Fanchon

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Dans la voiture lancée à tombeau ouvert, Tintin se glisse entre les deux sièges pour porter secours à la jeune fille. Il arrache son veston, sa chemise, sa ceinture, tout ce qui lui passe par la main et lui permettra de confectionner un pansement compressif de fortune. Le regard vitreux, elle articule difficilement.

— I ... nu ... tile ...

Mais le reporter refuse de baisser les bras. La balle a traversé la jeune femme de part en part, compliquant la tache du jeune homme.

— Il nous faut un hôpital ! lance-t-il à Black Mamba.

— Si on se rend maintenant dans un hôpital, on est morts.

— SI on y va pas, c'est elle qui va mourir !

— On a pas le choix. On file vers la frontière syldave, cette putain de valise est à coup sûr munie d'un émetteur, on aura bientôt toute la Police bordure aux trousses, et par la même occasion le KGB.

— Mais c'est à plus de cent kilomètres !

Dans un crissement de pneus, la grosse berline avale la bretelle d'autoroute. La tueuse accélère, accélère encore. Déjà, les voilà qui filent à plus de deux-cents kilomètres heure. Black Mamba maugrée entre ses dents :

— On va rouler au rupteur. Il faut qu'elle tienne trente minutes.

Bobette tente d'attraper sa pochette, mais les embardées de la voiture ne l'y aident pas. Quand il l'interroge du regard, elle murmure :

— Fan...chon.

— Fanchon ?

Elle fait oui de la tête. Sa poupée de chiffon ! Il attrape le sac d'une main, prenant soin de maintenir le pansement avec l'autre, et en sort le doudou.

Mais au lieu de s'en saisir, elle lui fait signe de la prendre. Il ne comprend pas. Alors elle attrape le jouet, tire dessus tant qu'elle le peut, tente de lui arracher la tête avec les dents. En vain. Elle supplie le jeune homme du regard.

— Ou...vre ... la.

Il hurle à l'encontre de Black Mamba, il lui faut un couteau. La voiture fait un écart quand elle le lui tend. Tintin éventre la poupée. Au milieu des boules de coton qui lui tiennent lieu de rembourrage, une pochette de plomb. Il l'ouvre pour y découvrir un boitier en métal muni d'un seul bouton. Rouge !

— Appuie ! fait Bobette.

Quand il s'exécute, un minuscule voyant, rouge lui aussi, se met à clignoter.

***

Dans le bâtiment de guerre qui abrite leur poste de commandement mobile, Haddock n'en peut plus de faire les cent pas pendant que Morane passe en revue les derniers rapports. Le vieux marin fulmine, il est là, impuissant pendant qu'au même moment Tintin et la petite se sont jetés dans la gueule du loup. Avisant un voyant, il interpelle Morane.

— Tonnerre de Brest, qu'est-ce que c'est encore que cette loupiote qui se prend pour une décoration de noël ?

Morane tourne paresseusement la tête. Quand son regard accroche le flash rouge intermittent, il bondit.

— La balise ! crie-t-il. Ils ont déclenché la balise.

Tous les hommes de quart s'agitent, les messages partent dans tous sens. Haddock comprend que quelque chose ne va pas et interroge Morane.

— Ils ont une balise de détresse, elle ne devait être activée qu'en cas d'urgence absolue, pour demander un extraction si la situation leur échappait !

— Mille sabords !

Morane aboie quelques ordres.

— Leur position ! Donnez-moi leur position !

Un opérateur lance :

— Ils sont sur la A2 entre Szohôd et la frontière borduro-syldave. Ils se déplacent. Vite. Près de 250 kilomètres heure.

Morane tape du poing sur la table. Il prend moins de dix secondes pour réfléchir puis se tourne vers un capitaine de corvette.

— Lancez le détachement Delta ! Qu'ils les intercepte, on les tire de là ! Tout de suite !

Les ordres fusent. L'officier revient vers Morane.

— Ca y est. Les ricains sont déjà en vol. Huit Black Hawk et autant d'Apaches. Mais on a pas l'autorisation de franchir la frontière ...

Morane se tourne vers l'officier, déterminé.

— Tant pis. On fonce. Donnez-leur l'autorisation.

— Mais Commandant, ce n'est pas ...

Morane le foudroie du regard.

— J'ai dit on fonce. Envoyez-moi cette putain de Delta Force à leur rencontre, même jusque Szohôd s'il le faut ! Il nous faut la malette !.

— Mais mille sabords, on en a rien à faire de votre malette en peau de sapajou ! Il faut sauver Tintin et Bobette ! Que cette espèce de commandant de chalutier de pêche aux canard se sorte les cannes des narines !

— Du calme, Capitaine, fait Morane. On va les sauver tous les deux.

Puis se tournant vers l'officier, il lui lance :

— Faites affrêter l'hélico. On va au point de ralliement.

***

Mon Dieu, pense Tintin, faites qu'elle s'en sorte. Bobette est maintenant d'une pâleur cadavérique. Elle murmure quelque chose, mais le sifflement du bolide qui fend l'air au coeur de la nuit la rend inaudible. Tintin approche son oreille de la bouche de la jeune fille.

— C'est ... dommage, fait-elle.

Ses yeux se font vitreux avant de se refermer dans un spasme.

— Bobeeeette !

Il a hurlé.

— Parlez-lui, fait Black Mamba. N'arrêtez pas de lui parler.

Elle ajoute :

— Eh merde ...

— Quoi ? lance Tintin.

— Ca y est. On nous colle au cul.

Des gyrophares lancent leurs éclairs dans la nuit. Tintin s'aperçoit avec horreur qu'ils ne sont pas uniquement à leur poursuite. Devant eux, à plusieurs kilomètres, dles flashs bleus tournoient également. C'est tout un dispositif d'interception qui est mis en place. Ils sont perdus ! A cette vitesse, dans une minute ils seront sur le barrage. Mais la tueuse freine brutalement, en quelques secondes les voilà à moins de cent. La voiture fait une embardée, Tintin crie quand il comprend. Les blocs de plastique rouges et blancs volent en éclat, la voiture traverse la fragile berme centrale alors que Black Mamba n'accélère et accélère encore. À contre-sens. Des véhicules claxonnent, d'autres font des appels de phare. Un autre se jette dans le décor pour les éviter. Quand ils croisent les gyrophares, situés de l'autre côté de l'autoroute, des coups de feu fusent.

— Vous allez nous tuer ! hurle Tintin.

— Shut up. Occupez-vous de la petite.

C'est à cet instant que le vrombissement les surprend. C'est comme si le tonnerre s'abattait sur eux. Il les survole, en fait. L'hélicoptère de l'armée bordure n'est qu'à quelques mètres, juste au-dessus de la calandre monumentale.

— Ils veulent qu'on stoppe ! Fuck you ! fait Black Mamba.

L'appareil prend de la distance et se stabilise.

— Accrochez-vous ! Ils vont nous allumer !

L'explosion déchire la nuit. La boule de feu grandit, grandit encore, aveuglante. Les débris de l'hélicoptère s'écrasent au sol, des éclats criblent la limousine. Dans la seconde, ce sont deux autres hélicoptères qui apparaissent, puis deux autre encore, c'est un véritable ballet aérien auxquels ils assistent. Black Mamba pousse un cri de victoire. Tintin n'y comprend rien quand elle immobilise la voiture. Des hélicos se posent, des hommes convergent vers leur véhicule. Le reporter n'a pas le temps de réagir que déjà, des portes s'ouvrent. Il n'y a ni cri, ni bousculade. Des mains puissantes l'extraient d'autorité.

— Bobette ! Laissez-moi ! Bobeeette !

Mais déjà, les hommes en noir s'affairent autour de son amie, la posent sur une civière. Il tente de la rejoindre mais le commando l'éloigne, d'autorité, et le pousse dans un des hélicoptères noirs. Il s'envole en contemplant, attéré, la civière autour de laquelle s'affairent maintenant trois hommes.

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