Chapitre 60 : La mission

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NAFDA


Plus aucun rayon ne perçait les sombres et épais nuages, sinon de l’autre direction. Nafda était contrainte de s’immerger dans son environnement sans possibilité de s’esbigner. Là où l’obscurité la mettait d’ordinaire dans ses aises, de désagréables frissons courbaient son échine.

Irréversible, affreux. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quoi qu’il en soit, je dois me faire une place dans cette immensité.

Aux contractions de son cœur, doublés par sa gorge nouée, l’assassin ne bondissait plus de suite d’une corniche à l’autre. Ces dernières dizaines de minutes défilèrent vélocement dans sa tête alors qu’un répit la côtoyait enfin. S’exténuer dans les ramifications de la cité ne l’avait guère aidé à retrouver son ennemi juré. Cette quête s’était complexifiée depuis que des cruels sorts assaillaient jusqu’à la moindre anfractuosité des rues d’Amberadie.

Si proche du but, sur le point de l’achever ! Horis est pourtant allé bien plus loin que ce je craignais. Animé par un soudain instinct de survie, peut-être ? Adversaire de toujours, aussi opposé que tu sois à moi, peut-être que je te comprends. Nous avons sans doute tous encore quelque chose à accomplir.

Il existait un temps pour ravaler sa fierté. Quand des mages déferlaient par milliers dans la précieuse cité, toutes les défenses imaginables ne pourraient que limiter l’ampleur de la vague. Ce pourquoi Nafda avait grimpé sur un haut toit depuis lequel elle disposait d’une vue panoramique d’Amberadie. Les contours dentelaient à peine dans l’horizon brumeux, mais Nafda détaillait chaque quartier s’assemblant en un ensemble harmonieux. Une vie vibrait autrefois à l’intérieur des innombrables boutiques et auberges. Des badauds se bousculaient naguère dans les marchés fourmillant au sein des places. Par-delà dômes, temples et autres édifices, quelques étroites rues abritaient des demeures plus modestes. Nafda ne les apercevait pas même depuis cette hauteur, toutefois quelques réminiscences émergèrent. La prirent au dépourvu, endiguèrent davantage sa progression. S’épongeant le front, elle avisa des plis déparer son faciès.

Je n’ai pas que de beaux souvenirs vis-à-vis de cette ville. Vendue par mes parents, enfant des rues… Inutile de me le rappeler. Mais j’y ai été sauvée, je m’y suis découverte. Hors de question de la laisser entre des mains destructrices !

C’est ce que les envahisseurs désirent… Vraiment ? Horis affirmait qu’ils cherchaient plutôt à rétablir où les mages ne seraient plus traqués, y compris dans la capitale, là où tout a commencé. Le chaos précédant l’ordre, ou l’inverse ? Ha, je ne m’y retrouve plus !

Nafda pesta en dodelinant. Seul dégainer ses dagues évacua ces lancinantes réflexions. Accroupie sur la courbure du toit, elle s’assurait de rester dissimulée, mais elle était consciente qu’elle s’exposait aussi. Sous la bâtisse bataillaient assaillants et défenseurs dans des chocs si puissants que la jeune femme les ressentit pleinement plusieurs mètres plus haut. Ses lames vibraient de plus belle à l’avenant.

Pas question de m’attarder ici ! Impératrice, j’ignore aussi où vous vous situez, mais vous vous débrouillerez très bien, j’en suis persuadée. Je vous rejoindrai en temps voulu. En attendant, ma mission est d’éliminer les mages les plus dangereux.

Il n’y a pas que Horis.

Un bond sur le toit voisin la rapprocha de ses ambitions. Nafda sonda ses alentours tout en se mouvant. Rien n’était en mesure d’enrayer sa progression tant qu’elle restait hors de portée de quiconque. Il lui suffisait d’omettre le cri soudain lui ayant rappelé d’âpres souvenirs. Il lui suffisait de se référer au faisceau lumineux. Avec la quantité de mages autour d’elle, ces indices étaient nécessaires pour identifier celles et ceux qu’elle cherchait.

Une kyrielle d’obstacles l’obstruait dans sa voie. Nafda ne chercha pourtant pas à s’en débarrasser, du moins pas de façon directe.

Une troupe de mages s’érigea tel un mur face à des rangées de soldats. De multiples nuances s’étendait le flux. Il s’abattait lourdement, désagrégeait les équipements, calcinait la chair. Chaque fois que les militaires s’imaginaient l’avoir atténué, un summum d’amplitude était atteint, et des filaments fusaient telle une immense toile. Nul ne s’extirpa d’une emprise s’imprégnant jusqu’au plus profond d’eux-mêmes. L’assassin avait hésité à intervenir avant de constater la largeur des spirales ondulant à ras des pavés. S’incarnait cette lumière séparée d’autres sources, éclairant le champ de bataille. Une grimace de dégoût déforma le visage de Nafda alors que ses côtes s’allégèrent. Des sensations contraires, de nouveau. Il me suffirait de me jeter au milieu, de venger mes alliés ! Mais je n’y arrive pas. Plus comme autrefois.

Une vague de miliciens encercla un regroupement plus réduit de mages. Quoique des sphères incandescentes entamèrent leurs brigandines, ils fauchèrent l’adversité telle une horde déchaînée. Les hallebardes fracturèrent les protections tissées de flux, les épées tranchèrent les sorts, les lances embrochèrent les détenteurs. Pas un d’entre eux ne réchappa tant les armes assaillirent telle une pluie diluvienne, si rare au sein du joyau du désert. L’assassin, témoin lointain, du massacre, aurait dû s’ébaudir d’un massacre si bien orchestré. Au lieu de quoi un intrus pincement noua son organe vital. Quoi encore ? Mon esprit, et puis maintenant mon corps ? Je ne suis plus moi-même ! Je donne raison à Horis…

Une myriade de citoyens slalomait entre les flammes. Non seulement devaient-ils esquiver chaque possible dommage collatéral, mais des pans de murs et de toits s’effondraient continûment par endroits. Des tourbillons de sable, de cendres et de poussière les entouraient par surcroît. Toute tentative de s’en dérober se soldait souvent par un échec. L’assassin parcourait son chemin sans en être entravée et elle s’estimait chanceuse en comparaison. Sa cornée s’humidifiait même tant elle constatait que les dépouilles de civils complétaient celles de belligérants où qu’elle marchât. Ils étaient censés rester en sécurité ! Pourquoi ont-ils changé d’avis ? Quelques-uns trouveront leur voie hors de la cité, mais les autres… Est-ce que cela en vaut le risque ? Je ne comprends plus rien… Je suis perdue.

Nafda pantelait. Des pointes alourdissaient sa poitrine, mais elle ne s’arrêta pas. Car elle serait favorisée en tant que cible si elle s’éternisait à un même endroit. Impulsée par cette pensée, elle se grava un visage de marbre, commença à se repérer par-delà les sanglants affrontements. Elle sprinta à s’en ravager les poumons. Elle fendit à travers les rues à s’en détériorer les chevilles.

Peut-être que j’ai surestimé l’influence de Niel et Leid… Et que j’ai sous-estimé la tienne, Horis. Considère que j’effectue un détour avant de te retrouver. Profite de ce répit. Ne meurs surtout pas avant nos retrouvailles. Pendant que tu étendras ta propre influence, pendant que tu heurteras cette belle cité, je me chargerai de tes alliés. J’étais, je reste et je demeurerai l’assassin de l’impératrice !

Si je parviens à réaliser ma mission…

Tant élancée qu’elle continuait de bifurquer vers le nord. Sa paire de dagues vibraient entre ses mains moites et refermées comme quelques tressaillements raidissaient sa colonne vertébrale. Nafda redoutait que son propre corps constituerait son obstacle mais s’évertua à chasser cette réflexion.

Elle revivait ses assassinats passés. Lorsqu’un excès d’adrénaline circulait encore dans ses veines. À l’époque où, saturée d’arrogance, ses lames goûtaient au fluide vital de proies s’inclinant contre elle. C’était un temps lors duquel nulle hésitation ne la lancinait. Où elle enchaînait ses victimes, voire mieux encore, s’en délectait. La vue vermeille qu’offraient leurs cadavres incarnait alors un indubitable symbole de triomphe.

Si ce sentiment bataillait toujours, fût-il enfoui, Nafda souhaitait en avoir le cœur net.

Nafda s’aventura au milieu que même ses pires songes lui avaient épargné. Bien des visages familiers jonchaient un sol craquelé et usé à force d’être sollicité. Peu de bâtiments s’étaient écroulés, mais les fissures lézardant les murs et les colonnes des édifices plaidaient peu en faveur de la stabilité. Naguère une eau pure et transparente s’écoulait sur le marbre des fontaines, désormais elle était teintée d’escarbilles. Autrefois des oliviers et des figuiers encadraient des domaines fleuris, dorénavant un sinistre gris s’était répandu tel une maladie incurable. Pour l’assassin, seul le parfum méphitique des environs égalait cette vision enténébrée.

Or, planquée derrière une venelle, son sang se mit à bouillonner. Elle aurait identifié Noki même si son armée s’était décuplé en nombre. Était-ce grâce à la brillance de sa lame en laiton ou la rapidité avec laquelle elle assenait des coups avec ? Le sabre virevoltant à ses côtés, manipulé par un Reino plus focalisé que jamais, s’avérait aussi un indice de taille. Tous deux guidaient des troupes certes réduites après tant d’entrechocs avec leurs adversaires, pourtant encore promptes à progresser vers le centre d’Amberadie. Ils étaient des milliers à batailler en entre les places et les venelles de ce quartier. Et tout autant à se déchaîner au gré de la tempête qu’ils avaient eux-mêmes engendré.

Une traîtresse comme une autre en apparence. La différence, c’est que Noki dirige des troupes qui mettent la capitale même de l’empire à genoux ! Et elle est trop bien entourée que pour être atteinte. Quoique, ce pourrait être un défi de taille. Il me suffirait de retourner sur les toits et de bondir sur elle afin de l’égorger, emportant peut-être son inséparable garde du corps au passage. Je pourrais même m’enfuir facilement et savourer leur désespoir au moment de…

Aussitôt revenue à la réalité que Nafda se ressaisit. Plisser les yeux l’aidait à détailler l’avancée des troupes adverses, mais d’autres luttaient plus proche de sa position. Une autre sphère ivoirine à peine quelques dizaines de mètres plus loin. De récents souvenirs la submergèrent. L’incitèrent à courir une fois encore, quitte à assister au paroxysme de la magie.

Ses prédictions s’étaient mieux réalisées qu’escomptées. Davantage qu’une ligne, une indénombrable ellipse de corps tapissait le pavé rémanent entre les crevasses. Qu’ils fussent miliciens ou militaires, leur meurtrière s’était complainte à les brûler, les écraser, les trancher ou même les miner entièrement à l’aide de son flux. Plusieurs agonisants souffraient encore de ces incurables plaies, mais aucun ne se risqua à mener une nouvelle offensive.

Nafda s’en occuperait à leur place. À brûle-pourpoint, ses dagues oscillant à une intensité inégalée, elle fondit sur sa cible avec pour objectif de la prendre par surprise. Ainsi sa silhouette se matérialiserait au moment de l’exécution. D’une roulade en l’air elle s’imposa, proche d’introduire ses dagues par-delà la persistance essence.

Mais les répercussions du choc anéantirent ses projets. Une multitude d’étincelles jaillit du bouclier, zébra le ciel, gronda sur des centaines de mètres. La riposte était telle que Nafda crut que l’éclat allait aveugler. De justesse elle ferma ses paupières, se réceptionna sur le sol d’une main leste. Essoufflée, os et muscles proche de leur rupture. Ses chaussures ripèrent encore sur le dallage au moment où l’assassin détailla pleinement sa cible.

Des cheveux de jais flottaient au milieu d’une aura ivoirine. Des taches cendrées constellaient son visage et assombrissaient son teint clair. Une tunique unie, adaptée à une mage comme elle, soulignait sa faible taille et carrure. Néanmoins, Nafda se garda bien de les interpréter comme des signes de faiblesse, surtout qu’elle faillit buter sur une autre dépouille. Les descriptions sont fidèles à la réalité. Je savais que j’allais dans la bonne direction. Un regard noir transperçait depuis les iris opalescentes de l’assaillante.

— Tu es Taori, devina l’assassin. La mage la plus traquée de tout l’empire. Après Horis Saiden, évidemment.

— Et toi, répliqua la mage, tu dois être Nafda, assassin de l’impératrice.

Prise au dépourvu, la concernée faillit sursauter. Elle s’accrocha d’autant plus à ses lames.

— Ma réputation m’a suivie jusqu’à toi ? s’étonna Nafda.

— Tu l’as dit toi-même, affirma Taori. On m’a prévenu de prendre garde à mes plus terribles ennemis ! Et tu en fais partie.

— Contrairement à toutes ces personnes que tu as massacrées, je suis plus expérimentée contre les mages de ton genre.

Soudain s’étrécit un rude coup d’œil à l’intention de l’assassin. Sans plus hésiter, Taori projeta une sphère azurée qui fila plus vite que la foudre. Nafda croisa ses dagues par réflexe et diminua ainsi la puissance du sort. Mais des filaments lumineux écorchèrent sa peau en sus de la faire glisser plusieurs mètres en arrière. Elle grogna en pantelant, se retint de tomber.

Sa réputation n’était pas trop élogieuse, cette femme se débrouille vraiment bien ! Surveillant les mouvements de son adversaire, Nafda s’assura de la garder à portée de regard. Un saut prodigieux succéda sa réflexion alors que Taori doubla la riposte. Orbes aveuglants et secousses environnantes perturbèrent l’assassin dans sa progression tenant de l’ascension. Ce qui lui importait surtout était de laisser ses lames au creux de ses mains. Alors elle riperait au contact du flux, comme miroitant parmi ces salves d’éclat.

Nafda se propulsa sur son ennemie. Désaxa la lumière émergeante, encaissa le reste. Pas une onde de frayeur ne dansait dans le faciès de Taori au contraire de ses nombreuses précédentes proies. Bien que l’assassin en fût déconcertée, elle s’ingénia tout de même à franchir ses défenses. Elle conservait sa fluidité même en l’air, se moquait de l’aura enveloppant son opposante.

Un choc se répercuta tout autour à la collision des dagues et du flux. Poings saturés de magie, Taori répliqua à armes égales face aux assauts de Nafda. Un autre point commun avec ses homologues. N’a-t-elle pas été formée hors des académies habituelles, de ce qu’on m’a racontée ? Les heurts s’enchaînèrent, si prompts, si dévastateurs que des vagues de flux frappèrent les environs. D’accord, le niveau est bien supérieur ! Un dôme blanchâtre s’étendait autour des deux combattantes, quoiqu’il transmettait les offensives davantage qu’il ne les supprimait. Des éclairs et des flammes parcouraient sa surface et atteignaient parfois l’assassin.

À force subir les impacts de l’essence amplifié dans toutes ses nuances, Nafda fut assujettie dans le duel. Aussi se retira-t-elle, s’octroya une once d’espace. Peut-être que ses halètements l’aidaient à récupérer, mais deux hurlements l’avertirent que cette quête était futile.

— Ne la touche pas ! beuglèrent-ils.

Qui ose nous interrompre ? Une flèche frôla l’assassin tandis qu’elle se dérobait d’un coup de hache. Sa nouvelle assaillante en portait deux et, les traits revêches, semblait prête à s’acharner sur elle jusqu’au trépas. Puisque son compagnon arborait une mine similaire, l’assassin prenait conscience de leur rapport avec Taori. L’un décochait rapidement des projectiles, l’autre tournoyait avec ses armes. De plus, même si la mage paraissait en retrait, de nouveaux rayons fusèrent de ses paumes, obligeant Nafda à les bloquer de toute urgence. Je suis mal, là ! Je dois me dérober. Éliminer ces deux gêneurs et enfin tuer Taori.

— Arrêtez ! supplia une voix familière.

Tous se calèrent sur le semblant d’instruction. Suite à quoi émergea un dôme d’isolation au sein du champ de bataille. Chacun de ses trois adversaires reconnut immédiatement les deux individus armés d’un sabre qui s’approchèrent d’eux. Immobile, haletante, Nafda dut y songer quelques secondes.

Mais sitôt que le déclic fendit elle se braqua, une lueur étrange scintillant sur ses traits. Eux ! Après tout ce temps ?

— Nafda, c’est bien toi ? demanda Jizo.

S’installait un silence de malaise au moment où tous se détaillaient. Pas à pas, Jizo et Nwelli avancèrent en abaissant le sabre, et se mesurèrent alors à la confusion de leurs compagnons. L’ancien esclave adressa notamment un signe de paix à Taori pendant qu’il fixa l’assassin bouche bée.

— Ce jour est arrivé, souffla-t-il. Je craignais nos retrouvailles depuis un moment. Aujourd’hui était plus que propice, je suppose. Le destin possède une curieuse ironie.

— Tu crois qu’il s’agit du hasard ? répliqua Nafda. Tu as l’air d’être alliée à Taori. Eh bien, figure-toi que je l’ai traquée moi-même pour l’éliminer !

Nwelli plaqua sa main contre sa bouche. Seulement pour elle un choc avait retenti puisque ses camarades toisaient plutôt Nafda. Plus elle lambinait ici-bas et plus le groupe se mettait à l’encercler, non sans braquer leur arme vers elle, comme de juste. Tout a changé depuis. J’aurais été naïve d’imaginer qu’ils seraient encore mes alliés. Un rictus révélateur striait pourtant le faciès de Jizo.

— Qui est cette femme ? questionna Tréham. Tu as l’air de la connaître, fiston !

— Il se pourrait que…, marmonna Wenzina. L’assassin de l’impératrice !

— Celle qui nous a libérés de notre vie d’esclavage, oui. Et que nous avons rencontré à deux reprises.

Les propos tempérés de Jizo ne ralentissaient guère ses parents dans leurs mouvements. Si bien que Nafda fléchit les genoux et adopta une position défensive. Taori l’entortilla cependant de flux invisible qui l’entortilla des chevilles à ses épaules. Paralysée, Nafda était incapable même de remuer le poignet. Maudite ! Je me fais piéger par mes anciennes rencontres ?

— Inutile de la traiter amicalement, jugea Tréham. Nous connaissons son allégeance.

— La réalité est plus complexe et nuancée ! contrasta Nwelli. Si elle était méchante, comme vous dites, pourquoi elle nous aurait secourus ?

— Parce que Jizo lui a menti, rappela Wenzina. En faisant passer vos maîtres pour des mages, tu te souviens ? Tu nous l’as toi-même raconté !

Une goutte de sueur glissa jusqu’au menton de Nafda. Dans cette inconfortable posture, elle était vulnérable à tout type d’assaut, fussent-ils verbaux, physiques ou magiques. Or Taori réduisait dangereusement la distance et tournait autour d’elle en la lancinant des yeux. Son jugement se portait aussi vers Jizo, lequel faillit se dérober.

— Le passé est derrière toi, déclara-t-elle. Mon amour, tu as commis des erreurs, mais tu t’es rattrapé depuis. Alors pourquoi tu as réclamé l’arrêt du combat ?

— Je suis persuadé au fond de moi-même qu’il y a encore du bon en Nafda.

Taori, Tréham et Wenzina dévisagèrent Jizo à la manière d’un inconnu. Aucun reproche ne fusa dans les secondes subséquentes, pourtant l’annonce les avait ébranlés, les plongeant dans un profond mutisme. Le jeune homme s’opiniâtra dans sa position et accorda même un faible sourire à l’assassin. L’amour l’a aveuglé ! À moins que… Même si ses traits s’allégèrent, Nafda ne cessa de le fixer.

— Qu’entends-tu par bonté ? s’irrita-t-elle. Je participe à cette bataille pour une unique raison : accomplir ma mission ! Que croyais-tu que je faisais lors de nos deux précédentes rencontres ? J’éliminais les ennemis de l’empire !

— Nos maîtres étaient des mauvaises personnes, concéda Jizo. Jounabie l’était aussi. Mais j’ai entendu que tu as occis également des innocents, Nafda, et ça me désole.

— Tes sentiments me touchent, mais je sais d’où tu viens. Tu priais Bennenike dans l’espoir que quelqu’un vienne te délivrer ! Et j’ai surgi car tu as été assez malin que pour venir me trouver.

— C’était avant que je rencontre Taori, justifia Jizo.

— Il t’a suffi d’une personne pour que ton monde soit bouleversé ? De mon côté, il a fallu que deux puissants mages m’exercent un contrôle mental, et qu’un autre obsède mes pensées ! Moi aussi, ça me désole de savoir que nous ne sommes plus dans le même camp.

— Dans ce cas, tu n’as qu’à…

Jizo déglutit, incapable d’achever sa phrase. Hormis Nwelli, tous ses compagnons ne cheminaient pas dans le sens de ses intentions. Ils étaient parés à fondre sur Nafda, à l’empêcher de s’enfuir, ce même si la magie de Taori la privait de tout mouvement.

Et l’assassin ne répliqua même pas. Trop occupée à promener ses yeux entre Jizo et Taori. Trop focalisée sur un objectif devenu inaccessible en apparence. Au loin s’abattait de la foudre tandis que des troupes entières continuaient de s’entretuer. Isolés d’autrui, peut-être que les belligérants auraient leur dernier répit avant la prochaine salve.

La question me revient. Où je veux être lorsque tout ceci se terminera ?

Je ne veux plus devoir répéter mon allégeance…

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