Edward-5 (version 0.6)

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« Sean, attends ! »

Je poursuis Sean dans les escaliers du manoir, bien décidé à me confronter à lui. À ma montre, il est 1 heure du matin et la fête bat son plein, surtout depuis qu’Aline s’est jetée dans la piscine à moitié nue il y a quelques minutes. C’est d’ailleurs depuis ce moment que je prends en chasse Sean et que ce dernier me fuit. Il était de l’autre côté de la foule et j’ai voulu le rejoindre, mais il s’est enfui à l’étage.

« Pourquoi tu m’évites ? »

Il ne me répond pas. Pire, il accélère le pas, ce qui a tendance à m’énerver. Il tourne à droite, et tombe sur le patio qui connecte l’appartement au-dessus des garages à la maison principale. En voyant la porte fermée devant lui, il s’arrête, enfin. Il veut faire demi-tour mais je l’en empêche.

« Pourquoi tu m’évites ?

— Je ne t’évite pas, je…

— Sean… » commencé-je.

Mais pas le temps de poursuivre la discussion, nous voyons monter Lalye en pleurs. J’ai pas bien vu mais… c’est de la gerbe qu’elle a sur elle ? Comment ? … Non, c’est pas le moment ! Sean d’abord. Il fait demi-tour et essaie d’ouvrir une des portes. Deux sont fermées à clé mais la troisième s’ouvre inopinément.

« Attends » dis-je à voix basse. Mais il n’en fait rien.

Nous tombons sur le grenier du garage réaménagé en appartement d’ami. Il est aussi grand que ma maison. Une immense poutre le traverse de part en part ; un king size a été placé près d’un des murs, à côté duquel un salon a été installé. Enfin, il y a une petite salle de bain à côté de nous.

« Bon, faut qu’on discute.

— Y a rien à discuter. Je… je… je veux juste être seul.

— T’as pas choisi l’endroit. C’est une fête. »

Ses yeux sont à la fois rouges et humides. Il a sa main gauche en poche, tenant quelque chose qui a l’air précieux et de l’autre, une sorte d’appareil photo.

« C’est celui qu’Haha t’a prêté ?

— Oui, j’ai promis à Haha de m’entrainer ce soir. Et de lui envoyer mes meilleures photos demain.

— Mmmm, et je peux les voir ? »

Mais il refuse.

« Pas la peine, j’en ai fait aucune. En fait, j’aime pas la photo. » 

Il prend une grande bouffée d’air.

« … Écoute Ed, je… je… suis désolé… pour nous deux, mais je n’aurai pas le courage d’en parler à Haha. Tu peux le faire lundi ? S’il te plaît !

— Euh oui. Mais pourquoi ? »

Au lieu de me répondre, il se jette dans mes bras, tel un enfant content de retrouver ses parents.

« Ça va ?

— Oui, j’ai… j’ai juste besoin de m’allonger un peu, trop fumé. C’est pour cela que je suis venu ici. On se rejoint dans une heure si tu veux. D’accord ?

— Tu veux que je te ramène un truc à boire ? » Il me fait oui de la tête.

Un brin joyeux, je pars m’exécuter sans faire attention au reste et encore moins à ce qu’il avait dans son autre main.

Je descends en passant par l’extérieur, vais au bar, trouve un truc non alcoolisé (Lalye aurait pu en prévoir un peu plus), et me remets en marche. J’entends les conversations. Semblerait qu’il y ait eu de la gerbe ici… Bah, y a bien quelqu’un qui mettra une vidéo sur internet.

En retournant à l’intérieur, je passe par les garages où les fumeurs de crack (ou plus) se disputent parce qu’un sac a disparu. Un sac plastique blanc qu’on récupère dans les magasins de grande surface. Comme celui que Sean avait dans son autre poche.

« Non, me dis-je. Qu’est-ce qu’il… »

D’un coup, je m’inquiète et grimpe les marches quatre à quatre sans même faire attention à qui je bouscule, je parcours le couloir puis le ponton et rentre de force dans l’appartement d’amis, espérant trouver mon copain simplement endormi… Mais trop tard.

Sean s’est suicidé.

Il a éteint les lumières pour ne pas attirer l’attention. Mais l’éclairage de rue traversant les Velux est suffisant et je peux le voir couché sur lit, la bouche écumante et le sachet de coke un peu plus loin. Il en a sniffé tellement que son cœur n’a pas tenu. Il a tout sniffé, s’est essuyé le visage, s’est allongé, croisé les bras et… a attendu la crise cardiaque.

Je ne pleure pas. Non, j’ai même un pâle sourire. Désolé, Sean, de ne pas t’avoir compris.

Après quelque instant, j’entends une porte s’ouvrir au loin. Je reviens à la réalité et panique un peu, je suis quand même à côté d’un cadavre avec qui j’ai discuté il n’y a pas vingt minutes. Et si c’étaient les drogués ?

Je décide de me cacher dans la petite salle de bain en espérant qu’ils ne viennent pas regarder ici. S’ils n’allument pas, je suis sauvé.

Une première personne s’introduit, je peux l’observer à travers le chambranle de la porte et je distingue… Mathilde !?! Me dis pas qu’elle ramène un mec ici, pas maintenant…

Elle est seule.

Elle avance en titubant et essaie d’allumer, mais elle ne trouve pas l’interrupteur. Je vois à son visage qu’elle reconnait Sean. Je me dis qu’elle va gueuler en le voyant dans cet état, ou du moins sortir ; mais au lieu de cela… elle l’embrasse ?!? Et le caresse ?!? Putain, elle est tellement bourrée et défoncée qu’elle ne se rend pas compte qu’elle enlace un…

Je préfère ne pas y penser et sors sans faire de bruit.

Sans rien dire, je quitte la maison de Lalye. Sans rien dire, je rentre chez moi et… ne fais rien.

Pauvre Sean.

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