Une bonne leçon

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                Je me relève, surpris. Non pas par son arme ou la force de l’impact, on parle quand même de Conquête ! Non, surpris de ne pas avoir mal. Je cours vers lui, mes boucliers devant moi, et reprend un tir de baliste qui me fait m’envoler, pour atterrir en glissant comme une merde de nombreux mètres plus loin.

                — Ca va mon chéri ?

                Ma femme est débordante d’humour…

— Je m’amuse comme un petit fou…

— Oh ? J’ignorais que tu étais masochiste… Quand tout sera fini, tu voudras que j’achète un fouet ?

                Je fais une moue déçue avant de répondre.

— Je suis plus batte à clous ou pelle rouillée…

— Et si vous vous concentriez sur le fait que papa se fait botter le cul ?

— Maman, elle a dit cul !

                Putain, voilà que les gosses s’en mêlent… Je me relève, décollant ma tronche de la terre, alors que Christophe prépare une nouvelle flèche.

— Bon, tu attends quoi pour tirer ?

— Tu es trop proche de ta famille.

                S’il n’essayait pas de me tuer, je le trouverais presque gentil… Je suis debout, titubant mais debout. J’avance, lentement, et j’accélère petit à petit sans matérialiser d’arme ou de défense, avant de partir carrément en courant. J’ai un plan ! Lui me sourit et décoche sa flèche qui grossit. Je me jette sur le côté et roule avant de me relever et de repartir en courant.

                Je l’ai pris par surprise, ça se voit à sa tête d’ahuri, mais ça ne marchera pas deux fois. Il tire, je plonge, mais à peine debout je vois une autre flèche filer, et je bondis. Plus je plonge esquivant latéralement sans côté prédéfini mais toujours en diagonal, plus il enchaine les tirs. Mais plus il va vite, moins il donne d’énergie à ses tirs, et moins ses flèches sont grosses. Au bout d’une « petite » vingtaine de flèches, je ne crains plus ses balistes et me contente de zigzaguer.

                Quand je suis à une dizaine de mètres de lui, je pique un sprint en armant les bras et en matérialisant l’épée de Guerre. Il se prépare à m’opposer son arc pour se défendre, juste ce que j’espérais ! A la dernière seconde, la faux remplace l’épée, et sa lame passe derrière l’arc pour lui lacérer le flanc. C’est léger, pas profond, mais c’est un début, et ça l’a surpris. Bon, du moins j’espère, parce qu’il réagit au quart de tour en me collant son pied dans la tronche, me forçant à reculer. On se tient face à face, moi saignant du nez, lui du flanc, quand il accroche son arc dans son dos et sort une épée de son fourreau.

— Bien. Je crois que je n’ai plus le choix.

— Si Christophe… Tu as le choix de te joindre à moi…

— Et voir ma famille mourir ?

                Je m’apprête à répondre, mais en effet, il n’a pas le choix… je soupire. Me battre contre un ami… C’est grotesque. Mais je n’ai pas le choix non plus. J’affirme ma prise en main sur l’épée, il en fait autant, et dans un double cri de charge nous lançons l’assaut. L’acier frappe l’acier, les lames glissent l’une contre l’autre, les pointes frôlent la chair, le sang coule goutte à goutte tandis que nous dansons l’un autour de l’autre. Obi Wan kenobi et Anakin étaient deux merdes tant nous allons vite, tant nous faisons ça bien. Cent fois, j’ai manqué de le décapiter. Cent fois, il a failli m’éventrer. La terre s’enfonce sous nos prises d’appui et d’élan, des cratères se forment quand nous sautons, le sol tremble quand nous atterrissons, et nos gouttes de sueur semblent flotter dans l’air tant nous nous déplaçons vite.

                Nos lames se croisent, nous forçons, en vain, et finissons par bondir en arrière de plusieurs mètres. Nous sommes essoufflés, ruisselants de sueurs, et à bout de ressources…

— Tu as trois Cavaliers, et je te tiens la dragée haute. Tu sais pourquoi ?

— Parce que tu es Conquête ?

— Parce que j’ai eu une dizaine d’année pour me faire à cet état. Ce qui, ici, équivaut à des siècles. Toi, ça fait quoi ? Quatre ? Cinq heures ici ? Ce qui dans le monde humain vaut quelques minutes… Tu as beau me surclasser en puissance, tu ne sais pas plus utiliser tes aptitudes qu’un nourrisson ses jambes !

                Ça, c’est super vexant à entendre…

— Et mon pied dans ton cul, ce sera celui du nourrisson ? Le seul point commun entre un bébé et moi, c’est que dans mon caleçon y a un truc de la taille d’un bras d’enfant !

                OK, non, j’avoue, j’ai super honte de moi… Vraiment… Je n’assume pas la vanne… Je me redresse et bombe le torse.

— Comme disait un ami pirate, hacker vaillant rien d’impossible !

                Celle-là, je revendique, c’est bon.

— Donc viens te battre !

                Je sais ce qu’il essaie de me faire. Il me force à apprendre mes dons, vite, avant de L’affronter Elle. Mais même ça, nous n’en avons pas le temps. Il s’élance en avant, filant à toute vitesse et je n’ai que le temps de croiser les bras et déployer la balance de la disette. Le choc me fait déraper de plusieurs mètres en arrière, mais je ne tombe pas. Les boucliers se résorbent alors que la faux et l’épée se matérialisent à leur tour, et je fonce moi aussi. C’est moins maniable, c’est vrai, pataud, mais je cogne plus, plus souvent et plus vite. Pas plus fort, mais pas grave. Sauf que je sais que ça ne pourra pas durer, et il le sait aussi, parce que je me fatigue.

— Tu es faible !

— Tais-toi…

— Tu es minable !

— Tais-toi.

— Je ne comprends pas qu’elle t’ait préféré !

— Tais-toi !

— Et toi, tu l’as abandonné…

— J’ai dit… TAIS ! TOI !

                La rage m’a envahi, je ne suis plus le même. Les flammes recouvrent mon corps, mes muscles gonflent, ma vitesse augmente encore, et mon endurance est revenue. Tu vas subir l’assaut d’un nouveau stratagème !

— Enfin ! maintenant, habitues toi à cette puissance !

                Ce connard le fait exprès, et m’attaque en même temps ! mon cerveau et mon corps n’arrivent pas à aller de concert. L’un pense stratégie, l’autre crie instinct. Je dois ordonner mes pensées…

— Raccroches-toi à ce qui te rend humain !

                Je sais de qui il parle, je les vois du coin de l’œil. Ma famille, ma femme, mes enfants, mes raisons de vivre… Sans eux je ne serais plus là depuis si longtemps… Et sans moi, ils auraient moins de soucis… Enfin, sans moi, les enfants ne seraient pas là tout court, mais bon, vous m’aurez compris ! Nos épées s’entrechoquent, et je vois que la puissance du coup l’a déstabilisé ! Mon pied part pour le frapper dans le genou, pour le déséquilibré plus encore, puis mon épaule frappe son torse, le projetant plusieurs mètres plus loin. Quand il a fini de rouler dans la poussière, je suis déjà devant lui.

— Tu as perdu, Christophe…

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