Jour de mariage

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 « J’ai toujours pensé que dans la vie, il fallait vivre autant de bons moments que de mauvais ; pour qu’une vie soit bien remplie, qu’elle soit à la fin dans cette neutralité pure. Aussi loin que remonte ma lucidité, j’ai l’impression d’avoir toutes mes journées dans cette logique. Lorsqu’un bon événement se passait dans la matinée, ou bien que cette matinée fût délicieuse à souhait même pour aucune raison particulière, il arrivait quelque chose avant minuit qui rétablissait les choses. Je n’ai pas assez de réflexion pour me rendre compte de cela sur le plan de la semaine, du mois ou encore d’une année complète, mais je pense que c’est la même logique.

Alors n’ai-je jamais connu une journée simplement bonne et heureuse. Comme à son extrémité, jamais je n’ai connu de journée entièrement malheureuse. Haut les cœurs. Lors d’une fête avec des amis ou de la famille où tout le monde semble heureux et dans une saine communion de gaité, je rassemble sur moi toutes les pensées négatives et sombres : combien de fois me suis-je pris en flagrant délit de penser à « ne seraient-ils pas plus heureux si je n’avais jamais été là ? » ou encore « à quoi sers-je dans leur gaité actuelle ? », qui me faisait dire également qu’à tout endroit où était rassemblée un groupe de personne, cette neutralité de la vie devait également faire son office. A cinq ou dix personnes heureuses, une autre personne devait vivre les turbulences de la négativité pour tout le monde.


Pourquoi dis-je cela maintenant, vous voulez savoir. Parce que le matin de mon mariage, jour le plus heureux de mon existence sans nul doute, je savais que vous alliez venir. »

Armand



 Au centre d’une clairière tapissé d’une verdure parfaite d’herbe naturellement entretenue par de paisibles herbivores visibles au lointain, entre d’un côté des collines cachant le paysage au-delà et laissant libre d’interprétation de ce qu’il s’y trouve et une vaste, sombre et profonde forêt de feuillus majestueux qui tremblent sous un vend du nord annonciateur de la saison, se trouvait une table. Autour de la table, deux sièges, une toile de tente au-dessus pour apporter de l’ombre, et deux êtres qui se regardent dans les yeux, se pénétrants de défis pour savoir qui des deux sera le premier à craquer.

D’un côté de la clairière, aux pieds des étendards et fanions de la famille royale de l’Empire, une centaine de soldats humains en armures attendaient le déroulement des pourparlers de paix sous le soleil accablants. De l’autre côté, à l’ombre des arbres et pour certains à mes les branches ou accrochés aux nombreux troncs, attendaient l’armée de la Liberté et certains des membres renégats de la famille royale.

Les deux êtres à se faire face au centre étaient d’un côté le Roi de l’Empire, un homme dont le visage est ravagé par les rides non des âges puisqu’il n’a qu’une trentaine d’années mais d’une maladie le rendant jour après jour aveugle, dans une tenue d’apparat dont son pourpoint d’un rouge éclatant et soigneusement brodé en était le symbole, de l’autre la Cheffe de la Rébellion, Pétra de Dann, dans une armure légère et apte et prête à toutes les situations qui se présenteraient à elle.


 L’assemblée était plongée dans un silence complet que même les oiseaux respectaient depuis des minutes, quand tout à coup, un hennissement équestre se fit entendre par-delà les collines. Puis des cavalcades pressées se rapprochaient. Trois cavaliers apparurent au sommet et sans attendre dévalèrent l’espace qui les séparaient du centre de la clairière.

Sans un mot, le cavalier de tête descendit de sa monture avant même qu’elle ne se soit arrêtée complétement, pendant que ses deux camarades restèrent à l’écart.

« C’est cela qui vous retient loin de mon mariage ? demanda non sans ironie et bravade le diligemment dernier arrivé.

- Fils, dit le Roi sans quitter du regard son opposante, il y a des choses supérieures que le Père doit d’abord régler.

- Mieux qu’un mariage entre deux familles ?

- La paix. Coupa le Roi

- Et cela donne quoi vos échanges de regards ? réprimanda le premier.

- Rien, c’est une impasse comme d’habitude, votre « père » ne reconnaît pas ses incompétences et son injustice. Fit la dame en quittant sobrement le regard du Roi pour se poser sur celui de Armand qui frissonna l’espace d’un instant.

- Alors à quoi bon tout cela ?

- Il faut signer la paix. C’est la nécessité pour que l’on puisse assister tous à ton mariage. Fit le Roi en posant mollement sa main droite sur la table, un parchemin se trouvant là qu’il poussa devant lui ensuite.

- Jamais je n’accepterai la paix des lâches irresponsables ! Jeta Pétra en repoussant le parchemin.

- Il suffit ! Cria nerveusement Armand, qui surprit tout le monde et planta un silence profond tout autour de lui. Est-ce pendant la Paix que j’ai courtisé Eléonore ? Est-ce pendant votre Paix que nous nous sommes rencontrés au marché ? Est-ce pendant la Paix que j’ai vu, vu et revu de nombreuses fois Eléonore ?? Non, c’était durant votre guerre, tout en sachant que le lendemain j’allais me battre en des batailles cruelles et meurtrières. Non, c’était à tous les lendemains de tueries que la Terre d’E m’a offert que je voulais revoir Eléonore, plus intense que toutes les règles, plus fort que toutes les contraintes, plus fort que la Guerre, plus profond que la Paix. »

Il laissa là une légère seconde de silence. Pour reprendre avec le même ton qui fait trembler les montagnes du Nord :

« Alors c’est pendant votre Guerre que vous allez rejoindre mon mariage parce que j’appartiens à l’Empire et Eléonore au Royaume de Dann, et que nous connaissons tous les deux quelque chose de plus puissant que toutes les guerres de notre monde, celles passées comme celles futures, un vœu et une promesse lancés face au Ciel et à la Terre. »

Une main levée de Pétra mit fin à la tirade de Armand.

« Je viendrais, pour ma filleule, je viendrais. »

Puis les regards se posèrent sur le Roi. Il croisa celui de Armand sur lui, baissa la tête, soupira une fois, puis se reprit :

« Je viendrais. »

A quoi Armand répliqua :

« Mon mariage c’est maintenant, alors il va falloir vous bouger ! »


 Après quoi il remonta sur son cheval et partit tout seul en direction des collines et au-delà, d’où il était apparu. Il quitta la clairière sans se retourner tandis que des vivats et des hourras s’échappaient de plus en plus fort des deux côtés. Les soldats de l’Empire tapaient sur leurs boucliers, l’armée de la Liberté criait de joie en descendant des arbres et en se rassemblant autour de leur Reine.

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