Premier cours

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Nous étions une classe d'une trentaine d'élèves au sein de mon collège.

Assise au premier rang, j'étais plongée dans une intense concentration alors que le cours battait son plein. Debout devant le tableau recouvert d'écriture, notre professeur, une craie à la main, tentait d'enseigner dans le brouhaha respectueux que formait le bruit de fond.

Ce cours de littérature et de français avait lieu tous les jours, de 10h à midi. Et aujourd'hui, j'avais une étude de texte à terminer. Elle avait été commencée par un élève des années plus tôt, sans jamais être terminée.

Suivant distraitement les explications de notre professeur sur un chapitre de notre manuel, j'étais plongée dans un débat judiciaire du roman policier que j'étudiais. Jacköbel, détective amateur d'une quarantaine d'année, élégant et aventureux, tentait de se défendre de l'accusation de meurtre dont il était victime. L'auteur semblait être de son côté. Ce fait établi, je remarquais qu'il n'apparaissait pas dans les remarques trouvées par l'élève qui avait débuté l'analyse de ce texte. Aussi étrange que cela puisse être, toutes les analyses depuis toutes ces années de ce texte, étaient restées inscrites sur la partie gauche du tableau, en lignes serrées.

Ma main qui notait le cours sans réfléchir se stoppa et je me levais, prenant une craie, pour commencer à noter sur la partie centrale du tableau mes trouvailles. Mon professeur me laissait faire, puisque non seulement j'étais sa favorite, étant sûrement la seule à travailler, mais également parce qu'il m'avait lui-même confié cette tâche importante.

Passant derrière moi, il écrivait sur la partie haute du tableau tandis qu'accroupie, j'inscrivais deux autres phrases indiquant ma progression. Je venais de les trouver par réflexion et les sentant s'échapper de ma mémoire je m'empressais de les écrire.

Mon professeur écrivit discrètement entre sa ligne et la mienne un petit « Bnj Ory » pour « bonjour », rajoutant ensuite son prénom, comme si je pouvais l'oublier. Je soupirais de soulagement alors que le dernier mot se formait sous ma craie et disparaissait de mes pensées. Souriant à mon professeur de l'attention qu'il venait d'avoir pour moi, je répondis juste à côté de son écriture, aussi légèrement que possible : « Bnj. Mag. ».

Voyant son sourire heureux, je m'empressais d'effacer cet échange. La classe, qui ne suivait pas grand-chose, ne devait pas remarquer nos saluts.

Je portais une affection toute particulière à ce professeur. Il était patient, volontaire, motivé et passionné par son travail et la réussite de ses élèves. Je lui rendis son sourire tandis qu'il me félicitait d'une main sur mes cheveux, comme un père le ferait pour son enfant après un bon travail.

Me relevant, je retournais à ma place en l'observant effacer ses premières écritures en haut du tableau pour avoir de la place. Mais le tampon qu'il tenait ne fit pas de distinction entre ses phrases et les miennes

  • Non ! Pas celles-L....à....

Trop tard. Elles disparurent malgré ma tentative d'intervention.

Soupirant, je secouais la tête et légèrement agacée, je lançais sans force ni volonté de blesser, un minuscule bout de craie dans son dos. Le but en était seulement d'attirer son attention sur le fait qu'il venait d'effacer mon travail et surtout, les phrases qui étaient déjà sorties de ma tête. Elles qui avaient été si dures à trouver...

Se retournant à l'impact, il me fixa, interloqué, alors que je désignais le tableau vierge en son centre.

  • Vous avez effacé mes phrases monsieur ! Ce n'est pas gentil..., soupirais-je.

Son regard était dur. J'avais peut-être dépassé les bornes... Sa voix grave et autoritaire me fit taire immédiatement. Dans son regard, une lueur de méchanceté que je ne lui connaissais pas était présente.

  • Je commence à en avoir marre des élèves qui se mettent au premier rang, mettent le bazar en début de cours pour ensuite faire croire qu'ils suivent ! Au fond de la classe ! acheva-t-il en pointant du doigt un pupitre libre tout au fond près du mur et des fenêtres.
  • Et vous me donnerez votre cahier avec vos notations sur l'étude de texte. C'en est fini pour vous !

Prenant mes affaires, la bouche légèrement ouverte entre l'indignation et le malaise, je pris place à l'endroit désigné dans un silence quasi religieux de mes camarades, qui voyait pour la première fois notre professeur sévir. Et envers sa meilleure élève en plus !

Alors que le cours se terminait, de nouveau, il nous prit par surprise en nous ordonnant d'apprendre trois pages complètes de notre manuel par cœur pour le lendemain. Après une vague de protestation, notre professeur annonça d'un même ton qu'une personne serait interrogée au prochain cours.

Pestant intérieurement, je rangeais mes affaires lorsque mon professeur s'empara de mon calepin, qui aurait dû me servir pour l'étude de texte, mais que je n'avais pas utilisé puisque tout avait été retranscrit de mes pensées, au tableau.

Arrachant des pages à l'intérieur sans voir qu'elles étaient vierges, il annonça fermement et gravement qu'elles étaient à lui maintenant. Récupérant le pauvre carné éventré, je le regardais puis fixais mon professeur avec stupeur.

  • Sérieusement ?? C'est vous qui avez tout effacé ! Je n'avais rien mis dedans c'était dans ma tête !

Exaspérée, je quittais la pièce pour aller prendre mon traitement du midi, étant diabétique il ne fallait pas que je loupe l'heure.

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