se jettent à terre, une autre se précipite vers la sortie. Elle est stoppée nette par la tueuse quand elle tire deux fois dans la superbe sculpture de cristal qui orne l'entrée. Il faut plusieurs minutes à Tintin et à Bobette pour calmer tant bien que mal la vingtaine de clientes et les quelques coiffeuses présentes. Après avoir fait allonger tout ce beau monde au sol et avoir pris soin de ramasser leurs téléphones, c'est au milieu des sanglots et des pleurs qu'il revient à l'une des coiffeuses de s'occuper de Bobette. Il ne lui faut pas plus de trois quarts d'heure pour faire passer l'improbable coiffure assymétrique du blond doré au noir de jais, puis pour redonner forme à tout ça.

Bobette n'a pas le temps de s'extasier que déjà, Black Mamba les pousse vers la sortie. Ils ne leur reste que quinze minutes pour rejoindre le palais de la nation. Un dernier test de communication révèle un dysfonctionnement de l'implant auriculaire de Bobette. De l'eau a du s'introduire dans le canal auditif chez la coiffeuse. L'incident lui vaut une posture cocasse, l'oreille collée à une bouche d'aération, chauffage à fond. Mais rapidement, tout rentre dans l'ordre. À regret, Tintin remet son browning à Black Mamba. Bobette passe la main sous sa robe, entre ses cuisses, et en sort un baby-glock qu'elle tend elle aussi à la tueuse. Inutile d'espérer passer les contrôles de sécurité ainsi armés, même les gardes du corps doivent s'en remettre à la sûreté présidentielle. Leur présence non armée est toutefois tolérée, à raison d'un seul barbouze par VIP.

La voiture franchit maintenant le portail et vient s'immobiliser dans la cour intérieure, au milieu des Jaguar, Maybach, Turbotractions et autres voitures de luxe.

***

Bobette serre les dents lors du contrôle de sécurité. Les mains de la vigile se font à son goût bien trop insistantes, mais elle préfère ne pas s'en plaindre. Inutile, pense-t-elle, de trop attirer l'attention. Elle tique une fois encore quand l'agent de sécurité inspecte le contenu de sa pochette et tripote Fanchon, sa poupée de chiffon. Elle rejoint Tintin au delà du portique.

La salle de réception est à l'image de l'ambition démesurée de la Bordurie. Tout ici évoque le faste et le luxe. Le parquet en bois précieux, les plafonds somptueux, les tableaux de maîtres aux murs, l'escalier monumental qui donne accès, à l'étage supérieur, aux bureaux et aux appartements privés. Les lustres brillent de mille feux. Des valets de pied en queue de pie, immobiles, attendent un geste des majordomes pour proposer des amuse-bouches délicats. Le caviar compte ses derniers instants tandis que le champagne, déjà, coule à flots.

Bobette n'a pas le temps de se saisir d'une coupe qu'une âme charitable lui en tend une. De la main gauche, elle la saisit et se tourne vers son chevalier servant. Un grand blond, aux cheveux mi-longs, s'empare de sa main libre et, accompagnant le geste d'une discrète courbette, la porte à ses lèvres, ou presque, comme le veut la tradition. Constatant qu'elle n'est ni bordure ni syldave, il saute d'un anglais catastrophique à un français délicieusement surané et laborieux.

— Trrrès chèrre madaame, Laszlo Zlotz, Ministre de le Défonse, pour servir vous ...

Elle sourit, amusée.

— Enchantée, Monsieur le ministre. Ne vous inquiétez pas, je maîtrise le français presque aussi bien que la langue de Shakespeare. Svetlana Bogdanov, c'est un plaisir.

— Ah je bien connu Bogdanov, Igorrrr, Grrrichka, famille de vous peut-êtrrre ?

Elle dément, toujours souriante. Elle n'a jamais entendu parler d'un Ivan ou d'un Grichka Bogdanov.

— Vous rien perrdu, eux têtes de noeud, gonflés, diforrrmes ... Mais morrts maintenant.

Du tac au tac, il se fait sérieux. Le ton n'est plus à la plaisanterie.

— Vous Svetlana Rastapopoulos, n'est-ce pas ?

Elle acquiesce.

— Moi bien connu papa à vous, beaucoup aimé fairre affairre avec lui ... ah mais tenez, voici venir Prrrésident à nous. Moi prrrésenter vous. Mais parrrler anglais, s'il vous plait, lui pas discourrrir français.

L'homme qui s'avance vers eux n'est pas très grand. Dans un visage cerné d'un collier de barbe, deux yeux noirs et intrigants chevauchent un long nez pointu. Bobette ne peut s'empêcher de penser que le Président Znogoud a tout l'air d'un faux jeton. Mais déjà, le Ministre Zlotz procède aux présentations.

— Misterrr Prresident, allow to intrrroduce Miss Svetlana Rrrastapopoulos. Elle trrès canon.

Bobette tend la main, tout en se retenant de sourire au lapsus du pauvre Zlotz qui voulait probablement faire allusion à son activité de marchande d'armes. Le Ministre reprend, se tournant maintenant vers elle :

— Miss Rastabogdanov, this is Znogoud President ...

Mais déjà, le Président et son ministre sont happés par les mondanités. Et Bobette n'a toujours pas vu la moindre trace d'Olric. Elle échange un regard avec Tintin qui, à distance raisonnable, ne l'a pas quittée une seconde des yeux. Il est son garde du corps après tout. La jalousie qu'elle perçoit dans les yeux du reporter l'amuse autant qu'elle lui réchauffe le coeur. Peut-être y tient-il vraiment, à son corps.

Elle s'éloigne pour se mêler aux convives, en roulant des hanches.

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