L'annonce - 3° partie

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Ces mots avaient tonné, résonnant encore dans les oreilles lorsque les exclamations inévitables se turent. Tous s’étaient figés, interdits.

— Douze mille fantassins et plus de deux mille cavaliers approchent de l’Isthme. Nous pensons qu’il s’agit d’une avant-garde destinée à occuper le fort. Ils y créeraient une tête de pont en attendant le reste de l’armée. Il n’est bien entendu pas question de les laisser s’installer. Nous aurions le plus grand mal à les en déloger. Ce serait désastreux pour le moral du peuple et des troupes.

En effet, si la façade sud du fort était en ruine, tout le reste se trouvait encore en assez bon état.

— Près de quinze mille hommes, c’est beaucoup, dit une voix après un moment de silence béat.

Entouré des principaux du royaume, Horace Moréa fit un pas en avant.

— C’est peu tant qu’ils restent sans protection. Nous les contraindrons à reculer. S’ils refusent, nous les éliminerons.

— Avec quoi ? Que je sache, l’armée ne compte que deux mille hommes.

— C’est plus que suffisant. Avant demain soir, ils seront soit morts soit loin d’ici.

L’espace se remplit d’exclamations. Les plus véhémentes provenaient du carré de nobles. Le contraste avec le calme des quatre hommes qui nous annonçaient la nouvelle était saisissant.

— Nous partirons demain, aux premières heures de l’aube. Ceux qui désirent assister à la débâcle de l’armée ennemie pourront assister aux opérations.

Devant la détermination du commandeur, plusieurs restèrent coi.

— Messieurs ! La guerre !

De sa voix puissante, les poings levés, Markus orientait toute attention sur lui. L’entièreté des hommes de Krys le suivit. « La guerre ! » clamèrent-ils en cœur plusieurs fois.

Dans ce joyeux brouhaha, la princesse nota la présence des serveuses massées pour entendre la nouvelle, interloquées de la joie qu’elle provoquait. Parmi elles, Allie. Elle lui fit signe.

— Tu es surprise ? lui demanda sa maîtresse.

— Oui. Ils…. On dirait qu’ils…

— Qu’ils ne sont pas conscients ? Pourtant, tu les connais, tu as été plus avec eux que moi.

— Oui, mais ça…

— Viens avec nous. Tu verras.

— Je… Vous allez avec eux ?

— Oui. Quand Krys dit qu’il n’y a aucun danger, c’est qu’il n’y a aucun danger.

Soline, qui était restée avec la princesse, souriait.

— Viens, répéta-t-elle. Une servante sera témoin de la victoire. Tu pourras la raconter autour de toi.

Allie considéra notre petit groupe. Participer à une bataille, quelle folie ! Gus, lui, ne bronchait pas, intimidé. La fille du roi le jugeait réservé, doux et fidèle, exactement comme Allie. Ces deux êtres ne sont-ils pas faits pour s’entendre ? se dit-elle.

— Gus, raconte à Allie comment nous avons battu les pirates. Allie craindra moins de nous accompagner demain. Et c’est toi qui la défendras.

— Mais… » Il hésitait. « Krys a accepté que ce soit moi qui vous protège.

Surprise, Sara eut un moment d’hésitation.

— Tu nous protégeras toutes les deux. Et, tu sais, avec l’armure que tu m’as apportée, j’ai déjà tout ce qu’il faut.

Elle avait haussé le ton car le brouhaha augmentait au centre de la salle occupé par les membres de la communauté. Une voix s’en détacha.

— Danse de victoire ! claironna Markus.

Tous réclamèrent la présence des musiciens.

— Oh ! j’y vais ! lança Soline.

Les membres de la communauté constituèrent deux cercles concentriques, l’un enveloppant et tournant autour de l’autre. De pas de danse en pas de danse, le plus petit s’agrandissait puis se rétrécissait tour à tour. À sa troisième itération, les douze membres se rapprochèrent au point de pouvoir lever la main droite bien haut et frapper celle de leur vis-à-vis. Ils s’éloignèrent ensuite les uns des autres pour exécuter un saut acrobatique renversé de superbe facture, l’effort intense ayant été introduit par leurs jeux de jambes. Leur cercle préservé malgré la figure, le cycle reprenait.

Tous ceux qui assistaient applaudirent. Parmi les douze, les quatre immortels, dont tous connaissaient la condition physique, étaient accompagnés de Noah, Soline, Korynn, Servane, Tamara et d’autres.

Les nobles semblaient en grande discussion. Sara s’inséra dans leur groupe tout en admirant la danse en cours.

— Forts, n’est-ce-pas, intervint-elle.

— Certes, admit le duc.

Francis Mopin approcha.

— Nous débattons depuis tout à l’heure sur la capacité de l’armée à repousser les Galiens sur leurs propres terres.

Après avoir assisté aux démonstrations de Krys, ce brave Francis était parvenu à convaincre les Grands que l’armée, aussi petite soit-elle, parviendrait à défendre le château face à des dizaines de milliers d’ennemis. À terrain découvert, il pouvait en être tout autre.

— J’ai cru entendre qu’il ne s’agissait pas de la danse de la mort, mais de la victoire, répondit la princesse, les yeux toujours rivés sur les danseurs. Les croyez-vous si irréalistes que ça ?

— C’est bien ce que nous nous demandons, ajouta Lucien Masori. Reconnaissez l’incongruité de fêter la victoire avant d’engager le combat.

La princesse était entourée des principaux des nobles, curieux de ce qu’elle pourrait ajouter au débat en cours.

— Et quand bien même ils gagneraient avec très peu de pertes, disons, cinq cents de nos hommes, évalua le duc. C’est tout de même un quart de l’armée en moins pour la défense de château. J’ai peur qu’il ne vende la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

— Jusqu’à maintenant, modéra la princesse, avez-vous vu Krys commettre la moindre erreur de jugement ?

— Cette fois, c’est sept Galiens pour un humain, si je ne me trompe. Comment pourraient-ils s’en sortir sans pertes ?

— C’est que vous jugez selon nos anciennes techniques de guerre. Connaissez-vous les capacités d’une archerie montée ? Une archerie montée d’élite ?

Horace Moréa hésita à répondre.

— Une archerie montée tue à distance, continua Sara. En cas de danger, elle fuit, sans pouvoir être rattrapée.

— Sauf par une autre cavalerie, la reprit Lucien Masori.

— Qui se fera déchiqueter par les jets de flèches en pleine poursuite.

Effectivement. Le duc lissa sa moustache. La cavalerie éliminée, les fantassins ennemis se retrouveraient seuls face à des adversaires mobiles, inatteignables, sauf par leurs archers. Le second avantage de l’équipe en provenance du désert entrait alors en scène : la pertinence de leurs armures. Elles ne craignaient que modérément les jets longue distance.

— Ce que vous dites, princesse, c’est que Krys ne prendra aucun risque ?

— Tout à fait. Il ne peut se le permettre. En cas de danger, il leur abandonnera Bladel.

L’Isthme entre leurs mains, les Galiens lanceraient leurs raids meurtriers sur l’ensemble du territoire, fatiguant l’armée, l’obligeant à se déporter sur les lieux de combat, souvent en arrivant tard. Ou à laisser les siens mourir.

— Mais les Galiens ont déjà repéré les avantages de cette archerie montée. Cette fois, ils ne se feront pas prendre.

— Pas du tout. Vous pouvez le confirmer, maître Mopin, le seul moment où les cavaliers de Krys les ont attaqués, c’était avec quarante cavaliers, et les quatre immortels leur servaient de bouclier. Ces derniers ont retenu toute leur attention. Ils n’ont pas pris l’archerie montée pour déterminante, seulement comme support aux Quatre.

— C’est vrai.

— C’est pourquoi vous devez venir. Prenez vos meilleurs hommes avec vous si vous craignez que cela tourne mal. Krys ne vous demandera pas de participer au combat de toute manière, il veut seulement des témoins capables de galvaniser le peuple. Deux mille hommes qui s’en prennent à près de quinze mille Galiens, il y a de quoi étonner ? Nos ennemis vont regretter leur idée d’établir une tête de pont sur la frontière.

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