L'arbre du temps

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Minuit.

Rien que la nuit et ses bruits. La pluie tombe au gré des pleurs des nuages d’un noir profond. Un orage gronde sa colère à quelques kilomètres, seule la douce lumière des éclairs parvient quelques fois, pendant une fraction de seconde, à déchirer le ciel. Un étrange calme, saccadé d’une respiration haletante qui se fait entendre pendant les instants de silences, entre chaque grondement. Une femme court, comme pour échapper à son destin. Elle tient tout contre elle, de toutes ses forces, le trésor le plus précieux qu’elle puisse avoir. Un fils, né plus tôt ce même jour.

Poursuivis par des ombres, plus rapide que la lumière, la femme zigzag entre les nombreux arbres de la forêt. Ses guenilles, sales et mouillées, donnent à sa course un pas lourd et fatiguant. Voilà, presque deux heures qu'elle court sans relâche. Rien ne sert d’appeler à l’aide, les environs sont dénués de vie humaine.

Soudain la femme trébuche, et tombe face contre terre, le bébé se retrouve projeté plus loin. Ses pleurs déchirent le calme de la pluie qui tombe. La femme le reprend dans ses bras, elle lui parle doucement en le berçant.

- Je suis là mon tout petit, là tout va bien, c’est fini.

Elle se cache dans le creux d’un arbre, elle s’assoit et crée un abri avec son corps pour son enfant. Elle espère passer la nuit ici, même si elle sait bien qu’elle ne dormira pas. Elle regarde son fils doucement s’endormir, elle écoute les bruits qui se font entendre plus ou moins loin, la chouette, le lézard, le loup, le sanglier… Les ombres qui la poursuivaient ne se sont pas fait entendre ou voir du reste de la nuit.

Cinq heures du matin.

L’aube se lève, le ciel n’a plus aucun nuage, ce dernier est teinté de rose et de violet, des gouttes tombent des feuilles et le sol est encore tout mouillé. Une légère brise souffle sur ce beau paysage, comme pour l’aider à sécher en douceur. Une femme ouvre un œil, puis l’autre. Un creux froid se fait sentir alors que, de sa main, elle cherche son bébé qui était tout contre elle. Celle-ci se redresse immédiatement, elle appelle, et cherche dans les environs, bientôt même ses poumons n’arrivent plus à crier son désarrois et son impuissance. La nuit lui avait volé son fils. Jamais elle ne lui pardonnerait. Folle de chagrin, elle en oublie ces ravisseurs et décide d’aller voir le dieu du soleil, du jour et de la joie. Mais elle ne savait où aller. Alors elle se remit à courir, et alla toujours tout droit.

Deux jours de marche plus tard.

La femme est affamée, assoiffée et fatiguée. Elle est arrivée dans un village, mais vu son état, ses vêtements déchirés et l'aspect de ces pieds meurtris ; personne n’acceptait de l’écouter et encore moins de l’aider. Il fallut attendre la fin de l’après-midi pour qu’un vieux monsieur à l’apparence très pauvre vient à elle.

- Bonjour mon enfant, pourquoi pleures-tu depuis ton arrivée ?

- Monsieur, la nuit m’a pris mon enfant, répond-elle.

- Mon enfant, pourquoi mendies-tu ?

- Parce que j’ai faim, Monsieur.

- Mon enfant, dis-moi, pourquoi attendre ici ?

- Parce que j’aimerais que l’on m’indique où habite le dieu soleil

L’homme se lève et hoche la tête trois fois. Puis part sans rien dire.

Le lendemain.

La femme se réveilla à la même place que la veille. Mais cette fois un panier contenant du pain, du miel, deux pommes et du lait était devant elle. Elle ne mangea qu’une pomme, la moitié du pain, but quelques gorgée du lait et toucha à peine au miel.

Le deuxième jour.

La femme se réveilla à la même place que la veille. Mais cette fois-ci en plus du panier, il y avait un médaillon en forme de soleil, elle le mit dans le panier et laissa de nouveau la journée passer en buvant quelques gorgées de lait.

Le troisième jour.

La femme se réveilla à la même place que la veille. Mais cette fois, il n'y avait rien en plus du panier . Et rien non plus dans la journée. La femme commençait à perdre espoir de trouver l’aide nécessaire pour retrouver son enfant. Mais, dans la fin de l’après-midi, un homme richement habillé et beau tel un soleil d’été vint à elle.

- Bonjour Madame, pourquoi pleures tu ?

- Monsieur, la nuit m’a pris mon enfant, répond-elle.

- Pourquoi ne manges tu pas le reste du repas dans le panier ?

- Parce que j’aimerais le partager avec le mendiant qui est venu me parler.

- Pourquoi ne vends-tu pas ce médaillon ?

- Car j’aimerais l’offrir au dieu soleil pour avoir son aide.

L’homme sourit.

- Je suis le mendiant que tu attends et le dieu soleil, et j’accepte de t’aider car tu es généreuse et que je ne suis pas insensible à ton malheur. Je vais t’envoyer lors de cette fameuse nuit et tu reprendras ton fils.

Minuit.

Rien que la nuit et ses bruits. La pluie tombe au gré des pleurs des nuages d’un noir profond. Un orage gronde sa colère à quelques kilomètres, seule la douce lumière des éclairs parvient quelques fois, pendant une fraction de seconde, à déchirer le ciel. Un étrange calme, saccadé d’une respiration haletante qui se fait entendre pendant les instants de silence, entre chaque grondement. Une femme court, comme pour rattraper son destin.

Elle poursuit une ombre qui cherche à lui échapper entre les arbres dans la forêt.

Elle entend un enfant pleurer un peu plus loin. Elle suit le son des cris.

Dans le creux d’un arbre, elle se voit serrant son enfant endormi. C’est étrange. Une sensation bizarre la prend à la gorge. Elle prend son enfant. Elle le berce tout en s’éloignant en marchant. A l’aube, des cris déchirent le petit matin, les cris d’une femme qui cherche son bébé, que la nuit lui a arraché…

Fin.

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