Joyeux anniversaire

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                Aujourd’hui, j’ai trente ans. Douze ans plus tôt, je finissais poignardé et écrasé par un poids lourd… Depuis, j’ai servi la Mort pendant sept ans avant de reprendre le contrôle de ma vie, me marier et avoir trois enfants, et enterrer parents, frère et sœur.

                Aujourd’hui, j’ai trente ans, et mon réveil est merveilleux. Mes démons me sautent dessus pour me tirer des bras de Morphée, le seul homme avec lequel j’accepte de coucher, et m’éclatent les noix au passage, mais comme il n’était pas prévu d’en faire un quatrième, tout ceci est douloureux mais pas fâcheux. Après, j’ai reçu de jolies babioles. Une cravate hideuse, des dessins qui débordent et un cendrier en pâte à sel. Sous mes allures de père sévère, je me retiens de pleurer, et mon épouse le voit bien. Elle propose aux gosses de regarder un dessin animé, et bien entendu ils sont partants, et donc vite partis. J’entends des mecs commencer à chanter un truc au sujet d’un cœur de glace quand mon épouse revient dans la chambre.

                Cette femme est toujours aussi belle, malgré les stigmates des trois grossesses et des cinq années d’avance qu’elle a sur moi. De fines pattes d’oie se dessinent au coin de ses yeux quand elle me sourit, faisant ressortir ses faucettes pendant qu’elle remet sa longue chevelure blonde, fine et soyeuse en place, et même si elle porte cette affreuse robe de chambre en polaire rose pastel si longue qu’elle en traine au sol, je lui ferais volontiers un quatrième enfant. Je sais qu’elle sait ce que je pense, et je sais qu’elle n’en pense pas moins, je vois la lueur lubrique de ses yeux.

                — Alors mon chéri, tu vieillis ?

— Mais je ne serais jamais aussi vieux que toi.

                Cette phrase est presque traditionnelle entre nous, et nous fait beaucoup rire. Espérons que ce sera encore le cas dans soixante ans. Son sourire mutin me réjouit.

— Tu veux ton petit déjeuner au lit ?

— Avec plaisir. Un café sucré touillé, c’est possible ?

                Elle dénoue la ceinture de sa robe de chambre et la laisse tomber, révélant son corps emballé par une belle parure de lingerie en dentelle noire. Le soutien-gorge à balconnets maintenant ses seins bien lourds me donne une faim de loup, le serre-taille mettant en valeur ses hanches fait passer la douleur du coup de genou dans mes parties, le string soulignant ses belles fesses arrondies me file une érection immédiate, et les bas noirs reliés au serre-taille me poussent aux idées les plus viles.

— Je te plais ?

— Le cadeau est merveilleux, et l’emballage le met à merveille en valeur. Viens vite me le donner !

                On s’aime avec passion, en alternant tendresse et puissance, douceur et pulsions animales, pendant un temps qui m’échappe totalement. Tout ce que je sais, c’est que nous finissons quand Elsa et Anna ont fini de se réconcilier. Elle remet sa robe de chambre et va leur mettre un autre dessin animé pendant que je vais me laver. Après être sorti de la douche et m’être habillé, je les rejoins dans le salon pour découvrir un énorme paquet sur le sol devant la table basse et que ma famille m’accueille en me hurlant un joyeux anniversaire.

— Merci mes chéris, c’est vraiment gentil. Qu’est-ce que c’est ?

                Tout sourire, mon épouse me répond avec ironie.

— Tu vois bien que c’est un château fort. Allez, ouvres !

                J’arrache le papier avec une excitation mal contenue. Avant de connaître mon épouse, je n’avais jamais eu de cadeaux d’anniversaire. J’ouvre le carton et me fige. Trop de sentiments en moi se mélangent. Joie, excitation, peine, nostalgie… Le peu de bons souvenirs de mon enfance reviennent en masse alors qu’un chiot golden retriever doré jappe en remuant la queue. Sans le quitter des yeux, je demande.

— Comme il s’appelle ?

— Sam.

                J’explose de rire avant de fondre en larmes. Sam était le nom du chien de mon enfance. Chien que ma famille avait adopté et que j’ai assumé puisqu’ils ne s’en occupaient pas. Sam était aussi l’acronyme de Sac A Merde. Ce n’était pas son vrai nom, il s’appelait Youki. Mais à force que je l’appelle comme ça, il ne répondait plus qu’à ce nom, et à aucun autre. Ce n’était pas méchant, du moins plus passé un certain temps, et il était devenu assez vite plus important pour moi que les autres membres de ma famille. Sa mort m’a fait plus de mal que celle de ma famille de sang. Mais lui au moins était mort naturellement.

                Je sors la boule de poils du carton pour l’amener devant mes yeux, et il me fixe. Un chien qui ne détourne pas les yeux, c’est signe d’amour et de confiance. Je l’aime déjà.

— Toi et moi, on va faire plein de conneries.

                Dans la seconde, ma femme et mes enfants explosent de rire tandis qu’il me pisse au visage.

— Oui, vous allez faire plein de conneries ensemble ! Il a même commencé sans toi !

                Je repose le démon doré qui jappe encore, fier de sa connerie et remuant la queue, avant de retirer mon tee-shirt et de m’essuyer le visage avec le côté encore sec, sous les rires de l’assistance.

— J’ai gagné le droit de me laver. Encore… Sale corniaud…

                Le fauve jappe encore, visiblement ravi, et même moi je rigole, avant de partir. Je jette mon tee-shirt dans la machine à laver puis vais dans la salle de bain me laver, et me rhabiller, puis retourne dans le salon. Mon épouse regarde les enfants jouer avec Sam, et je me glisse derrière elle pour l’embrasser dans le cou.

— Le cadeau de plaît vraiment ?

— Si on fait abstraction de l’arrosage automatique, c’est un véritable rêve.

                Elle se retourne et passe ses bras autour de mon cou pour m’embrasser à pleine bouche tandis que je l’enlace, jusqu’à ce que la sonnette nous ramène à la réalité. Je me décroche des lèvres de ma femme en soupirant.

— J’y vais, ça doit être le facteur…

                J’ouvre la porte et me fige.

— Joyeux anniversaire, Mon Champion.

                Elle est là, souriante dans Son apparence humaine.

— C’est bien aujourd’hui ? Trente ans…  Et encore quatre vies à prendre…

                Le ton de Sa voix est lourd de sous-entendus, et je ne peux pas m’empêcher de regarder ma famille avec inquiétude, avant de reporter mon attention sur Elle.

— Touches-les, et même tes Quatre ne pourront pas te protéger.

— En es-tu sûr ?

                Des cris proviennent du salon et je pivote en urgence. Ils sont là, les Quatre, maintenant chacun un membre de ma famille. Mon sang ne fait qu’un tour alors que je pivote vers Elle pour La saisir à la gorge de la main gauche et de La soulever.

— Lâches-les si tu veux vivre !

                Alor que je serre à en entendre Ses cervicales craquer, elle rigole.

— Tuer la Mort ? Tu es vraiment un doux rêveur. Tu as vingt-quatre heures pour payer ta dette, et une liste dans ta poche. Rejoins-moi au site de ta trahison. Pour chaque nom manquant, tu perdras d’abord un de tes enfants puis ta femme.

                J’arme le bras pour la frapper quand elle disparait. Terrifié, je cours vers le salon, bras tendus pour les saisir, mais ils disparaissent aussi alors que je m’écroule sur le carrelage en pleurant et que Sam vient me lécher le visage. La rage m’envahit, je ne suis plus que fureur tandis que je me redresse pour hurler ma haine. Cette salope veut la guerre ? Elle va l’avoir !  Je vais tuer quatre fois, et après, je m’offrirais une mort en bonus. La sienne.

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