Consigne au Tabellion

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A l’ouverture du testament, le notaire prit le temps de s’éclaircir la voix. Il arrêta aussi son regard sur les six personnages qui lui faisaient face, essayant de deviner l’intériorité de chacun d’entre eux.

Il pressentait que sans doute, la bataille serait rude. Il était impossible qu’il n’y eût aucune contestation.

Mais le message avait été clair : telle est ma volonté. Toute ma longue vie, j’ai bourlingué partout dans le monde. J’ai voulu transmettre à mes enfants, une certaine idée du Grand Large. Bien que sans doute, leur reproche majeur soit de n’avoir pas été suffisamment là, j’ai toujours privilégié quand je revenais au port, une qualité d’écoute et une présence absolue.

Je partais certes de longues semaines. Ainsi va la vie des marins. Mais je veillais de loin et je savais tout de la fragilité de Maryse, du dilettantisme de Mathieu, de la générosité de Mathilde, de l’agressivité de Myriam, de l’orgueil de Maxime et du narcissisme de Marc.

Sous la douce férule de leur mère, un pont virtuel nous reliait. J’ai crû longtemps que ce serait suffisant. Mais aucun d’entre eux n’a pu ou voulu s’accrocher à un projet où se lancer dans un dessein exaltant.

Le notaire commença la lecture.

Ceci est mon testament. Je sais que vous l’attendez tous. Finalement, votre vie aura été plutôt facile mais sans que vous n’en ayez été réellement artisans. J’ai bien réfléchi au devenir de cette fortune que j’ai amassée à force de travail et d’obstination.

Sans doute n’ai-je pas été un exemple et je vous en demande pardon. Mais vous donner tout cet argent ne peut que vous enferrer dans l’oisiveté qui ne ferait que perdurer dans le temps.

J’ai donc transformé tous mes avoirs en valeurs papier ; à l’exception d’une somme de 10000€ pour chacun d’entre vous, tout à été brûlé. Les braises consumées ont produit un tonneau de cendres. Je ne le verrai pas, mais je souhaite qu’elles soient répandues sous le rhododendron du jardin.

Le notaire se leva. Les cendres sont encore chaudes ; que décidez-vous ?

Tous en même temps comprirent que plus rien de matériel ne permettrait le moindre recours. Les chaises renversées brutalement dirent la stupéfaction, la colère, la perplexité, le ressentiment, puis la résignation.

Une seule voix brisée se leva : merci Maître. Je le ferai.

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