Elle et moi avons eu une longue discussion… Et j’espère qu’Elle aura compris… Son palais se remplira. Pas d’esclaves ou de serviteurs, mais de gens méritants qui seront ravis de passer l’éternité avec Elle. Et Elle essayera de se mélanger aux humains pour rencontrer peut-être celui qui sera l’homme de Sa vie. Elle semble aussi avoir compris aussi que tuer les gens pour en faire Ses Prêtres n’était définitivement pas une solution…

                Avec Son aide, je rentre chez moi. Devant la porte, je me regarde et je souris. J’ai l’air piteux. Mon treillis est déchiré, voir lacéré, couvert de sang, brûlé ici et là, on sent que ça n’a pas été de tout repos… je pose ma main sur la poignée et je l’abaisse pour ouvrir quand je suis accueilli par le plus merveilleux des sons.

                — Papa !

                Mes enfants courent vers moi, et j’ai à peine le temps de m’accroupir en écartant les bras qu’ils se jettent dedans en me plaquant à terre.

— Mes chéris… Je suis si content de vous retrouver.

                Je relève la tête en les enlaçant, et je vois mon épouse, les bras croisées, souriante et soulagée, les yeux plein de larmes. Derrière elle, mes collègues, et la télé qui diffuse mon combat contre Elle. Je regarde l’écran quelques secondes, ça a l’air cataclysmique, je ne m’en étais pas rendu compte… Je me concentre sur mon épouse et lui souris en tendant un pouce victorieux qui la fait rire.

— Ca a visiblement été tendu…

— Moins que ce que les images laissent croire… Levez-vous les gosses, papa doit décoller ses grosses fesses du carrelage…

                Les gosses se poussent et je me relève pour aller saluer mes collègues puis enlacer mon épouse qui m’embrasse tendrement.

– Tu es dégouttant…

— Attends, je ne t’ai même pas encore dit ce que j’ai en tête…

                Elle rigole et répond.

— Je reformule… Tu es couvert de saleté.

— Ah… Trois fois rien… Ses intestins se sont rependus sur moi…

— Et l’affaire est réglée ?

— Je L’ai remise sur son trône, et Lui expliqué la vie…

— Elle se tiendra à carreaux ?

— Ça devrait. De toute façon, il y aura toujours un Azraël pour Lui botter le cul…

— Et a-t-Elle pensé à te dire merci de L’avoir finalement aidée ?

— D’une certaine façon…

                Ma veste de treillis et mon tee-shirt se déchirent, alors que dans mon dos se déploient d’immenses ailes au plumage d’un blanc immaculé sous les murmures admiratifs de mes enfants.

                La suite est simple. J’ai obtenu un poste plus cool, dans un bureau, où j’ai le temps de m’ennuyer. J’ai découvert que la majorité des Prêtres ayant acquitté leur dette y finissaient leur carrière, et j’y ai été accueillis en héros.

                Ma famille et mes amis n’ont plus jamais été embêté, tandis que Christophe retrouvait au fil des décennies son épouse et ses enfants qui purent passer l’éternité à ses côtés. Le compromis avait permis à tout le monde d’être plutôt satisfait.

                Même Elle a fini par trouver un homme dont Elle tomba amoureuse, et heureusement pour nous, ce fut cette fois-ci réciproque.

                Malgré tout… De mon côté, il m’arrive de ne pas trouver le sommeil… Je m’accoude à la fenêtre et observe les étoiles, repensant à ces vies prises à tort ou à raison, essayant de savoir si je tuais parce que je croyais à la cause, ou parce que j’en éprouvais le besoin… Si ma perte de contrôle contre Elle n’était qu’une pulsion de violence de ma part, ou si j’étais vraiment en son pouvoir… Dans ces moments d’insomnie, mon épouse finit invariablement par se réveiller du fait de mon absence à ses côtés pour me trainer au lit, puis entre ses cuisses… Il n’y a pas à dire, elle sait m’apaiser…

— Mon chéri… Tu refais une insomnie ?

— Oui… Je te rejoins mon ange…

                Je regarde ma main ouverte et y allume une boule de flammes d’un bleu surnaturel que j’éteins en resserrant le poing dessus avant de me retourner.

— Tu sais que j’ai froid toute seule dans le lit…

                Je souris. Sa supplique chasse mes tracas.

— J’arrive ma déesse.